L’Afrique cherche à rattraper son retard abyssal en électricité

Réunis les 27 et 28 janvier 2025 dans la capitale tanzanienne, une trentaine de chefs d’Etat africains et des dirigeants d’instiutions internationales de financement du développement ont adopté la Déclaration de Dar Es Salam qui vise à apporter l’électricité à 300 millions d’Africains dans les cinq prochaines années. Intitulée Mission 300, l’Initiative va bénéficier de plus de 50 milliards de dollars de financement apportés par les bailleurs de fonds internationaux et des institutions philanthropiques.
 
En Afrique où plus de 600 millions de personnes n’ont pas encore accès à l’électricité, l’énergie est un véritable enjeu de développement humain, social et économique. L’accès à l’énergie est un des espoirs pour contribuer au règlement de l’épineuse question du chômage des jeunes, une des raisons de leur embrigadement dans les groupes djihadistes.
 
Comme vous pouvez le voir dans cette série de deux articles que nous vous proposons, il existe déjà ici et là sur le continent de belles expériences en cours pour aider à rattraper le retard abyssal en matière d’accès à l’électricité en Afrique. 
 
Le ministre d’État, ministre des Finances, du Budget, de l’Économie et du Plan, Tahir Hamid Nguilin, représentant le Chef de l’État, le Maréchal Mahamat Idriss Deby Itno, a signé ce mercredi la déclaration de Dar es-Salaam sur l’énergie.

Au Cœur des Nouveaux Hubs de l’Innovation Énergétique en Afrique

Stanislas Houël, Naphtomines, le 21 janvier 2025

L’aube se lève sur le Kigali Innovation City, ses bâtiments de verre et d’acier reflétant

les premiers rayons du soleil africain. Dans ce complexe de 70 hectares inauguré en

2018, une révolution silencieuse est en marche. Entre ses murs se dessine l’avenir

énergétique du continent, porté par une nouvelle génération d’innovateurs et

d’entrepreneurs.

Rwanda : Le Phénix Technologique de l’Afrique

Kigali Innovation City est un hub technologique en pleine croissance

Le Rwanda incarne la métamorphose du continent. En quelques années à peine, ce

petit pays est devenu un géant de l’innovation verte, attirant plus de 100 millions de

dollars d’investissements dans les technologies propres depuis 2020, selon la Banque

Africaine de Développement.

Dans les rues de Kigali, cette transformation prend une forme concrète : celle des

motos électriques Ampersand qui sillonnent la ville. L’entreprise a déployé plus de 500

véhicules, transformant non seulement la mobilité urbaine mais aussi l’économie

locale. Leurs données de 2023 révèlent une réduction spectaculaire des coûts

d’exploitation : les chauffeurs économisent jusqu’à 75% par rapport aux motos

thermiques traditionnelles.

Au cœur de cette réussite se trouve l’African Center of Excellence in Energy, un joyau

académique soutenu par la Banque Mondiale. Dans ses laboratoires ultramodernes,

deux cents étudiants en master et doctorat travaillent sur les défis énergétiques de

demain. Huit laboratoires spécialisés bourdonnent d’activité, tissant des liens avec

quinze universités internationales dans une collaboration sans précédent.

Kenya : La Silicon Savannah en Action

Plus à l’est, le Kenya trace sa propre voie vers l’innovation énergétique. Le pays a fait

le pari de l’innovation frugale et de l’intégration mobile-énergie, avec des résultats

spectaculaires. En cinq ans, le paysage énergétique s’est métamorphosé : le ministère

de l’Énergie rapporte une multiplication par quatre des solutions solaires

décentralisées.L’histoire de M-KOPA illustre parfaitement cette révolution silencieuse. L’entreprise,

pionnière du pay-as-you-go solaire, a transformé l’accès à l’énergie pour plus de deux

millions de foyers est-africains. Ses résultats 2022 parlent d’eux-mêmes : 85 millions

de dollars de chiffre d’affaires et une réduction de 380,000 tonnes d’émissions de CO2.

