Le processus de « concertation nationale » qui a débuté mercredi pour six mois et qui devrait déboucher sur la rédaction d’une nouvelle Constitution est piloté par le Conseil des églises chrétiennes de Madagascar (FFKM). Lequel est suspecté de faire le jeu de l’ancien régime par les militants de terrain qui ont été décisifs dans la chute du Président Andry Rajoelina et qui viennent de rédiger une « Charte de la Génération Z Madagascar »
Lors d’un discret voyage aux Émirats où est réfugié l’aancin chef d’État et sa famille, une information révélée par l’excellente lettre « Africa Intelligence », le Président de la refondation de Madagascar, Michaël Randrianirina, aurait rencontré des diplomates israéliens, américains et émiratis ainsi que le milliardaire Erik Prince, particulièrement actif au Congo. Dans quel but l’homme fort de Madagascar a-t-il accompli ce déplacement. Pour demander l’aide financière des EAU lors d’une rencontre avec le secrétaire d’État émirati à la coopération internationale? Ou avec l’idée de sonder les autorités des Émirats sur ube possible extradition d’Andry Rajoelina qui doit répondre à Madagascar d’accusations très graves? Sans doute les deux ! N Be
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LES ÉGLISES CHRÉTIENNES MISES EN CAUSE PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE DE MADAGASCAR
Une chronique de Daniel Sainte-Roche
Des représentants de la Gen Z ont lancé les débats à ce sujet à l’issue d’une rencontre avec le Président de la Refondation la semaine dernière comme nous l’avions expliqué dans « Mondafrique » (voir l’article di dessus). Des membres de la société civile ont suivi le pas, en spécifiant que toutes les confessions ne sont pas représentées au sein de la FFKM, et en dénonçant une velléité d’exclusion de la part des tenants du pouvoir. Sur les réseaux sociaux, des publications enflammées fustigent les Eglises qu’on accuse de vouloir remettre en selle le Président déchu Andry Rajoelina par le biais du dialogue national.
Le FFKM, une machine bien huilée
Le FFKM réunit les principales confessions chrétiennes « traditionnelles », l’Église catholique romaine (EKAR), l’Église luthérienne (FLM), l’Église réformée (FJKM) et l’Église anglicane (EEM). Créé en 1980, il est devenu au fil des ans une force morale incontournable et constitue l’élément le plus influent de la société civile. Depuis la 2ème République, et surtout au début des années 90, le FFKM a joué un rôle crucial en matière de dialogue politique. Intervenant dans le domaine de l’éducation civique (lutte contre la corruption, droits de l’homme, surveillance des élections), il dispose de larges réseaux dans tout le pays et jouit d’une grande crédibilité aux yeux de la population.
Les diverses contestations dont il fait l’objet aujourd’hui mettent en évidence le climat de méfiance qui s’installe entre les différentes entités en ce début de période transitoire. Pourtant, le mémorandum d’entente et le « projet de concertation nationale pour la refondation de Madagascar » signés entre le gouvernement et le FFKM, laissent apparaître que l’inclusivité, la neutralité et la transparence doivent présider à la conduite du dialogue national. Et bien que le FFKM soit pleinement indépendant dans la prise de décision et la définition des procédures, il est tenu de convier toutes les forces vives de la nation, y inclus les représentants des églises chrétiennes nouvellement créées et les organisations musulmanes.
Le FFKM préconise ainsi un processus comportant trois volets. D’une part, l’adoption d’une « charte de la transition » lors d’une phase préparatoire permettant de s’assurer que le processus de refondation nationale se déroule dans des conditions de stabilité socio-politique. Le FFKM prévoit de veiller à ce que les priorités nationales durant la transition tiennent compte des principales revendications durant les manifestations, et que le cadre de la concertation nationale soit bien défini. D’autre part, la mise en œuvre de la concertation nationale, ce qui devrait aboutir à la réconciliation nationale et à la définition d’un nouveau projet de société pour Madagascar avec le système étatique inhérent.
Ces deux premiers volets mettront en place la feuille de route, l’organigramme institutionnel et les termes de référence du Premier ministre de transition. Un rapport de dialogue national pour la refondation de Madagascar sera produit, et définira les valeurs communes, les principes directeurs du nouvel État, et les grandes orientations politiques, économiques et sociales du pays. Les structures adaptées à ces grandes orientations seront définies, ainsi que les lignes directeurs pour l’élaboration de projets de constitution de la République.
Le dialogue multipartite sur la charte de la transition impliquera la participation de 75 personnes issues de la Présidence de la Refondation de la Républiques, des Partis politiques, de laPlateforme « Gen-Z », du Groupement des OSC nationales, des Représentant des groupements des grands syndicats d’Etat et du Secteur privé.
Le volet « concertation » se déroulera au niveau local (dans les 17.000 Fokontany/groupements de quartiers, et 1695 Communes), au niveau des 25 régions, et au niveau national (Forum national de la refondation). Les concertations à chaque niveau verront le concours des représentants des conseils municipaux, des leader religieux, des Leaders traditionnels, des Groupements des jeunes, des Opérateurs économiques, des Groupements des fonctionnaires, et des Organisations de la société civile. Au niveau national, des représentants de la diaspora seront invités.
