Accusée d’ingérence et d’être une « annexe » du gouvernement algérien, la grande mosquée subit actuellement une série d’attaques de la part de médias, figures politiques et activistes d’extrême droite. Cible collatérale de l’escalade entre Paris et Alger, Chems-Eddine Hafiz, recteur depuis 2020, est aujourd’hui sommé de s’expliquer, malgré les bonnes relations qu’il entretenait jusqu’ici avec les autorités françaises.
Cnews, Europe 1, Le Figaro et Le Point, entre autres, accusent la mosquée de Paris de complicité dans l’affaire dite « des influenceurs algériens » sur TikTok, une série de dérapages décrits par Bruno Retailleau comme une véritable entreprise de déstabilisation de la France.
Si la couverture médiatique est à l’heure actuelle particulièrement virulente à l’encontre du lieu de culte, celui-ci était jusqu’ici régulièrement attaqué par des leaders politiques de la droite radicale, des militants assumés de la lutte contre « l’islamo-gauchisme » et même certains hauts-fonctionnaires français tels que Xavier Driencourt. Omniprésent sur les sujets qui touchent de près ou de loin l’Algérie, l’ancien ambassadeur de France à Alger évoquait dès 2023 un alignement sur les positions du gouvernement algérien, notamment à travers les actions de son recteur, Chems-Eddine Hafiz, défini comme un agent d’influence du président Tebboune en France.
Dernier reproche formulé par Xavier Driencourt : l’absence de prise de parole publique en faveur de la libération de Boualem Sansal. Toujours détenu en Algérie, l’écrivain et ancien haut fonctionnaire au ministère de l’industrie algérien pourrait voir sa situation se compliquer après la diffusion récente d’une vidéo compromettante sur les réseaux sociaux. Filmé à son insu pendant une discussion lors d’un séjour à Tel-Aviv, Boualem Sansal y révèle avoir rencontré secrètement la délégation israélienne au Forum de Davos en 1997, alors qu’il représentait les intérêts du gouvernement algérien.
La riposte de Chems-Eddine Hafiz
Soutien affiché de l’actuel président français, notamment lors de la dernière campagne présidentielle de 2022, Chems-Eddine Hafiz a été promu au rang d’officier de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron en personne.
Quand la Mosquée de Paris soutenait Macron en 2022
Mais à son grand regret, il ne semble plus être en odeur de sainteté à l’Élysée. Dans un communiqué diffusé le 6 janvier, le recteur n’a pas manqué d’évoquer « le silence des autorités françaises » face à une « campagne sournoise » pour tenter de « déstabiliser » la Grande Mosquée de Paris.
Une campagne déclenchée principalement par un Algérien, Chawki Benzehra, ancien activiste anti-France reconverti en lanceur d’alerte spécialisé dans la traque de contenus illicites diffusés par ses compatriotes. Réfugié politique depuis seulement fin 2023, ce dernier a accusé directement Chems-Eddine Hafiz d’accueillir et de financer des influenceurs algériens, sans apporter de précisions ni de preuves supplémentaires.
Désormais dans l’œil du cyclone, le responsable religieux multiplie depuis les initiatives pour tenter de redorer son image ternie par ces accusations. Par le biais d’un courrier adressé le 9 janvier dernier aux 150 imams affiliés à la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz a demandé d’introduire à la fin de chaque prêche du vendredi une incantation pour « préserver la France ». Plus récemment, l’avocat franco-algérien a diffusé un post sur les réseaux sociaux dans lequel il pointe du doigt une « ère où règne la désinformation » et revendique son « rôle au service de la concorde entre deux pays, la France et l’Algérie ».
Règlements de comptes
En mauvaise posture, la mosquée de Paris a vu ces derniers jours plusieurs de ses détracteurs se saisir de l’occasion pour exprimer publiquement leur hostilité, souvent à des fins politiques.
Damien Rieu, influenceur d’extrême droite, a demandé sur X la fermeture définitive du lieu de culte, invoquant l’application de la loi du talion : « Œil pour œil, dent pour dent ». Condamné en 2024 à huit mois de prison avec sursis, l’éphémère candidat Reconquête aux législatives de 2022 a formulé ce vœu en s’appuyant sur un article du journal Le Figaro qui aborde une supposée persécution des chrétiens en Algérie.
Dans un registre proche, Naïma M’Faddel, invitée fétiche des émissions de Cnews, a mis en avant le dossier du magazine « Le Point » totalement à charge contre la Grande Mosquée de Paris pour suggérer à demi-mot sur X que celle-ci devrait revenir au Maroc. L’ex-élue locale à Dreux, qui soutient régulièrement les thèses de Reconquête et du Rassemblement national, a notamment évoqué la présence d’artisans marocains lors de la construction de l’édifice pour justifier un changement d’administration. Depuis le règne de Hassan II, Rabat n’a jamais caché son intention de ravir l’édifice à l’Algérie afin de posséder officiellement une deuxième grande mosquée en France après celle de Saint-Étienne, nommée « mosquée Mohammed VI » en l’honneur de l’actuel roi du Maroc.
La Mosquée de Paris sous influence des services algériens