L’ancien ministre des affaires étrangères de François Mitterrand, Hubert Védrine, estime que Paris n’a rien à changer à sa politique actuelle envers ses ex-colonies et qu’elle doit, au contraire, aborder les questions pendantes sans repentance.
Bati Abouè
Pas de repentance envers les ex-colonies, du moins selon Hubert Védrine. L’ancien ministre des Affaires Etrangères et un des esprits les pus brillants et les plus décomplexés en matière de politique internationale conseille en effet de la fermeté et, un rien, de l’arrogance aux autorités françaises, alors que deux commissions de l’Assemblée nationale française ( Défense et des Affaires étrangères) ont dû se résoudre, la semaine dernière, à faire chorus pour l’auditionner sur la nouvelle coopération à implémenter pour ressouder les liens avec l’Afrique. Car pour lui, il n’y a pas de désaffection entre Paris et ses ex-obligés. Bien au contraire, la France est la bienvenue en Afrique où elle a eu « une décolonisation réussie », qui a permis aux « Africains (d’être) optimistes », a-t-il indiqué, exception faite de l’Algérie, a tout de même tempéré M. Védrine.
La France est pourtant malmenée dans ses anciennes colonies, au Sahel notamment où elle a de mauvaises relations avec le Burkina Faso, le Mali ou encore le Niger où Paris s’est finalement résolue, ces derniers jours, à fermer son ambassade. Mais pour Hubert Védrine, ce n’est que l’épisode d’un feuilleton qui va bientôt s’achever. Car la France est seulement attaquée aujourd’hui « parce qu’elle a décidé de rester » en Afrique après la décolonisation, à la demande des Africains. D’ailleurs, Pour Hubert Védrine, c’est Houphouët qui a créé la Françafrique, avec Senghor, alors qu’elle fut l’instrument privilégié de Jacques Foccart et des dirigeants français.
Mais Hubert Védrine n’a pas été le seul dans le déni. Le président de la commission défense lui-même en est arrivé à se demander si la réalité des intérêts de la France en Afrique et l’ampleur des sacrifices consentis ne sont pas en « décorrélation ». Bref, l’ancien ministre est resté constant et déconseille à son pays d’« aborder les questions encore en suspens (avec l’Afrique) sans repentance ». Parce qu’une telle demande « n’est pas justifié historiquement et (que) ça ne sert à rien. En plus, ce n’est pas ce que demandent les Africains. Les Africains de Paris peut-être, mais pas les électeurs des pays africains », a-t-il ajouté, plein de morgue.
Hubert Védrine a également évoqué le sentiment anti-français qui, selon lui, n’existe pas. « Tout le sentiment anti-français qu’on a l’impression de voir c’est un tout un petit nombre de gouvernements souvent appuyés ou excités par des diasporas en Europe radicalisées mais ça ne représente pas l’Afrique ». Sûr de bien connaître les Africains, Hubert Védrine a invité les membres des deux commissions à garder leur calme, assurant que l’Afrique reviendra à coup sûr à la France « quand les gens auront marre de Wagner et des Russes » qui poussent à la désoccidentalisation de l’Afrique. Sans succès. Parce que rien de tout ce qui est reproché à la France et aux Occidentaux n’est pas justifié. Selon Védrine, Barack Obama a dit que les Africains doivent arrêter de raconter que leurs problèmes « sont liés à l’esclavage et à la colonisation. C’est très ancien. Vous êtes indépendants depuis des dizaines d’années », a-t-il dit pour nier tout rôle néfaste à la colonisation.