Boualem Sansal pourrait être amnistié le 5 juillet prochain !

Le chef d’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, est le seul à pouvoir accorder une mesure de grâce qui pourrait intervenir le 5 juillet, à l’occasion de la Fête de l’Indépendance. C’est en tout cas ce en faveur de quoi le gouvernement français et en tète Emmanuel Macron plaident deuis des mois.

Si le parquet du tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger, avait requis dix ans de prison ferme contre l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie, ce dernier avait finalement été condamné à cinq ans de détention le 27 mars, une peine qui vient d’être confirmée en appel.

Cette sentence pourrait paradoxalement précéder une amnistie de l’écrivain, le 5 juillet, dans un de ces surprenants et opaques processus de décision auxquels nous a habitués le pouvoir algérien.

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Le paradoxe algérien, le voici. L’entourage de Boualem Sansal n’a jamais autant espéré qu’aujourd’hui l’amnistie de l’écrivain franco-algérien que Mondafrique a toujours cru possible au moment même où ce dernier est menacé, lors d’un procès qui était joué d’avance, de rester en prison pour quelques années encore. 

Ce qui donne un certain crédit à cet espoir d’amnistie, c’est que les présidents français et algérien, Emmanul Macron et Abdelmadjid Tebboune, avaient convenu, le lundi 31 mars lors d’un entretien téléphonique, de relancer les relations bilatérales après plusieurs mois de tensions. Cette dynamique doit se traduire par une reprise de la coopération en matière de migration et de sécurité -ce à quoi les services français tiennent beaucoup comme l’a dit clairement la patronne de la DGSI (contre espionnage)- , selon un communiqué commun.

Voici six mois, la possibilité d’une amnistie avait été envisagée par le pouvoir algérien, du moins par certains dirigeants de ce pays, et acté dans un texte officiel, comme Mondafrique l’avait révélé. Dans le dernier paragraphe d’un long communiqué de la présidence algérienne qui annonçait en décembre dernier une vaste amnistie, la libération de huit détenus en attente de jugement est annoncée sans d’avantage de précisions.

De bonne source, Mondafrique avait appris que l’écrivain Boualem Sansal figurait parmi les bénéficiaires de la grâce présidentielle, sans que son nom soit mentionné. « En plus de huit mesures de détention provisoire et de procédure (dont celle de Sansal, son nom n’apparaissant pas), des mesures d’apaisement sont également liées aux infractions à l’ordre public », était-il indiqué de façon alambiquée dans le communiqué présidentiel.

La culpabilité de Sansal vue d’Alger

Encore fallait-il qu’un certain formalisme judiciaire soit respecté, ce qui est souvent le cas en Algérie, et que le procès, y compris en appel, ait lieu. On ne comprend rien à l’affaire Sansal si on ne tient pas compte de la conviction du pouvoir algérien et d’une partie de son opinion publique que les déclarations provocantes et grossières de l’écrivain sur la réalité des frontières du pays, comme l’avait expliqué avec un certain courage l’historien Benjamin Stora, constituaient un véritable délit  

Malgré le climat de tension entre Paris et Alger, les révélations sur la santé fragile de Boualem Sansal, la mobilisation discrète de l’Élysée qui n’apas cédé aux sirènes anti algériennes de la droite française et les appels à l’indulgence venus de la classe politique européenne semblent avoir fait bouger les lignes. Les prises de position de Sansal, devenu un sympathisant de la droite extrême en France, auront été incontestablement polémiques et bien mal venues de la part d’un obligé du régime algérien qui avait bénéficié d’une véritable sinécure sous la présidence de l’ex président Bouteflika, la place de cet écrivain n’est clairement pas de passer la fin de sa vie en prison, une certitude que les présidents algérien et français ont réussi à mettre en musique ces derniers mois, et cela contre la surenchère d’une partie des élites politiques française et algérienne.

(1) Le massacre d’Oran ou massacre du 5 juillet 1962, a lieu à Oran en Algérie, le jour indiqué, trois mois et demi après la signature des accords d’Évian mettant fin à la guerre d’Algérie, deux jours après la reconnaissance officielle de l’indépendance, et quelques heures avant sa proclamation.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)