La semaine culturelle africaine : notre focus sur sept initiatives marquantes !

Du cinéma engagé aux saveurs envoûtantes, en passant par les festivals vibrants et les réflexions percutantes, cette sélection pointue de la rédaction met en lumière la richesse, la diversité, le dynamisme et le rayonnement international de la scène culturelle africaine.

  1. Ernest Cole, l’œil photographique qui a défié l’Apartheid

La sortie en salles du film Ernest Cole, photographe le 25 décembre 2024 en France marque un moment important dans la reconnaissance de l’un des plus grands photographes africains du XXe siècle. Ce documentaire retrace le parcours extraordinaire d’Ernest Cole (1940-1990), un artiste dont l’histoire personnelle se confond avec celle de l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Né en 1940, Ernest Cole découvre la photographie dès l’âge de huit ans, une passion qui deviendra son arme contre l’injustice. Son parcours est remarquable : il devient le premier photojournaliste noir freelance d’Afrique du Sud, collaborant avec des magazines prestigieux comme Drum Magazine et Bantu World. Sa technique photographique était aussi ingénieuse que courageuse : il dissimulait parfois son appareil dans un sandwich ou photographiait depuis sa hanche pour capturer des moments interdits sous le régime de l’apartheid.

Son œuvre majeure, House of Bondage, publiée à New York en 1967 alors qu’il n’avait que 27 ans, constitue un témoignage photographique puissant de la brutalité du régime d’apartheid. Immédiatement interdite en Afrique du Sud, cette publication le condamne à l’exil. Cole passe ses dernières années entre la Suède et les États-Unis, continuant son travail photographique dans les rues de New York, mais vivant une existence solitaire et parfois précaire. Il décède d’un cancer du pancréas en 1990, une semaine après la libération de Nelson Mandela, dans un timing tragiquement symbolique.

L’héritage de Cole connaît un rebondissement spectaculaire en 2017 avec la découverte de plus de 60 000 négatifs dans un coffre-fort bancaire à Stockholm, témoignant de l’ampleur de son travail. En 2024, la publication de The True America révèle son regard unique sur la vie des communautés noires américaines dans les années 1960-70, documentant la vie à Harlem, Chicago, Cleveland, Memphis, Atlanta et Los Angeles.

Son style photographique se distingue par des portraits et compositions urbaines saisissants, capturant la vie quotidienne avec une sensibilité particulière. Son travail oscille entre des scènes de joie et des moments d’oppression, toujours composés avec une rigueur technique remarquable. Son expérience personnelle d’homme noir durant l’apartheid infuse chacune de ses images d’une authenticité poignante.

2- L’Afro Diaspora Festival : Dakar, carrefour des cultures du monde

Du 26 au 30 décembre 2024, Dakar vibrera au rythme de l’Afro Diaspora Festival, un événement majeur qui se tiendra à la Maison de la Culture Douta Seck. Placé sous le Haut Parrainage du Président sénégalais Bassirou Diomaye Diakhar Faye, ce festival promet d’être un carrefour culturel unique où se rencontreront artistes et acteurs culturels des cinq continents.

Le programme, riche et varié, reflète l’ambition du festival de créer des ponts entre les cultures. Les spectacles de création et les concerts côtoieront des workshops et masters-class, offrant aux participants des opportunités d’apprentissage et d’échange. Le théâtre, la mode et la chorégraphie seront également à l’honneur, tandis que des expositions de livres et d’arts visuels permettront de découvrir la diversité des expressions artistiques de la diaspora africaine. 

La gastronomie africaine n’est pas en reste, permettant aux visiteurs de découvrir la richesse culinaire du continent. Des visites de sites historiques et de musées compléteront cette immersion culturelle, ancrant le festival dans l’histoire riche de Dakar et du Sénégal.

Le thème central du festival, « Dialogue des cultures », se matérialisera à travers la participation d’artistes et d’acteurs culturels venus d’Afrique, d’Amérique, d’Europe, d’Asie et d’Océanie. Des rencontres professionnelles B2B sont également prévues, facilitant les échanges et les collaborations potentielles. Un panel spécial sur « la contribution de la diaspora aux pays » promet des discussions enrichissantes sur le rôle crucial de la diaspora dans le développement culturel et économique du continent.

