Depuis quelques semaines, la Guinée Conakry est secouée par une série de scandales financiers majeurs touchant la Banque centrale, l’or et le secteur minier, avec des ramifications jusqu’au sommet de l’État. Après toutes les affaires liées aux arrestations arbitraires et disparitions, cette avalanche de nouvelles révélations contribuent à la mauvaise image de la junte au pouvoir tant sur le plan national qu’international.
Leslie Varenne
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La Guinée traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine. Depuis la prise du pouvoir par Mamadi Doumbouya et le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), en septembre 2021, le pays s’enlise dans une succession de scandales financiers qui ébranlent la confiance dans ses institutions.
Ces tonnes d’or disparues
Depuis quelques semaines, deux journalistes d’investigation Mamoudou Babila Keïta et Latif Diallo enchaînent les révélations sur des malversations sans précédent à la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) : disparitions inexpliquées de tonnes d’or, ventes opaques de métaux précieux, transferts suspects de devises à l’étranger et l’implication directe de hauts responsables, dont le premier d’entre eux, Karamo Kaba, le gouverneur de cette institution.
L’affaire la plus retentissante concerne la disparition de 4 tonnes d’or, révélée par un audit indépendant, et la vente secrète de 457 kilogrammes d’or pour plus de 11 millions de dollars de profits illicites. Des enregistrements audios accablants, publiés par ces journalistes d’investigation, exposent des conversations compromettantes entre le gouverneur de la BCRG et des hommes d’affaires, où l’on entend des instructions explicites de garder le silence autour de transactions douteuses. Ces révélations s’ajoutent à la fuite de près de 90 millions de dollars vers Dubaï, sous couvert d’achats d’or, alors que des sociétés écrans et des réseaux de corruption institutionnalisée profitent du chaos administratif.
Les mines dans le collimateur
Le secteur minier, pilier de l’économie guinéenne, n’est pas épargné (voir article sur Simandou). Le retrait massif de permis miniers, officiellement pour assainir la filière, suscite des soupçons de redistribution arbitraire et d’intérêts privés. Les partenaires étrangers, inquiets de ces pratiques, commencent à revoir leurs engagements, tandis que la société civile dénonce l’opacité et l’impunité qui règnent au sommet de l’État.
Ces scandales interviennent dans un contexte déjà tendu, marqué par des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et une répression accrue contre les voix dissidentes. L’image de la junte, qui promettait transparence et bonne gouvernance, est aujourd’hui ternie sur la scène internationale. Les bailleurs de fonds et institutions financières s’interrogent sur la viabilité des réformes annoncées, alors que la défiance gagne la population.
Face à l’ampleur des détournements et à la gravité des accusations, la Guinée semble s’enfoncer dans une crise de confiance profonde. La refondation promise s’apparente désormais à une illusion, et le pays risque de payer longtemps le prix de ces dérives qui fragilisent durablement son avenir politique et économique.