Annoncée le 31 décembre 2024 dernier par le président ivoirien Alassane Ouattara la rétrocession du 43 è Bataillon infanterie de marine d’Abidjan (BIMA) est désormais effective. L’accord de « rétrocession » du 43è Bima vient d’être signé par les ministres de la défense de France, Sébastien Lecornu et Tiéné Birahima de Côte d’Ivoire, sous les yeux du vice-président ivoirien Tiémoko Meyliet.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Le camp du 43ᵉ bataillon d’infanterie de marine est officiellement passé, jeudi 20 février, sous pavillon ivoirien, au terme d’une cérémonie de rétrocession présidée par le vice-président ivoirien Tiémoko Meyliet, en présence du ministre français de la défense Sébastien Lecornu et son homologue ivoirien Tiéné Birahima. Mais la présence française sera maintenue dans le pays, sous une nouvelle forme.
Partir tout en restant
Les militaires français sont partis sans vraiment partir. Mais partir pour ne pas partir, c’est encore sans équivalent. Alors que ce jeudi 20 février, le ministre français des armées, Sébastien Lecornu, participait à la cérémonie de rétrocession du camp militaire du 43e bataillon d’infanterie de marine, un camp d’environ 300 hectares qu’occupait l’armée française depuis 1978, à Port-Bouët, près de l’aéroport d’Abidjan, la question qui se pose désormais est le rôle que vont jouer les 400 militaires français qui restent sur place.
D’autant que cette vertueuse rétrocession tranche avec les départs forcés qui ont eu lieu dans les pays sahéliens, mais aussi avec le fait accompli devant lequel Paris a été mis au Sénégal et au Tchad. Abidjan et Paris continuent, en effet, d’entretenir des relations énamourées, à en croire le ministre de la défense de la Côte d’Ivoire pour qui « la coopération militaire avec la France continue ».
Pour la partie ivoirienne, « il n’y a (en effet) pas de rupture en réalité parce qu’une équipe de l’armée de l’air française va s’installer à Bouaké ».
L’affichage de la souveraineté nationale
La coopération militaire continue également. D’ailleurs, tout ce qui change est à mettre au crédit de la volonté de « la France (qui a décidé) de réarticuler son dispositif en Afrique », a reconnu Téné Birahima, le ministre ivoirien de la défense pour qui ce que Paris veut Abidjan le veut.
Pourtant, du côté des autorités ivoiriennes la rétrocession avait été présentée comme un exemplaire moment de réaffirmation de la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Et puisque cela se faisait sans qu’il n’ait eu besoin de recourir aux diatribes et aux admonestations avec lesquelles les départs des troupes françaises se sont faits au Niger, au Mali et au Burkina Faso, tout a été présenté comme une victoire de la diplomatie ivoirienne.
Alassane Ouattara était surtout pressé de montrer à ses détracteurs qu’il tient lui aussi à la souveraineté nationale. C’est pourquoi il avait choisi la solennité du discours du nouvel an pour faire connaître le nouveau nom de baptême du 43è Bima, en l’occurrence Thomas D’aquin Ouattara, le premier chef d’Etat-major de l’armée ivoirienne. Malheureusement, il y a eu plus d’effet de manche et d’esbrouffe. Même si pour Paris, c’est un passage de relais qui va permettre à la base d’être véritablement opérationnelle.
Pas de rupture politique
Et puisque c’est Paris qui a décidé de réarticuler son dispositif militaire en Côte d’Ivoire, ce retrait n’est pas assorti d’une rupture politique comme dans les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et au Tchad. Selon les chiffres de l’armée française, 1 000 soldats étaient encore présents en Côte d’Ivoire fin 2023. Cet effectif avait été progressivement réduit à 600 en 2024, puis à 400 aujourd’hui, selon les sources.
Ce nombre restera en place jusqu’à l’été prochain (juillet prochain, NDLR) où il devrait descendre à son plus bas niveau pour se situer à une centaine de soldats, présents de façon semi-permanente en fonction des rotations. Mais comme généralement, le nombre de soldats français opérant dans les pays africains reste un secret bien gardé et cela ne devrait pas beaucoup changer.
D’ailleurs, même si officiellement la base militaire de Port-Bouët est « rétrocédée », le détachement français pourra cependant y continuer ses activités. Le camp va en effet abriter une école nationale des systèmes d’information et de communication, à vocation régionale. Elle dépendra totalement de la France qui va y poursuivre ses activités.
Paris va également diriger l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT), à Jacqueville, à environ 62 km d’Abidjan ainsi que l’Institut de sécurité maritime interrégional d’Abidjan.
Deux armées pour un camp
Selon la lettre spécialisée quotidienne Africa Intelligence, les Français auront leur propre dépôt de munitions et pourront engager des moyens aériens – des ravitailleurs et des hélicoptères en particulier-, si cela est nécessaire.
Sébastien Lecornu, le ministre de la défense français envisage même « des déploiements temporaires » de troupes françaises pour « des exercices d’interopérabilité avec l’armée de l’air ivoirienne ». Elles auront, a-t-il précisé, le lot de véhicules nécessaires, comme l’armée française ne quitte pas la Côte d’Ivoire en réalité.
Selon une source diplomatique citée par le quotidien français Le Monde, « il s’agit d’adapter la coopération de défense à une réalité régionale en évolution rapide » puisque Paris vient d’achever son retrait forcé du Tchad et prépare son départ du Sénégal.
Conséquence : il a fallu adapter la coopération militaire entre Paris et Abidjan pour la rendre « plus flexible, plus réactive et plus à l’écoute de l’évolution des priorités des autorités ivoiriennes », de manière à exprimer « un partenariat bien plus équilibré », estime Paris.
Le 6 janvier, Emmanuel Macron avait expliqué les modalités du « désengagement » français en Côte d’Ivoire. Pour lui, c’est la France qui a proposé aux chefs d’Etat africains de réorganiser sa présence militaire. Et « (…) je peux vous dire que dans quelques-uns de ces pays, on ne voulait pas enlever l’armée française ou même la réorganiser, mais on l’a assumé ensemble », avait-il déclaré en faisant visiblement allusion à la Côte d’Ivoire où la présence militaire française rassure les investisseurs et sert d’« assurance-vie » aux régimes successifs.