Arrestation d’un individu devant une mosquée avec un pistolet, alerte alarmante d’un haut gradé de l’Armée, rapport préoccupant de Timbuktu Institute. Ces dernières semaines, les mises en garde contre l’avancée de la menace terroriste vers le Sénégal se multiplient. Une situation qui inquiète les populations de Bakel et Saraya, deux localités frontalières du Mali et de la Mauritanie. Riches de leurs mines aurifères qui attirent d’autres nationalités, ces deux départements vivent pourtant dans une précarité alarmante.
Ibrahima Dieng
La menace terroriste hante le sommeil des populations et des autorités au Sénégal. Le dernier événement en date n’arrange point les choses. Une situation grave et inconfortable s’est produite dans le Sud du pays, dans la région de Kolda. Le samedi 7 juin, au moment où des fidèles effectuaient la prière l’Aid, les gendarmes ont arrêté un homme en possession d’un pistolet automatique , cinq munitions et un chargeur. Une interpellation dans un timing assez particulier.
Elhadji Amadou Mballo a été intercepté devant une mosquée située à Médina Gounass. Interrogé sommairement par les enquêteurs, le suspect a déclaré qu’il détenait son pistolet en cas de conflit dans la mosquée. Il n’a pas présenté un permis de port d’arme. Par la suite, le Tribunal de Grande Instance de Kolda a ordonné son placement en garde à vue pour une enquête approfondie.
Cette affaire qui défraie la chronique intervient dans un contexte particulier dans une zone frontalière du Mali. Car au lendemain d’une attaque jihadiste mortelle contre une base militaire du centre du pays une attaque terroriste coordonnée a visé, lundi 2 juin, un camp de l’armée malienne dans le centre de Tombouctou et l’aéroport de la ville. Quelques semaines plus tard, Kayes, assez proche du Sénégal a enregistré une attaque terroriste.
Le cri alarmant d’un haut gradé
La menace n’est pas loin. C’est la position de l’ancien aide de camp du président Macky Sall, Meïssa Sellé Ndiaye. Dans une cérémonie publique dans le Nord du pays, il a lancé un appel à la vigilance samedi, face à la menace djihadiste, car il considère que « personne n’est à l’abri », dans un contexte où le phénomène gagne du terrain notamment dans les pays frontaliers.
Le Général d’armée Sellé Meïssa Ndiaye s’est dit préoccupé par l’émergence d’un islam « importé », promu par de nouveaux prédicateurs formés à l’étranger et dont les pratiques contrastent avec l’islam confrérique traditionnel du Sénégal. Le Haut gradé de l’armée met également en garde contre ce qu’il appelle les signes « visibles de rupture ». Pour lui, aujourd’hui certains prêcheurs refusent les rites sociaux comme les funérailles ou les baptêmes et ne participant pas à la solidarité communautaire.
Plus grave encore, l’autorité militaire considère que « des groupes seraient soutenus par des réseaux criminels liés au trafic de drogue et aux prises d’otages ». À cela s’ajoutent selon lui, des cellules terroristes dormantes.
Son alerte intervient quelques semaines après le rapport de Timbuktu Institute. faisant état de possibles menaces du JNIM. Selon le rapport, il existe des facteurs de risque qui pourraient le rendre vulnérable à la stratégie d’expansion du JNIM. L’un d’eux est la porosité des frontières. Pour le rapport, la porosité des frontières nationales permet l’infiltration économique actuelle du JNIM, ce qui constitue l’un des problèmes les plus urgents à résoudre pour la Mauritanie et le Sénégal.
Les populations inquiètes
Au Sénégal, il y a des zones particulièrement exposées au terrorisme, à cause de la situation économique exécrable et la proximité avec des localités maliennes visées par des menaces terroristes. Saraya en fait partie. Il s’agit d’une zone aurifère à 800 Km de Dakar. Et Fily Cissokho, habitant et responsable dans la zone, décrit un contexte tendu marqué par l’arrivée massive de populations venues du Mali. « Le département a accueilli de nombreuses personnes, certaines en fuite, d’autres à la recherche de terres ou d’or. Beaucoup ne sont pas identifiées, et l’orpaillage devient un facteur d’insécurité », explique-t-il.
Pour lui, aujourd’hui avec la porosité des frontières, ces derniers viennent, commettent leurs actes et se replient au Mali, surtout lorsque le fleuve est asséché. Dans cette situation, témoigne-t-il, les interventions des éléments du Groupe d’Action Rapide de Surveillance et d’Intervention (GARSI) sont compliquées car la zone est très enclavée et dépourvue d’infrastructures de base.
Bakel est frontalière à la Mauritanie et au Mali. Ce qui l’expose selon Alhousseyni Cissokho, membre du Forum civil. À ses yeux, la pauvreté est le premier facteur. Ensuite, l’influence de certains migrants porteurs d’idées extrémistes. « Les femmes et les enfants sont souvent ciblés pour faire passer des messages. L’isolement des villages fragilise encore davantage le tissu social », soutient l’acteur de la société civile sénégalaise. À l’en croire, dans des zones comme Yafféra ou Ballou, des groupes non identifiés campent à proximité des villages.
Aujourd’hui face à l’ampleur de la menace, il considère qu’il est crucial de renforcer l’approche collaborative en matière de sécurité. « La méconnaissance des mécanismes de sécurité communautaire nuit à la prévention. Il faut former des observateurs discrets, capables de détecter les comportements suspects», préconise Alphouseyni Cissokho.