La Maison de la Culture Douta Seck, située au cœur de Médina à Dakar (Avenue Blaise Diagne X Rue 25), s’impose comme le lieu idéal pour accueillir cet événement d’envergure. Centre culturel d’excellence, elle incarnera pendant cinq jours l’esprit d’ouverture et d’échange qui caractérise ce festival. 

3- 20 ans de théâtre africain contemporain au Festival Mantsina sur Scène

Le Festival Mantsina sur Scène célèbre sa 20e édition à Brazzaville du 13 au 22 décembre 2023, sous le thème évocateur de « L’affirmation ». Cet anniversaire marque deux décennies de promotion du théâtre africain contemporain et de formation artistique. 

La programmation internationale réunit des artistes du Congo, du Cameroun, de France, de la République Démocratique du Congo et de Suisse. Au menu : spectacles de théâtre et de danse, lectures publiques, ateliers de formation et rencontres avec le public, offrant un panorama vivant de la création théâtrale contemporaine.

L’événement, organisé par l’association Noé Culture, bénéficie du soutien de partenaires prestigieux comme l’Institut français du Congo, le Ministère de l’industrie Culturelle et la Mairie de Brazzaville. Les représentations se déploient dans plusieurs lieux emblématiques de la ville : la Salle Savorgnan de Brazza, l’Institut Français du Congo, les Ateliers Sahm et l’espace Noura, créant un véritable parcours culturel à travers Brazzaville. 

Cette édition anniversaire, accessible gratuitement, célèbre non seulement vingt ans d’existence mais aussi l’impact durable du festival sur la scène théâtrale africaine.

4- Ike Nnaebue : portrait d’un cinéaste engagé

4- Ike Nnaebue : portrait d’un cinéaste engagé

Ike Nnaebue émerge comme une figure incontournable du cinéma africain contemporain, incarnant une nouvelle génération de réalisateurs qui allient engagement social et innovation artistique. Son parcours unique illustre la possibilité de conjuguer création artistique et entrepreneuriat culturel au service du développement du cinéma africain.

Son documentaire autobiographique No U-Turn (2022), récompensé par une mention spéciale du jury à la Berlinale 2022, marque un tournant dans sa carrière. Dans cette œuvre poignante, il revisite son propre parcours migratoire, refaisant vingt-et-un ans plus tard le même voyage qui l’avait conduit à tenter de rejoindre l’Europe par voie terrestre. Cette démarche réflexive, mêlant l’intime et le politique, caractérise son approche cinématographique unique.

Au-delà de sa carrière de réalisateur, Nnaebue s’impose comme un entrepreneur culturel visionnaire. Il a créé plusieurs structures essentielles au développement du cinéma africain : LP House of Creatives, un réseau de centres créatifs sur le continent ; Passion8 Communications Ltd, une société de production basée à Lagos ; et la Treasurewells Academy, dédiée à la formation des futurs cinéastes africains.

Son approche novatrice de la formation, notamment à travers des programmes de « smartphone filmmaking » et « Breaking into Nollywood », démocratise l’accès à la création cinématographique. Ces initiatives permettent à une nouvelle génération de créateurs de s’exprimer avec les moyens du bord, tout en leur ouvrant les portes de l’industrie cinématographique nigériane.

Son travail a été salué par de nombreuses distinctions, dont le Prix de la Bravoure Artistique au Festival International du Film de Durban et le Prix du Meilleur Film Documentaire aux Africa Academy Awards, témoignant de l’impact de son œuvre sur le renouveau du cinéma africain.

5- Le plaidoyer de Kako Nubukpo pour une Afrique souveraine

 

L’Afrique et le reste du monde: De la dépendance à la souveraineté aux éditions Odile Jacob marque un moment important dans la réflexion sur l’avenir du continent africain. Kako Nubukpo, économiste et ancien ministre togolais, y propose une analyse novatrice qui transcende les oppositions traditionnelles entre néolibéralisme et panafricanisme radical.

L’ouvrage examine en profondeur la possibilité pour l’Afrique de se réapproprier son destin tout en maintenant un dialogue constructif avec le monde. Nubukpo accorde une attention particulière au rôle des jeunes et des femmes dans la transformation écologique et sociale du continent, les considérant comme les principaux acteurs du changement à venir.