Lors de ces assises, le FFKM pose des critères stricts d’inclusivité se rapportant à la parité géographique (présence de toutes les régions), a la représentation féminine (minimum 40%), des jeunes de 18 à 35 ans (minimum 30%), des personnes en situation de handicap, et des sensibilités politiques.
Guerre de leadership
Les représentants des Gen Z contestent cette démarche, et font circuler une pétition en ligne dénommée « Charte de la Génération Z Madagascar ». C’est ainsi que trois célèbres écrivains, Rakotoson Michele, Raharimanana et Johary Ravaloson militent pour une signature en masse de cette Charte qui pourrait selon eux devenir le « contrat social liant la refondation de Madagascar ». Dans leur appel, ces trois écrivains notent que la Charte de la Gen Z Madagascar est « éthique », « faite sans nomination ni distribution de places, de façon plus simple et plus économique » et serait autrement plus efficace que l’organisation de « réunions qui coûteront plus cher » et qui « n’assureront pas l’inclusivité ».
Sous le slogan « people’s power » « demokrasia mainty » (« pouvoir du peuple » « démocratie noire ») la Gen Z revendique une « refondation populaire, souveraine et participative de la Nation ». Elle s’engage pour la mise en place d’un nouveau système, bâti sur des fondations « entièrement différentes » : la souveraineté nationale, la transparence, la participation du peuple et la dignité collective.
Force est cependant de constater que dans l’atteinte de ses objectifs, la Charte de la Gen Z se contente d’énoncer des mécanismes classiques : refonte institutionnelle, responsabilisation citoyenne et éveil national, respect des droits fondamentaux, implication active de la jeunesse sans distinction, transparence et bonne gouvernance… Les « lignes rouges » évoquées ne laissentpas non plus transparaitre un caractère entièrement innovant. La Charte se limite à mentionnerune série de posture : le refus de toutes formes de violence et d’abus, le refus de toute violation des droits et libertés fondamentaux incluant la liberté d’expression et le droit à la sécurité, le refus de l’usage des institutions à des fins contraires à l’intérêt général, l’intolérance à la corruption et à toutes formes d’injustice et refus de toutes élections, scrutin, mode de nomination et prise de responsabilités publiques qui ne sont pas justes, libres, équitables et transparentes.
La Force de pénétration des Églises
Trois semaines après sa publication, la Charte de la Gen Z Madagascar a recueilli 2564 signatures vérifiées (à la date du 11 décembre 2025). C’est dire que le critère d’inclusivité est loin d’être rempli, et organiser la refondation sur Facebook risquerait d’exclure beaucoup de monde, dans une société ou la connectivité n’est pas encore élargie à toutes les catégories de la population. En face, le FFKM a une force de pénétration considérable dans la mesure ou l’on peut trouver au moins une des quatre églises même dans les coins les plus reculés de Madagascar.
Cet avantage du FFKM sur le terrain est néanmoins contrebalancé par les campagnes de dénigrement relayées sur les réseaux sociaux. Dès sa création, les pouvoirs politiques ont très mal vu le succès du Conseil des églises auprès de la population. Respecté grâce à son engagement pour le dialogue, la paix et la justice sociale, le FFKM a fait l’objet de différentes manœuvres tendant à diminuer son influence. Ainsi, à partir de 1996, le Président Didier Ratsiraka a favorisé l’émergence des sectes. Cette politique a été poursuivi par Andry Rajoelinaaprès le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir en 2009. Il en résulte que les sectes évangéliques ont connu un succès retentissant, atteignant le nombre de 200 églises en 2019, selon les chiffres du ministère de l’intérieur.
La défiance envers les églises en général est aussi décelable sur les réseaux sociaux, alimentant encore plus la méfiance envers le FFKM. Cette défiance est causée en partie par l’implication personnelle de certains religieux dans les joutes politiques. Lors de la crise post-électorale de 2002 opposant Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana, l’appartenance de ce dernier au FFKM fait perdre l’image de neutralité à certains pasteurs protestants. Lors du coup d’Etat de 2009, Monseigneur Odon Marie Arsène Razanakolona, Archevêque d’Antananarivo a soutenu ouvertement Andry Rajoelina, décrédibilisant en conséquence l’ensemble de l’Eglise catholique à Madagascar. Lors du dernier mandat de Andry Rajoelina, le parti présidentiel TGV a « entretenu » des pasteurs luthériens, a charge pour ces derniers d’assurer une propagande pour le pouvoir en place…
Ces différents faits provoquent une fracture entre les structures ecclésiales et les nouveaux acteurs politiques que sont les membres de la Gen Z. Il apparait que Madagascar a cruellement besoin d’un nouveau pacte pour résoudre les blocages politiques et d’un renouvellement de la classe politique qui révèle de nouveaux acteurs capables de faire apparaître une solution crédible.


