Derrière ces chiffres se cache une réalité plus profonde : la démocratisation de l’accès

à l’énergie propre.

Le Climate Innovation Center de Nairobi agit comme un catalyseur de cette

transformation. Depuis 2018, soixante startups y ont trouvé les ressources

nécessaires pour transformer leurs idées en solutions concrètes. Les laboratoires de

test accrédités garantissent la qualité des équipements, tandis que les programmes

d’incubation forgent la prochaine génération d’innovateurs.

Maroc : L’Excellence Technologique 

Sous le soleil brûlant d’Ouarzazate s’étend le complexe solaire Noor, plus grande

centrale solaire concentrée au monde. Ses miroirs, alignés à perte de vue, produisent

annuellement 1,6 million de mégawattheures d’électricité propre. C’est l’équivalent des

émissions de 760,000 tonnes de CO2 évitées chaque année, une prouesse technique

qui place le Maroc à l’avant-garde de la transition énergétique africaine.

L’Institut de Recherche en Énergie Solaire (IRESEN) incarne l’ambition marocaine.

Dans ses laboratoires, cent vingt chercheurs permanents repoussent les frontières de

l’innovation, soutenus par un budget annuel de 35 millions d’euros. Leurs découvertes

transforment le secteur : un système révolutionnaire de nettoyage des panneaux

solaires qui économise 90% d’eau, une technologie de dessalement solaire qui

redonne espoir aux villages côtiers, un projet pionnier d’hydrogène vert qui préfigure

l’avenir énergétique du continent.

La formation n’est pas en reste. Les Instituts de Formation aux Énergies

Renouvelables forment chaque année trois cent cinquante nouveaux techniciens, avec

un taux d’insertion professionnelle remarquable de 90%. Vingt-cinq partenariats

industriels actifs garantissent l’adéquation entre formation et besoins du marché.

Les Défis de Demain

Pourtant, le chemin reste semé d’embûches. Les rapports de la Banque Africaine de

Développement et de l’IRENA dressent un tableau nuancé. Le financement demeure

un obstacle majeur : seule une startup énergétique sur dix accède à des financements

supérieurs au million de dollars. Le ticket moyen d’investissement stagne à 250,000

dollars, bien loin des 32 milliards nécessaires pour atteindre les objectifs 2030.

La formation représente un autre défi de taille. Le secteur aura besoin de 25,000

techniciens spécialisés d’ici 2025, chacun nécessitant un investissement en formationde 45,000 dollars. La rétention des talents, avec un taux de 65%, reste une préoccupation majeure.

Une Nouvelle Ère

Malgré ces défis, l’innovation énergétique africaine s’affirme chaque jour davantage.

En 2023, le secteur a attiré 850 millions de dollars d’investissements, créant 35,000

emplois directs. Douze millions de foyers bénéficient désormais de solutions d’énergie

propre, témoignant d’une transformation profonde et durable.

Les hubs du Rwanda, du Kenya et du Maroc ne sont plus de simples promesses mais

des réalités tangibles. Ils démontrent qu’une autre voie est possible, alliant excellence

technologique et impact social. Dans leurs laboratoires, leurs incubateurs et leurs

centres de formation se dessine l’avenir énergétique de l’Afrique, un avenir plus propre,

plus équitable et résolument innovant.

 

Sources et Références Cette analyse s’appuie sur plusieurs rapports et documents officiels :

Banque Africaine de Développement (2023) : « Rapport sur le développement des énergies renouvelables en Afrique »

International Renewable Energy Agency (2023) : « Renewable Energy Statistics

2023″

M-KOPA Solar (2023) : Rapport d’impact annuel

Agence Internationale de l’Énergie (2023) : « Africa Energy Outlook 2023 »

IRESEN (2023) : Rapport d’activité annuel

Banque Mondiale (2023) : « State of Clean Technology Innovation in Developing

Countries »

Rwanda Development Board (2023) : « Investment Opportunities in Green

Technology »

Kenya Climate Innovation Center (2023) : « Impact Assessment Report »

Masen (2023) : «