La France soutient le plan marocain pour le Sahara occidental

French President Emmanuel Macron (C-L) gestures as he speaks with Morocco's King Mohamed VI (C-R) upon their arrival at Rabat Agdal train station for the inauguration of a high-speed railway line on November 15, 2018. - French President Emmanuel Macron visits Morocco to take part in the inauguration of a high-speed railway line that boasts the fastest journey times in Africa or the Arab world. (Photo by FADEL SENNA / AFP)
Dans une lettre à Mohamed VI, Emmanuel Macron vient de suggérer une « souveraineté marocaine » du Sahara occidental. En réaction, l’Algérie a annoncé rappeler son ambassadeur à Paris, pour montrer son désaccord.

Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est contrôlé en majeure partie par le Maroc, qui propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté. Mais il est revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, qui réclament un référendum d’autodétermination. L’ONU considère ce territoire, aux riches eaux poissonneuses et aux importantes réserves en phosphates, comme un « territoire non autonome ».

Or la France a vient de faire un pas décisif en direction du Maroc, mardi 30 juillet, en renforçant son soutien au plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental. Paris considère désormais ce plan comme « la seule base » permettant de résoudre le conflit avec les indépendantistes du Polisario, vieux de près de 50 ans. Sans reconnaître expressément la « marocanité » du territoire comme l’ont fait les Américains ou les Émiratis, Emmanuel Macron a déclaré lundi, dans une lettre adressée au roi Mohammed VI à l’occasion du 25e anniversaire de son intronisation, qu’il considère que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». « Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant », ajoute-t-il dans cette lettre, dont l’AFP a obtenu une copie.

La réconciliation franco marocaine

Emmanuel Macron a bien tenté, au début de son premier quinquennat, de maintenir un climat apaisé à la fois avec l’Algérie et avec le Maroc. Peine perdue, Il a réussi à se fâcher avec Rabat sans parvenir à sceller avec Alger cet axe privilégié dont lui et Jean Yves Le Drian, longtemps son ministre des Affaires Étrangères, avaient rèvé. Cette année, L’Élysée a sans estimé qu’il était temps de renouer avec Rabat.

Ce rapprochement a souffert au départ de la malencontreuse nomination du très “algérophile“ Stéphane Séjourné comme ministre des Affaires étrangères au sein du gouvernement Attal. Mauvaise pioche! Député européen, président du groupe Renew, il est à l’origine en 2021 d’une résolution appelant le Maroc au respect de la « liberté d’expression », et dénonçant le sort des journalistes emprisonnés. Une autre résolution, en 2023, mettait en cause l’utilisation du logiciel espion Pegasus et montrant du doigt l’éventuelle corruption de députés européens par les autorités marocaines… 

Emmanuel Macron a été contraint de l’envoyer en février dernier à Canossa. Reçu par Nasser Bourita, le ministre marocain des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné a apporté le soutien « clair et constant » de la France au plan d’autonomie marocain du Sahara occidental. « C’est un enjeu essentiel pour le Maroc (…) Il est désormais temps d’avancer. J’y veillerai personnellement », a déclaré le chef de la diplomatie tricolore à Rabat, annonçant un nouveau chapitre dans la relation entre le Maroc et la France. Pour preuve, Emmanuel Macron a aussi expédié au royaume chérifien Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Franck Riester, ministre du Commerce extérieur, et Bruno Le Maire, en charge de l’Économie.  

Rachida, l’amie du Maroc

En septembre 2015, François Hollande, alors chef de l’Etat, se rend à Tanger pour renforcer les liens avec le Roi Mohamed VI longtemps en froid avec le pouvoir socialiste qui avait cessé toute coopération en mtière de terrorisme. Ce jour là, François Hollande emmène dans ses bagages deux de ses ministres, Najat Vallaud-Belkacemet Myriam El Khomri, toutes deux d’origine marocaine. Parmi les invités de sa Majesté, se trouve aussi Mehdi Qotbi, un peintre charmant et prolixe qui est devenu le lobbyist incontournable entre la France et le Maroc. Autres amis du souverain, les humoristes Jammel Debbouze et Gadl Elmaleh, assistent au repas. Enfin, cerise sur le gâteau royal,  Rachida Dati, qui appartient alos à une opposition résolue contre les socialistes au pouvoir, est imposée à ce déjeuner par Mohamed 6.

C’est dire que la visite la plus attendue à Rabat est celle de l’actuelle ministre de la Culture, née d’un père marocain et possédant la double nationalité. Le Monde rappelle qu’elle a été décorée en 2010 de l’ordre du Wissam Al-Alaoui, « une distinction réservée aux personnalités étrangères pour leurs services rendus à la nation ». En 2023, accompagnant Éric Ciotti, à la tête d’une délégation du parti Les Républicains, Rachida Dati avait reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Elle avait aussi dénoncé la politique conduite par Emmanuel Macron à l’égard du Maroc, qui n’allait « pas dans la bonne direction »… A présent, Stéphane Séjourné et Rachida Dati, réunis dans le même gouvernement, roulent dans la même direction.

Les groupes français à la manoeuvre

Autres preuves d’amour de la part de l’Hexagone : ses grandes entreprises vont briser un tabou en investissant directement au Sahara occidental, ce territoire que l’ONU considère depuis près d’un demi-siècle comme non autonome. Et dont le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, réclame l’indépendance.            

A commencer par Proparco, la filiale dédiée au secteur privé de l’Agence française de financement (AED) qui devrait participer au financement d’un projet de ligne à haute tension entre Casablanca et Dakhla, la deuxième ville du Sahara. Ce sera une « ligne de transport d’énergie décarbonée », a précisé Bruno Le Maire lors de sa visite au Maroc en Mars. Le Monde révèle qu’Engie, poids lourd de l’énergie, est présente dans une joint-venture avec Nareva, propriété de la holding royale Al-Mada. « Celle-ci a été constituée en vue d’un projet hybride combinant une usine de dessalement de l’eau de mer et un parc éolien dans la zone de Dakhla » (1).  Quant à la société française Sade-CGTH, elle est impliquée dans le chantier du futur port de Dakhla Atlantique. Il s’agit d’un investissement de plus de 10 milliards de dirhams (autour d’un milliard d’euros) comprenant un port de commerce, un port dédié à la pêche côtière et hauturière, et un port consacré à l’industrie navale. « Ce port sera adossé à une zone industrialo-logistique de 1 650 hectares destinée à offrir des services industriels et logistiques de qualité », précise la presse marocaine.  

Le principal port du Sahara occidental confié aux Français

L’axe Paris/Alger mis à mal

Alger a décidé ce mardi 30 juillet le « retrait immédiat » de son ambassadeur à Paris. « La représentation diplomatique algérienne en France est désormais du ressort d’un chargé d’affaires », a ajouté le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié par l’agence officielle APS, dénonçant un « pas qu’aucun autre gouvernement français n’avait franchi avant lui ». La « désapprobation » des Algériens face à une « décision inattendue » est d’autant lus forte qu’Emmanuel Macron et Jean yves Le Drian avaient donné l’impression jusqu’à présent de privilégier leurs relations avec l’Algérie et de négliger le Maroc.

Ce temps est là est apparemment révolu!