La Côte d’Ivoire à dix mois de l’élection présidentielle

Alors que l’élection présidentielle ivoirienne, un test décisif pour l’Afrique toute entière, se rapproche, seuls l’ancienne première dame Simone Gbagbo et l’ancien premier ministre Affi N’guessan, membres de l’opposition de gauche, ont été formellement désignés comme les candidats de leur parti respectif, le Mouvement des Générations Capables (MGC) et le Front Populaire Ivoirien (FPI). Le président ivoirien, Alassane Ouattara, pressé de briguer un quatrième mandat par ses partisans reste pour l’heure silencieux. Tout comme le PDCI, mais essentiellement sur la date de la convention, tandis que l’ancien président Laurent Gbagbo, lui, n’est toujours pas éligible en dépit de sa détermination à être sur la ligne de départ.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Difficile encore d’y voir plus clair en Côte d’Ivoire où est prévue, au quatrième dimanche du mois d’octobre 2025, l’élection présidentielle. Mais alors que l’on avance allègrement vers cette échéance fatidique, les sorts du président en exercice, Alassane Ouattara et celui de son pire ennemi, l’ex-président Laurent Gbagbo sont toujours en suspens.

Le premier parce qu’il tarde à annoncer sa candidature à un quatrième mandat en dépit de la pression de son parti et d’une partie de la population, tandis que le second, lui, est toujours inéligible en raison de sa condamnation par la justice et rien, pour l’instant, ne semble améliorer sa situation. Début décembre, l’ancien président qui a tenu à faire taire les rumeurs d’une possible candidature de substitution dans son camp, avait essayé de mobiliser ses troupes en expliquant aux différents responsables de la ligue des jeunes de son parti, le Parti des Peuples Africains (PPA-CI), qu’ils ne réussiront pas à se faire élire aux élections locales ou législatives à venir comme ils l’espèrent s’il n’est pas candidat et éligible lors de la présidentielle à venir.

L’échec du « Tout Sauf Ouattara »

Mais si Laurent Gbagbo a vraiment du souci à se faire, l’appel à l’union de l’opposition contre Ouattara autour de lui s’étant soldé par un échec, ses anciens camarades de la gauche tels que Simone Gbagbo et Affi N’guessan ont déjà été désignés candidats respectivement du Mouvement des Générations Capables (MGC) pour l’ancienne première dame et du Front Populaire Ivoirien (FPI) pour ce qui est de l’ex-premier ministre de Gbagbo.

Affi N’guessan a même réussi à consolider sa position en tant que président désigné alors qu’un procès en annulation du congrès lui pendait au nez et qu’un retour de manivelle était à craindre de la part de son ancien allié du camp présidentiel, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHPD) qu’il a sévèrement critiqué après la rupture de l’alliance politique qui les liait. Quant au Parti démocratique de Côte d’Ivoire, son candidat devrait être désigné à la convention du parti mais la date de celle-ci n’a pas encore été précisée.

Cette convention cristallise les tensions entre Tidjane Thiam, le président du parti et Jean-Louis Billon, délégué départemental et député du PDCI. La rivalité entre les deux hommes a pris une nouvelle tournure lorsque Billon a accusé Thiam de n’avoir pas eu de vécu en Côte d’Ivoire d’où il a été régulièrement absent pendant vingt-trois années. « Quand il partait, la Côte d’Ivoire avait 18 millions d’habitants, il y en aura 30 millions dans quelques mois ; Yopougon (une commune de la ville d’Abidjan, NDLR) avait 700 mille habitants, y en a 2 millions aujourd’hui », a accusé M. Billon pour qui lorsque le débat politique va s’ouvrir, le président en exercice du PDCI qui est présenté comme le candidat naturel de son camp, ne saura pas parler d’éducation nationale ou de fiscalité « parce qu’il n’a pas scolarisé d’enfants en Côte d’Ivoire » et ne paye pas ses impôts dans son pays.

Les héritiers de Bédié

En guise de réponse, le PDCI a marqué son soutien au président du parti, Tidjane Thiam lors d’un meeting politique qui s’est tenu le 21 décembre dernier à Aboisso, à 111 km d’Abidjan. Pendant ce temps, Jean-Louis Billon, lui, n’a toujours pas fini avec ses déboires au sein du PDCI puisqu’il est attendu dans les prochains jours ou prochaines semaines devant le Conseil de discipline du parti pour avoir mis en danger son unité et pour ses critiques envers Tidjane Thiam qui est régulièrement accusé de diriger le parti à la hussarde et de n’avoir pas organisé, en un an de mandat à la tête du PDCI, une seule réunion du bureau politique. Mais le concerné rejette toutes ces critiques et assure, pour ce qui est de la date de la convention, que cela va dépendre de qui sera le candidat du pouvoir.

« La convention est un événement politique majeur qui va désigner celui qui va porter les couleurs du PDCI (…) C’est utile que ce soit le plus tard possible. Car, il y a un sujet fondamental : qui sera le candidat du RHDP ? Essayer de tenir une convention en n’ayant pas la réponse à cette interrogation n’est pas une bonne chose », a dit Thiam qui laisse donc mariner à sa guise un sujet de grande crispation avec le risque de saper plus durement l’unité du parti.

Ouattara, le maître des horloges 

Alassane Ouattara fait donc mine de ne pas se préoccuper de son avenir et de ne vaquer qu’à ses occupations de chef d’Etat mais le gouvernement scénise à la perfection de coûteuses cérémonies d’hommage et de supplique au président de la République. Lors du dernier conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a de nouveau évoqué le sujet de la candidature de celui-ci en affirmant que M. Ouattara répondra s’il est candidat ou pas en temps voulu.

Preuve que le chef de l’Etat sortant veut rester jusqu’au bout le maître des horloges ivoiriennes et, qui sait, le deus ex machina qui puisera encore dans la force de sa communication pour montrer qu’il est la seule solution aux problèmes des Ivoiriens. Dans le cas contraire, son vice-président Tiémoko Meyliet Koné, ressortissant du nord comme celui, devrait logiquement rafler la mise.