La stratégie gagnante d’Erdogan en Afrique de l’Ouest

Proche des régimes renversés de Guinée, du Mali et du Niger, le président turc Racep Tayyip Erdogan a su préserver les intérêts de son pays en Afrique de l’Ouest, malgré la vague de coups d’Etat dans la région. Au prix d’une stratégie mêlant diplomatie des drônes et business.

Offrir l’hospitalité, le gîte et le couvert à l’ancien président guinéen Alpha Condé et entretenir les meilleures relations avec les militaires qui l’ont renversé en septembre 2021 : c’est le grand écart réussi par le président turc Erdogan. Le chef de la transition guinéenne le général Mamadou Doubouya a séjourné en Turquie sans avoir eu à croiser l’ex-président Condé.

Ankara avant Moscou

Avant la Guinée, le président turc a utilisé avec succès la même recette pour le Mali après le renversement en août 2020 du régime du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) dont il était notoirement très proche. La Turquie a très vite retissé les fils avec les militaires au pouvoir à Bamako. En froid avec la France et l’Occident, le régime des colonels maliens a fait de la Turquie l’autre alternative, après la Russie. Le niveau de confiance est d’ailleurs tel que c’est en Turquie et non en Russie que le patron de l’Agence nationale pour la sécurité d’Etat (ANSE) le colonel Modibo Koné a été évacué récemment pour des raisons médicales. Comme si on ne changeait pas une stratégie qui porte ses fruits, Erdogan a eu le même agenda après le renversement à Niamey en juillet 2023 du président nigérien Mohamed Bazoum. Alors qu’il avait reçu chez lui en grandes pompes en mars 2022 le président Bazoum pour une visite d’Etat de cinq jours, Erdogan a trouvé l’intelligence de ne pas se fâcher avec les nouveaux maitres du Niger. Il a condamné le coup d’Etat militaire mais a pris très vite clairement position contre intervention militaire étrangère au Niger.

Diplomatie des drones

Derrière le maintien de la sauvegarde des intérêts turcs dans les pays du Sahel et en Guinée,  se cache une vraie stratégie mûrement réfléchie à Ankara. A la différence des pays Occidentaux, la diplomatie turque s’est abstenue de faire de grandes leçons de morale aux régimes militaires sahéliens et guinéens sur la démocratie, les droits de l’homme et la liberté de la presse.  S’y est ajoutée la décision, opposée à celles des pays occidentaux, de ne suspendre pour aucun des pays théâtre de coups d’Etat la coopération et l’aide bilatérale turque. Ce qui a été très fortement apprécié à Niamey, Bamako et Ouagadougou. Fait non négligeable, au moment où Air France était interdit de vol vers Bamako, Niamey et Ouagadougou Turkish Airlines renforçait la desserte des pays sahéliens, allant jusqu’à assurer le transport des pèlerins maliens, nigériens et burkinabé vers les liens saints musulmans d’Arabie saoudite.  Mais l’argument décisif du maintien des intérêts turcs au Sahel et en Afrique de l’Ouest, après la chute des régimes civils aura été la vente du matériel militaire, particulièrement les drones.

Dans le contexte sécuritaire où les régimes militaires ont besoin de résultats rapides dans la lutte contre les groupes terroristes, la décision d’Ankara de poursuivre et même d’accélérer la cadence dans la livraison des drones, des avions de surveillance et de transports des troupes a été très fortement appréciée dans les capitales du Sahel et à Conakry.

A l’examiner de près, le succès de l’offre turque tient surtout à son caractère très diversifié, mêlant construction des aérogares, des stades et des routes à la fourniture du matériel militaire, l’agro-alimentaire, l’import-export et les évacuations sanitaires.

Les juntes militaires du Sahel sont devenues incontournbales

 



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