C’est un scénario qui s’est répété plusieurs fois ces derniers mois en Afrique : un militaire, généralement celui qui dirige l’unité la plus puissante et la mieux armée du pays, prend le pouvoir par un coup d’Etat puis se fait bombarder général et président de la république. En mettant en place par précaution une transition élastique pour rendre le pouvoir à lui-même, au terme d’une élection la moins transparente possible.
Dans cette nouvelle chronique pour Mondafrique, Venance Konan, journaliste et écrivain ivoirien, Grand prix littéraire d’Afrique noire en 2012, décortique, avec humour et détachement, les astuces des putschistes africains pour donner un vernis populaire à leur hold-up et rester le plus longtemps au pouvoir.
Le Niger a organisé, depuis le début de l’année 2024 des assises nationales pour donner une direction et une durée à la transition qui dirige le pays. Et dans leurs recommandations, ces assises ont proposé de maintenir la forme républicaine de l’Etat, que la transition militaire qui dirige le pays dure désormais au minimum cinq ans, renouvelables, avec la possibilité bien entendu pour les dirigeants du régime militaire de se présenter aux prochaines élections. D’ailleurs on ne parlera plus de transition, mais de refondation, plus de président de la transition évidemment, mais de président de la république. Et le général Abdourahamane Tiani, qui n’était que général de brigade, deviendra général d’armée « en raison de son leadership dans la conquête de la souveraineté du Niger. » Et en guise de dessert, les assises nationales ont proposé la dissolution de tous les partis politiques.
De Tiani le patriote à Doumbouya le sauveur
Le général Tiani, en bon patriote, a indiqué dans son discours de clôture des assises qu’il s’engage « solennellement à concrétiser » l’espoir du peuple nigérien exprimé à travers les conclusions des assises. « Vous avez joué votre partition, je jouerai la mienne dans l’intérêt du Niger et de son peuple. » a-t-il déclaré.
Et voilà ! Et honni soit qui penserait que le brave général Tiani a renversé le président Mohamed Bazoum, qui fut élu par le peuple nigérien, pour s’accaparer le pouvoir. C’est vraiment à son corps défendant qu’il accepte ces demandes, que dis-je, ces exigences du peuple. En Guinée aussi le brave peuple est actuellement en train de supplier le pauvre général Doumbouya pour qu’il reste encore au pouvoir. Acceptera-t-il ? Il n’a encore rien dit et le suspense est absolument insupportable. Tiens ! Qu’attend le capitaine Traoré du Burkina Faso pour se bombarder général ? Et qu’attendent les Burkinabè pour le supplier de rester encore au pouvoir. Il a intérêt à se dépêcher parce que Déby Junior s’est fait élire président et est déjà maréchal.
Que c’est dur d’être putschiste ! Alors qu’on n’aspire qu’à mettre de l’ordre dans un pays gangréné par la corruption, le népotisme, l’insécurité, les violations des droits humains, et à aller se reposer dans son petit village en cultivant ses choux ou son riz, les peuples vous obligent à conserver un pouvoir qui ne vous a jamais tenté, au grand jamais. Tiani est au pouvoir depuis déjà deux ans. Et l’on l’oblige à y rester encore cinq ans, minimum. Les pauvres Mobutu et Eyadema durent rester quarante ans au pouvoir. Kadhafi aussi. Mais ce n’était pas sa faute. Lui, il était le « frère guide » de la Grande Jamahiriya libyenne populaire et socialiste. Vous savez, quand on a un frère, c’est pour la vie. Bokassa, lui, fut contraint de devenir d’abord président à vie, puis empereur. Qu’est-ce qu’ils peuvent être durs, les peuples !
A l’école du nord-coréen Kim Il-sung
Mais tout cela n’est rien à côté du dirigeant nord-coréen Kim Il-sung. Même après sa mort en 1994, l’Assemblée populaire suprême de son pays le proclama en 1998 « président éternel de la République. »
Et dans tous ces pays, des gens malintentionnés qui ne reconnaissent pas les sacrifices que font ces dirigeants, se permettent de les critiquer, de parler de démocratie, de liberté d’expression, de liberté de manifester, et d’autres idioties de ce genre. Heureusement des citoyens inconnus vont régulièrement les enlever pour les secouer un peu et leur faire comprendre ce qu’est une dictature, pardon, une transition militaire qui veut redonner sa souveraineté à un pays, à un continent. Ne l’oublions pas. Tous les coups d’Etat qui ont eu lieu dans le Sahel sont panafricains. C’est pour redonner sa souveraineté à l’Afrique. Et cette Fédération internationale pour les droits humains qui ose parler de « convergence régionale de la répression des défenseurs des droits humains au sahel » ! Dommage qu’il n’y ait encore eu personne pour les enlever.