A 16 mois de l’élection présidentielle, c’est le temps des petits meurtres entre ceux qui rêvent, au sein du parti présidentiel, d’un quatrième mandat d’Alassane Ouattara et les « imprudents » qui osent afficher leurs ambitions présidentielles.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Le groupe Snedai, fondé par le président de l’Assemblée nationale Adama Bictogo, est de nouveau dans l’œil du cyclone. Alors que l’entreprise n’est plus sûre de garder la concession sur la confection des passeports, l’Etat n’a pour autant pas renoncé à maintenir la pression. Depuis plusieurs semaines, le groupe fait l’objet d’un audit centré sur le respect des cahiers de charges de la convention. Il est diligenté par le ministère des finances.
Les enquêteurs veulent savoir si la part de l’Etat qui est de 20.000 FCFA (30,50 euros), soit la moitié du coût du passeport a été respectée pendant la durée de la concession. Pour le faire, le ministre Adama Coulibaly a choisi Marie-Hélène Sarassoro, la sœur cadette du directeur de cabinet du président Ouattara, Fidèle Sarassoro qui a des relations personnelles notoirement compliquées avec le président de l’Assemblée nationale.
Adama Bictogo a en effet maille à partir avec le cercle restreint des proches d’Alassane Ouattara. Il s’agit de Cissé Bacongo, le ministre gouverneur du District d’Abidjan qui a remplacé le président de l’Assemblée nationale à la direction du Rassemblement des Houphouëtistes pour la paix et la démocratie (RHDP), Kandia Camara, la présidente du Sénat qui a succédé à Hamed Bakayoko à la tête de la mairie d’Abobo, Koné Kafana, l’ancien maire de Yopougon nommé depuis plusieurs mois haut représentant spécial d’Alassane Ouattara, ainsi que le frère cadet du président, Tiéni Birahima Ouattara, le ministre de la défense.
Ambitions présidentielles
Tous prêtent des ambitions présidentielles au président de l’Assemblée nationale qui ne les réfute pas totalement, puisque selon ses proches, Adama Bictogo est à fond derrière le président s’il est candidat à un quatrième mandat. Ce qui signifie que dans le cas contraire, il pourrait lui-même viser le graal national. En tout cas, c’est cette tartufferie que lui reprochent les différentes personnalités susnommées. Le haut-représentant du président n’a d’ailleurs pas manqué d’afficher via ses réseaux sociaux son agacement à son sujet et notamment face à son soutien qualifié d’assez mou.
Pour comprendre cette nuit de longs couteaux, il suffit de se projeter dans le contexte du parti. Le président Ouattara continue de faire languir ses partisans au sujet de sa candidature à un quatrième mandat. En principe, une telle ambition est illégale au regard de la Constitution ivoirienne qui ne permet que deux mandats. Mais Ouattara a déjà grillé cette ligne rouge une fois et, au vu de l’état de décomposition de l’opposition qui n’a visiblement pas les moyens de provoquer l’arbitrage du peuple, ses partisans l’appellent ouvertement à briguer un quatrième mandat. Or, le président de l’Assemblée nationale est relativement discret. A cela, il faut ajouter qu’il s’était déjà fait adouber par ses collègues parlementaires à la tête de l’hémicycle par ses propres moyens et, au surplus, contre la volonté du président Ouattara qui y voyait Anne Ouloto, la ministre de la fonction publique.
La main tendue à l’opposition
Pis, le président de l’Assemblée nationale a d’excellentes relations avec l’opposition qu’il a réussi à pacifier depuis qu’il a pris la tête du parlement. Dans son sillage, il n’est plus rare d’apercevoir les têtes d’affiche de l’opposition telles qu’Hubert Oulaye, le président du groupe parlementaire du Parti des peuples africains (PPA-CI), le fils de Laurent Gbagbo qui est l’un des députés de Yopougon ou encore de Maurice Kakou Guikahué, ancien bras droit d’Henri Konan Bédié à la tête du PDCI. Cette popularité au sein des cercles hostiles à Ouattara inquiète suffisamment le RHDP qui avait auparavant été embarrassé par la popularité d’Hamed Ouattara qui se voyait également prendre la succession de Ouattara face à la ligne rouge du troisième mandat.
Et puisque la politique en Afrique n’est qu’une affaire d’argent, le président Ouattara semble vouloir couper à Adama Bictogo les immenses moyens financiers dont il se prévaut pour séduire. Snedai a d’ailleurs perdu plusieurs marchés publics ces derniers mois et plusieurs membres du groupe, dont certains en détention préventive, ont déjà été inquiétés dans le cadre de l’enquête concernant une fraude sur la délivrance des passeports. Le groupe fait aussi l’objet de contrôles fiscaux serrés de la part de l’administration ivoirienne. Et ce n’est peut-être pas fini.
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