La campagne pour la présidentielle tunisienne a débuté samedi 14 septembre. Un démarrage qui se fait alors que ces derniers jours ont été rythmés par des arrestations nombreuses dans les rangs du parti islamiste Ennahdha, qui évoque une centaine d’interpellations. Un nouveau coup dur pour cette formation qui a dominé la vie politique tunisienne après la révolution et dont les antennes ont été fermées sur tout le territoire en avril 2023. Son président et membre fondateur, Rached Ghannouchi, avait aussi été arrêté et emprisonné, notamment pour financement étranger illicite
Pour autant, le Président tunisien se heurte à une méfiance grandissante au sein même de l’État. Ainsi, tout allait pour le mieux entre l’armée tunisienne et le Président Kaïs Saïed depuis son accession au pouvoir. Fin 2019, deux mois seulement après son investiture, Kaïs Saïed s’était rendu à Menzel Jemil, dans le nord du pays, pour rencontrer les forces militaires spéciales. Ce jour-là, note la presse tuisienne, le président avait simplement planté un olivier dont il avait lui-même creusé le trou. Par la suite, en juillet 2020, il s’était rendu dans la même caserne pour demander aux soldats s’ils étaient prêts “à combattre ceux qui songent à porter atteinte à l’État ou à la légalité”. Son dessein de transformer l’institution militaires en allié privilégié ne date pas d’aujourd’hui. A la façon des Algériens ou des Syriens, deux régimes dont il est idéologiquement proche.
Le choix de l’armée était aussi pour Kaïs Saïed un moyen de neutraliser les militaires, dont il craint, malgré une tradition de neutralité, une intervention dans un champ politique et économique totalement dégradé.
La fin de l’idylle
À l’approche de la Présidentielle pourtant, cette lune de miel est en train de prendre fin. C’est que l’autoritarisme aveugle du Président tunisien l’a amené à s’en prendre à des personnalités politiques dont le parcours légaliste et les valeurs républicaines en avaient fait, sinon des amis, du moins des interlocuteurs crédibles de l’institution militaire. Le 10 aout dernier, l’ISE, l’instance en charge de la régularité des élections, dirigée par un proche de Kaïs Saied directement nommé par la Présidence depuis une réforme de 2022, n’avait retenu que trois des dix sept dossiers déposés en vue de l’élection présidentielle qi devrait avoir lieu cet automne.
Les candidatures rejetées émanaient en effet de Lotfi Mraïdi, un ancien ministre ainsi que de Mondher Znaïdi, un ex ministre lyu aussi très estimé au sein du sérail tunisien, ou encore de la leader du Parti Destourien Libre (PDL) en prison, Abir Moussi, qui se veut l’héritière de Bourguiba et dont la popularité est très forte chez les nostalgiques de Ben Ali.
Par ailleurs, le tribunal administratif de Tunisie a ordonné, samedi 14 septembre, à la commission électorale, de réintégrer deux candidats au scrutin présidentiel du 6 octobre, afin de ne pas compromettre la légitimité de l’élection. Mondher Zenaïdi et Abdellatif Mekki avaient été écartés au début du mois.
Du jamais vu depuis des mois
Tambour battant, les jeunes manifestants ont rappelé, ce 13 septembre, avec ferveur et détermination que la Tunisie avait connu après 2011 un long processus démocratique dont ils sont les héritiers. Les amateurs de divisions (nahdaouis vs desrouriens, patriotes contre « vendus’, laïques contre islamistes …) oublient une donnée nouvelle et une catégorie majeure: les générations nouvelles. Les jeunes, hommes femmes, ont fait voler en éclat toutes ces lectures étriquées.
Lorsque les évènements de 2011 ont explosé, les organisateurs devaient avoir (en moyenne) entre 5 et 10 ans, l’âge clé où s’acquièrent les notions abstraites et les valeurs de la citoyenneté, droits et devoirs, liberté personnelle, égalité, respect des différences, et de l’importance de l’écoute et de l’expression de ses opinions.
Ces valeurs ont inspiré tous les slogans le 13 septembre.