Gabon, les comptes bancaires cachés de Brice Laccruche-Alihanga 

L’opération Scorpion initiée par la présidence gabonaise contre Brice Laccruche Alihanga, ex-directeur du cabinet du président Ali Bongo Odimba, a débouché sur l’arrêt-saisie de sept comptes bancaires à l’île Maurice.

De notre correspondant à l’Ile Maurice , Vel MOONIEN

Brice Laccruche Alihanga a été perçu comme une menace pour le clan d’Ali qui en avait pourtant fait son bras droitBongo

Devenu tout puissant au lendemain de l’accident vasculaire cérébral Ali Bongo Ondimba lors d’un voyage à Riyadh en 2018, Brice Laccruche Alihanga a été perçu comme une menace pour le clan Bongo. Lorsque Ali Bongo Ondimba est resté en convalescence hors du Gabon pendant des mois, le Français s’était donné pour mission de faire la tournée du pays, au grand dam du clan Bongo qui a vu là des velléités de faire main basse sur le pouvoir. 

Au retour d’Ali Bongo Ondimba en novembre 2019, Brice Laccruche Alihanga a été tenu loin de la présidence. Nommé ministre, il a fait l’objet d’une enquête pour corruption, tout comme une ribambelle de ses proches. Interpellé et placé en détention préventive pour détournement de fonds publics un mois plus tard, il a ensuite été condamné délivrance irrégulière de document administratif. Il lui est reproché de s’être octroyé la nationalité gabonaise, ce qui lui avait valu une amende de 5 millions de francs CFA, l’équivalent de 7 500 euros. 

La saisie de dix millions d’euros

La Commission anticorruption mauricienne a obtenu l’arrêt-saisie de plus de 10,2 millions d’euros, soit un peu plus d’un demi-milliard de roupies, dans sept comptes offshores ouverts dans l’île. Cet argent est soupçonné de provenir des délits allégués de blanchiment, de corruption et de détournement commis par Brice Laccruche Alihanga, l’ex-directeur du cabinet du président du Gabon Ali Bongo Ondimba. 

Une enquête avait été diligentée en mars après que la Commission anticorruption mauricienne ait été informée que cinq sociétés offshores avaient comme bénéficiaires ultimes les Gabonnais Gervais-Martial Koulayo-Houlpaye et Raphael Nze Minko. Considérés comme étant des proches de Brice Laccruche Alihanga, ils avaient également placés de l’argent dans sept comptes dans une banque offshore mauricienne. 

C’est sur la base d’articles de presse concernant Brice Laccruche Alihanga et des renseignements informels obtenues auprès des autorités gabonaises que la Commission anticorruption mauricienne a réalisé cette enquête. Elle est passée à l’étape supérieure après avoir obtenu confirmation qu’un mandat d’arrêt internationale avait été lancé contre o, lesquels ont fui le Gabon. 

Gervais Martial Koulayo Houlpaye est le co-fondateur de Easytech Gabon tandis que Raphaël Nzé Minko est le vice-président du Mouvement républicain et citoyen (MRC). Ils avaient placé 5 881 733.2 euros et 4 991 884.81 dollars américains au sein de la banque AfrAsia, un établissement basé à l’île Maurice. Des perquisitions ont été réalisées au sein de la société de gestion des sept sociétés offshores qu’ils pilotent.  

Les responsables de la société de gestion seront prochainement interrogés afin de déterminer si toutes les procédures liées aux vérifications ont été respectées vis-à-vis de Gervais Martial Koulayo Houlpaye et Raphaël Nzé Minko. La Commission anticorruption mauricienne a d’ores et déjà établi une ligne de communication avec la présidence gabonaise dans le cadre de cette enquête. La clan Bongo a lancé l’opération Scorpion en vue de d’écarter toute velléité présidentielle de Brice Laccruche Alihanga. 

Devenu tout puissant au lendemain de l’accident vasculaire cérébral Ali Bongo Ondimba lors d’un voyage à Riyadh en 2018, Brice Laccruche Alihanga a été perçu comme une menace pour le clan Bongo. Lorsque Ali Bongo Ondimba est resté en convalescence hors du Gabon pendant des mois, le Français s’était donné pour mission de faire la tournée du pays, au grand dam du clan Bongo qui a vu là des velléités de faire main basse sur le pouvoir. 

Au retour d’Ali Bongo Ondimba en novembre 2019, Brice Laccruche Alihanga a été tenu loin de la présidence. Nommé ministre, il a fait l’objet d’une enquête pour corruption, tout comme une ribambelle de ses proches. Interpellé et placé en détention préventive pour détournement de fonds publics un mois plus tard, il a ensuite été condamné délivrance irrégulière de document administratif. Il lui est reproché de s’être octroyé la nationalité gabonaise, ce qui lui avait valu une amende de 5 millions de francs CFA, l’équivalent de 7 500 euros.

Les avocats de l’ancien bras droit d’Ali Bongo avancent même qu’il a fait l’objet de menaces de mort répétées lors de ses interrogatoires.

Une détention contestée 

Sa détention a fait l’objet d’un bras de fer entre Paris et Libreville. Un magistrat a été appelé à ouvrir une enquête pour détention arbitraire, de même celle de son frère Grégory, pour escroquerie alléguée. Ses avocats avancent même qu’il a fait l’objet de menaces de mort répétées lors de ses interrogatoires. Réclamant leur remise en liberté, le groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a déjà mis à l’index la détention des deux frères et de trois autres personnes. 

Il y a deux mois, le site Mondafrique.com s’interrogeait sur l’état de santé et des conditions de détention du Français, placé en isolement depuis quatre ans, dans une prison de Libreville. En parfait potentat, Ali Bongo Ondimba – devenu président en 2009 à la mort de son père, Omar – a cédé le fauteuil de Brice Laccruche Alihanga à son fils aîné, Nourredine Bongo Valentin, celui qui appréciait moyennement la montée en puissance du Français.  

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)