Georges Arthur Forrest plaide pour l’autosuffisance alimentaire de l’Afrique

Né en 1940 à Lubumbashi, une ville minière de l’ancienne grande province du Katanga au dud de la République Démocratique du Congo (RDC), George Arthur Forrest dirige le Groupe Forrest International, l’un des piliers de l’industrie africaine. Fort de plusieurs décennies d’expérience, il milite pour une Afrique fière de ses richesses et déterminée à exploiter pleinement son potentiel.

Le plaidoyer de cet homme d’affaires qui a connu un succès éclatant dans des domaines aussi variés que la banque, les mines, le génie civil, l’aviation ou l’énergie, aura nécessairement un écho au delà de son propre pays sur un continent qui affirme avec force sa volonté de devenir maitre de son destin. Voici plus qu’un livre, une véritable boussolle, pour tout dirigeant africain souhaitant joindre les actes aux professions de foi (Éditions Le Cherche Midi, 18,50 euros).

Un entretien de l’auteur avec Nicolas Beau, directeur de Mondafrique

 

Terres fertiles à perte de vue, main-d’œuvre jeune et abondante, climat favorable… L’Afrique possède tous les atouts pour nourrir sa population et bien au-delà. Pourtant, chaque année, elle importe pour 35 milliards de dollars de denrées alimentaires, tandis que près d’un quart de ses habitants souffre de sous- alimentation.

Ce constat accablant, George Arthur Forrest l’expose avec clarté dans ce  livre préfacé par l’ancien préssident Macky Sall, qui en 2016 avait lancé au Conseil de Sécurité de l’ONU l’initiative « Eau, paix et sécurité », née du constat que 1,5 milliard d’Africain(e)s était privé de tout accès à l’eau potable.

Une Afrique souveraine

Et si l’Afrique cessait d’importer les produits alimentaires qu’elle consomme pour devenir un acteur clé de la production agricole mondiale ? C’est tout l’enjeu du nouveau livre de George Arthur Forrest, « L’Afrique peut nourrir le monde ». Avec une vision lucide et sans concessions, cet entrepreneur engagé livre un plaidoyer puissant pour une transformation agricole capable de libérer le continent de sa dépendance alimentaire et d’ouvrir la voie à une véritable souveraineté économique.

Georges Arthur Forrest: « La faim en Afrique est une douloureuse défaite collective »

 

Mondafrique. Pourquoi ce livre écrit, dites-vous, « avec plaisir et avec hargne », qui est consacré à un sujet sur lequel on ne vous attendait pas forcément?

Georges Arthur Forrest Il y a urgence! L’Afrique est la région du monde qui manque le plus de nourriture avec plus de 278 millions de personnes souffrant de sous alimentation, soit une personne sur cinq, et jusq’à 44% de la population en Afrique de l’Est. Or si le continent comptait 800 millions d’habitants au début des années 2010, les projections des Nations Unies envisagent jusqu’à 2,7 milliards d’Africains en 2050 et même 4,5 milliards à l’horizon 2100. Le boom démographique n’est pas sans contraintes positives. Il faudra nourrir toujours plus d’Africains? Et bien relevons le défi!

Or dans mon pays, le Congo, où il pleut neuf à dix mois par an et où nous possédons les terres les plus fertiles du monde, 10% seulement des 40 millions de terres irrigables sont exploitées! Et plus du quart de la population congolaise est sous-alimenté. Nous devons remettre le grenier de nos pays à l’intérieur de nos frontières, c’est en tout cas mon rève. 

Mondafrique. Pourquoi la nécessité pour l’Afrique d’assurer sa sécurité alimentaire est-elle plus forte que jamais?

Georges Arthur Forrest. La crise russo-ukrainienne, localisée en Europe, touche fortement l’Afrique. L’enjeu de la souveraineté alimentaire est devenu clair pour tout le monde. Durant les premières heures de la guerre, le risque d’une famine est apparu pour des millions d’Africains sur un continent qui importait l’essentiel de sa consommation de blé et de maïs de l’étranger: quatre milliards de dollars de produits agricolesen provenance de la Russie en 2020, trois milliards de dollars venus d’Ukraine. 

Mondafrique  Pour quelle raison ce continent qu’on dit si peu propice au développement a-t-il fait l’objet de tant de convoitises de la part de l’Occident?

Georges Arthur Forrest  Justement parce que l’Afrique a des atouts uniques au monde, dont la jeunesse de sa population, la richesse de son sous sol, la qualité de ses teres. J’ai l’intime conviction que les Nations qui la composent peuvent regagner, voire gagner, leurs souverainetés économique et politique. Cee n’est pas une chimère de penser que l’Afrique peut se nourrir elle mêeme et mieux nourrir le monde entier. A condition de déconstruire le schéma dans lequel elle s’est trop souvent emprisonnée.

La place de l’Afrique dans le monde

Mondafrique. Quelles sont les raisons de ces retards africains en matière agricole?

Georges Arthur Forrest.  On les connait pour la plupart: les effets des changements climatiques, le défaut d’infrastructure, la question des savoirs. Nous pratiquons encore une agriculture de type familial. La révolution démographique est une opportunité. Nous allons avoir une des jeunesses les pplus actives, les plus hétéroclites, les plus dynamiques de la planète. Il faut investir sur elle. Ce que je fais en finançant des fondations pour fabriquer en Afrique des poles d’excellence.

Mondafrique. La question politique est-elle au coeur des difficultés rencontrées?

Georges Arthur Forrest. Les luttes armées déplacent les populations, perturbent la production et provoquent des famines. Comme je l’écris dans mon livre, j’ai une pensée pour nos compatriotes de l’est de la RDC qui vivent un drame absolu, pris dans un conflit interminable qui a déja fait couler trop de sang et de larmes. Comment asseoir l’ambition agricole et industrielle sans garantire l’essentiel, à savoir la paix et la sécurité? La réponse est contenue dans la question que je formule par provocation.

Mondafrique. Quelle aide attendez vous de ce qu’on appelle la communauté internationale?

Georges Arthur Forrest. Mon propos n’est pas de dénoncer un quelconque interventionnisme international, ou l’inflation des résolutions qui ont été prises à propos de notre continent ces dernières années. L’expertise étragère est importante tant que nous n’aurons pas adopté un certain nombre de réformes otamment sur le plan bancaire pour assurer une forme de sécurité aux investisseurs venus d’ailleurs.Le moment viendra pourtant où il faudra poser la question d’un membre africain permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU.L’entrée de l’Union Africaine au sein du G20 lors du sommet de New Dehli en 2023 est une véritable révolution géopolitique passée largement inaperçue.

L’Afrique doit se faire toute sa place à la table des investisseurs et des décideurs de la planète.