Trois candidats, dont le président sortant, Kaïs Saied, ont été retenus dimanche pour se présenter à l’élection présidentielle en Tunisie, le 6 octobre, à l’heure où le tournant autoritaire entrepris par ce dernier s’accentue.
Mario Pinatel (Ici Beyrouth)
L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), en charge de l’organisation et de la supervision des élections, a rendu publique la liste définitive des candidats à la présidentielle qui se tiendra le 6 octobre prochain.
Le quatrième scrutin de ce type depuis le renversement, en 2011, du régime de Zine el-Abidine Ben Ali à la suite de la révolution tunisienne, revêt aussi un caractère particulier. En effet, il s’agira du premier organisé sous les auspices de la nouvelle constitution. Cette dernière fut mise en place par l’actuel président, Kaïs Saied, en 2022.
Outre l’actuel président, qui brigue un second mandat, deux autres postulants ont vu leurs dossiers acceptés. Il s’agit des anciens députés Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel, deux figures considérées comme étant relativement peu médiatisées. Les autres prétendants, dont les principaux opposants à M. Saied, ont donc été écartés de la course par divers moyens. Ils peuvent toujours présenter des recours, avec des chances de succès néanmoins limitées.
Virage autoritaire
Car cette fameuse constitution fut mise en place en raison d’un contexte précis, celui du coup de force institutionnel réalisé par l’actuel président en 2021. Vainqueur de l’élection de 2019, il est surnommé « Robocop » par les Tunisiens, en raison de l’image d’ascète particulièrement rigide qu’il renvoie en public.
S’il remporte aisément le scrutin, avec 72% des voix, sa position d’indépendant place Kaïs Saied sur une trajectoire de collision avec les principaux partis présents au Parlement: Ennahda (islamistes) et « Au cœur de la Tunisie » (laïc).
La constitution alors en vigueur, mise en place en 2014, avait instauré un système semi-présidentiel. Comme le président, le Parlement est élu au suffrage universel direct. Il élit le Premier ministre, qui choisit ensuite ses ministres et dirige le gouvernement. Ses représentants possédaient donc la même la même légitimité que le détenteur de la fonction suprême.
Frustré par des mois de blocage au Parlement qui l’empêchent de mettre en place son programme, le président tunisien choisit la manière forte. En juillet 2021, il déclare l’état d’urgence, limoge le Premier ministre et suspend le Parlement, avec le renfort de l’armée. Deux mois plus tard, il dissout celui-ci.
Dès lors, Kaïs Saied a les mains libres. Il en profite alors pour méthodiquement mettre à terre toutes les institutions démocratiques tunisiennes. Le but? Éliminer tout ce qui pourrait contrebalancer son pouvoir.
En 2022, il met en place l’actuelle constitution. D’un régime semi-présidentiel, la Tunisie passe à un modèle hyper présidentiel, à l’issue d’un référendum boycotté par l’opposition. Concentration des pouvoirs entre ses mains, limitations draconiennes de la liberté d’expression, arrestation d’opposants… le virage autoritaire est désormais assumé. Dernier exemple en date: le limogeage sans explication du Premier ministre Ahmed Hachani, mercredi 7 août.