Au Sénégal; le Gouvernement tenaillé entre crise économique, pression sociale et perte d’éclat diplomatique
Ces derniers mois, les gouvernants sénégalais n’ont pas du tout connu de répit. Confrontés à une situation économique délicate, ils sont également tenus de gérer des pressions politiques et sociales et une diplomatie en perte de vitesse. Plusieurs facteurs qui ont causé un remaniement ministériel le samedi 6 août 2025, avec notamment le départ de deux ministres stratégiques, en charge respectivement de la Justice et de l’Intérieur.
Des difficultés économiques
Au Sénégal, les choses ne s’arrangent pas pour le nouveau régime incarné par le président de la République Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko. Au contraire, elles se corsent notamment au plan économique. Le pays fait face à un endettement inédit désormais révisé à 118% du PIB contre 99% en 2023. À cela s’ajoute des sociétés nationales en difficultés. La Poste et la Société nationale des oléagineux du Sénégal, jadis fleurons du pays sont en grande crise, favorisant des plans de réduction des emplois et de relance. Devant cette situation, un Plan de redressement économique et social est en vigueur depuis le 1er août 2025.
Le premier chantier du plan est la réduction maîtrisée de la dépense publique. À ce niveau, les politiques fixées sont : l’amélioration de la planification stratégique, des cadres de dépenses à moyen terme, des indicateurs de performance, l’élargissement du scoring matriciel des projets, la digitalisation et l’optimisation de la commande publique, ainsi que la rénovation des procédures d’exécution budgétaire. Sans oublier la réduction de la taille de l’État.
À ce niveau, il est attendu une réduction de 100 milliards FCFA sur le train de vie de l’État. Le deuxième chantier concerne la mobilisation des ressources domestiques. Les mesures annoncées sont : l’identification de nouvelles ressources fiscales dans le secteur du numérique, l’optimisation des revenus du foncier, l’intensification des amendes et redevances au besoin.
Deux ministres écartés

À côté de la diète économique et financière, le Gouvernement du Sénégal fait face à une forte pression de certaines franges de la population. Ladite pression est liée au fonctionnement de la justice. Pour beaucoup de militants et responsables du parti au pouvoir, les choses sont lentes voire inertes concernant l’arrestation des responsables des morts lors de la période préélectorale entre 2021 et 2024. Les appels à la révolte et à la contestation se multipliaient ainsi sur les réseaux sociaux et l’espace médiatique.
Des autorités haut placé y compris le premier ministre Ousmane Sonko ont dénoncé une impunité des cas de répression. Et la réponse du ministre de la Justice, Ousmane Diagne n’a pas tardé. Devant les députés à l’Assemblée nationale, il s’est défendu, en mettant en avant les exigences d’une gestion responsable de son portefeuille ministériel imposée par l’intégrité requise par sa profession de magistrat.
« Avec toute mon expérience dans la magistrature, je n’ai jamais accepté qu’on fasse pression sur moi. Qu’on ne compte pas sur moi pour faire pression sur les magistrats du siège. Le temps de la Justice exige de la rigueur et non de la précipitation. Nous exercerons notre mission avec professionnalisme et en toute indépendance », avait il répondu.
Quelques mois après, il est emporté par la pression populaire. Car lors du remaniement ministériel, il a été remplacé par l’ex ministre des Affaires étrangères Yassine Fall, compagnon de première heure du leader de Pastef Ousmane Sonko. En même temps, son avocat Mouhamadou Bamba Cissé a été nommé ministre de l’Intérieur, remplaçant Jean Baptiste Tine. Des changements stratégiques qui soulèvent des interrogations « sur une possible Ambition de l’exécutif de mettre la main sur la Justice »
Une diplomatie en difficulté
Le ministre des affaires étrangères CHEIKH NIANG
Ces derniers mois, la diplomatie sénégalaise n’a pas connu que des éclaircies. Par moment, les tractations se sont montrées improductives. C’est par exemple le cas lors de l’élection du président de la Banque africaine de développement (BAD). Le Sénégal a perdu plusieurs voix qu’il pensait conquises. Et au final son candidat, Amadou Hott a été battu par Sidi Ould Tah, porté le président de la Mauritanie Mohamed Gazhouani.
Le candidat du Senegal à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Ibrahima Socè Fall a également essuyé un revers. Aujourd’hui, le pays veut donner plus d’éclat à sa diplomatie. C’est pour cette raison qu’un nouveau ministre des Affaires étrangères a été nommé le 6 août 2025. Cheikh Niang a remplacé Yassine Fall, avec comme mission de repositionner le Sénégal sur l’échiquier international.
Cheikh Niang a été ambassadeur du Sénégal au Japon de novembre 2014 à juillet 2018, avec accréditation en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Indonésie, au Vietnam et à Singapour. Entre juillet 2012 et novembre 2014, il représentait le Sénégal à Washington, avec compétence étendue sur le Costa Rica, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay et l’Uruguay.
De 2010 à 2012, il a exercé comme ambassadeur en Afrique du Sud, accrédité auprès de dix autres pays de la région australe. Son parcours diplomatique avait déjà été marqué par d’importantes fonctions à New York : Consul général du Sénégal de 2006 à 2010, puis ministre conseiller à la Mission permanente du Sénégal auprès des Nations Unies de 2001 à 2006. Plus tôt, il fut conseiller diplomatique du Président de la République de 1995 à 2001, après avoir dirigé la Division Afrique au ministère des Affaires étrangères.
Une ouverture vers l’Asie
Jadis, c’est la France qui était le partenaire stratégique et privilégié du Sénégal tant au niveau économique, diplomatique. Aujourd’hui la donne semble changer. La Chine avance lentement mais sûrement ses pions au point de voler la vedette à l’ancien pays colonisateur.
Aujourd’hui, ce pays asiatique est assez présent dans beaucoup de domaines. Que ce soit les infrastructures terrestres, portuaires, sanitaires, ariens etc. Déjà en 2024, selon les données de l’Agence nationale des Statistiques et de la Démographie (Ansd), les achats en provenance de Chine ont bondi de 8,3 % sur la même période, atteignant 848,242 milliards FCFA, soit 1,3 milliard d’euros. Cette progression a permis à la Chine de devenir le premier fournisseur du Sénégal en 2024, devant la France.
Cette tendance devrait continuer. Car le premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, fraîchement rentré de la Chine a retracé la nouvelle carte de coopération économique. « Rien qu’un province de la Chine peut régler nos problèmes. C’est un partenaire avec qui nous allons travailler davantage », a-t-il dit lors de son discours prononcé le mardi 1er juillet 2025, juste après le départ des troupes françaises des bases de Dakar.
Le Sénégal s’oriente également au plan diplomatique vers les pays arabes. En l’espace d’un mois, le président de la République et le premier ministre ont séjourné aux Émirats arabes unis. Dans ce cadre, les autorités sénégalaises ont multiplié les audiences avec d’autres hauts responsables de structures stratégiques dans le but de renforcer la coopération entre le Sénégal et les Emirats Arabes Unis.