Son analyse se distingue par son approche pragmatique de la transition écologique et sociale, proposant des solutions concrètes adaptées aux spécificités africaines. L’auteur aborde notamment les enjeux de l’adaptation aux changements climatiques et de la révolution numérique, tout en mettant en garde contre les risques d’une nouvelle dépendance technologique. 

La question monétaire, domaine d’expertise de l’auteur, fait l’objet d’une analyse approfondie, examinant les perspectives de souveraineté monétaire pour les pays africains. L’ouvrage se conclut sur une vision optimiste d’une Afrique capable de définir son propre modèle de développement tout en restant connectée au monde.

6- Goûts d’Afrique, un ouvrage-ode aux saveurs du continent

Goûts d’Afrique, publié aux éditions Mango, se présente comme une célébration magistrale de la cuisine africaine. Le chef Anto Cocagne, en collaboration avec Aline Princet, nous offre un voyage gustatif à travers les saveurs de l’Afrique subsaharienne dans un ouvrage de 208 pages richement illustré. 

Ce livre au format généreux (28,5 x 23,5 cm) explore les traditions culinaires de plusieurs pays, notamment le Gabon, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Congo et l’Éthiopie. Au-delà des recettes, il propose une véritable immersion dans l’univers culinaire africain, détaillant les spécificités régionales et les produits emblématiques de chaque territoire.

Les témoignages de personnalités comme Soro Solo et la chanteuse Mamani Keita ajoutent une dimension personnelle et émotionnelle à l’ouvrage, partageant leurs souvenirs culinaires et leurs plats préférés. Chaque recette est présentée avec des instructions détaillées et des photographies évocatrices, rendant la cuisine africaine accessible à tous. 

Disponible en version papier (29,95 €) et numérique (19,99 €), Goûts d’Afrique représente une contribution majeure à la reconnaissance de la gastronomie africaine sur la scène internationale.

7- Les arthropodes du cotonnier : un ouvrage pionnier pour une lutte durable

Protéger le cotonnier contre les insectes et les acariens ravageurs tout en préservant l’environnement et la rentabilité des cultures : c’est le défi que relève avec brio l’ouvrage Les arthropodes du cotonnier : Diversité et modalités de gestion des ravageurs, paru aux éditions Quæ. Fruit de l’expertise scientifique et de l’expérience de terrain de Pierre Jean Silvie et Bernard Papierok, deux chercheurs de renommée internationale, ce livre est bien plus qu’un manuel technique : c’est un guide pratique et visionnaire pour une gestion durable des ravageurs du coton.

Organisé en deux grandes parties, l’ouvrage explore d’abord en détail la diversité des arthropodes nuisibles au cotonnier, les dégâts qu’ils causent et les interactions écologiques complexes dans lesquelles ils s’inscrivent. Puis, il passe en revue les différentes méthodes de lutte, des techniques traditionnelles aux innovations les plus prometteuses comme la lutte biologique et l’utilisation de biopesticides.

Mais la grande force de ce livre réside dans son approche résolument tournée vers la durabilité. Les auteurs ne se contentent pas de dresser un état des lieux : ils proposent des stratégies concrètes et adaptées aux contextes spécifiques des producteurs d’Afrique et d’Amérique du Sud, ainsi qu’aux défis posés par le changement climatique. L’accent est mis sur l’optimisation des méthodes de protection en fonction de la structure des paysages agricoles et des équilibres écologiques au sein des écosystèmes.

Véritable mine d’informations et de conseils, Les arthropodes du cotonnier s’adresse à tous les acteurs de la filière cotonnière soucieux de concilier productivité, rentabilité économique et préservation de l’environnement. Il ouvre des pistes prometteuses pour réduire l’utilisation des pesticides de synthèse au profit de méthodes plus respectueuses des équilibres naturels.

Cet ouvrage de référence de 190 pages est disponible en librairie depuis le 19 décembre 2024 au prix de 25 €. Nul doute qu’il deviendra rapidement un incontournable pour tous ceux qui, chercheurs comme professionnels de terrain, œuvrent au développement d’une culture cotonnière plus durable et résiliente.