Des retards à n’en plus finir, des défaillances techniques, une flotte de neuf appareils jugée limitée et une dette de 180 millions d’euros (118 milliards FCFA), la compagnie aérienne Air Sénégalaise est dans une zone de turbulence de puis plusieurs mois. Face à cette situation, le Gouvernement entame l’opération secours et relance à travers un audit exhaustif et une injection de liquidités pour un montant minimal de 24,3 millions d’euros (16,0 milliards FCFA).
Ibrahima Dieng (Correspondant à Dakar)
Les images sont virales. Des hommes et des femmes assis sur les carreaux d’un aéroport, des personnes rouspétant de colère. L’ambiance électrique est pour dénoncer un retard de vol. « C’est récurrent, Air Sénégal est coutumier des faits », confie un passager victime d’annulation de vol.
Plus envore, la compagnie aérienne sénégalaise est minée par des pannes techniques et des incidents ces derniers mois. Dans la nuit mercredi 8 au jeudi 9 mai 2024, le Boeing 737 en partance pour le Mali pour des problèmes techniques liés au système de gaz hydraulique a été contraint à rebrousser chemin peu après son décollage. Au total 11 blessés ont été enregistrés. Interrogé par Mondafrique pour un diagnostic de l’état de cette compagnie, le Consultant expert en économie des industries du transport aérien, Ciré Gaydel Lô considère que la compagnie nationale Air Sénégal fait face à une série de difficultés structurelles et conjoncturelles qui entravent sa performance et sa croissance.
Ces difficultés peuvent être regroupées sur plusieurs axes. « Air Sénégal peine à affirmer un positionnement clair sur le marché régional et international. L’absence d’une stratégie de branding agressive, notamment sur des lignes à fort potentiel, a limité la visibilité de la compagnie. Le branding, actuellement timide, ne traduit pas l’ambition d’une compagnie nationale censée incarner le leadership aérien sénégalais », souligne Ciré Gaydel Lô. L’autre problème selon lui, est un modèle économique fragile. « Air Sénégall repose encore de manière excessive sur des subventions publiques, ce qui en fait un modèle non-autonome, exposé à la volatilité budgétaire de l’État et à l’instabilité politique. Cette dépendance empêche la compagnie de bâtir une trajectoire financière crédible et autonome, condition pourtant indispensable pour inspirer confiance aux partenaires internationaux, bailleurs et futurs investisseurs », regrette M. Lô.
Plus de 180 millions d’euros de dettes
La situation de la société est peu reluisante. Dans son diagnostic, le premier ministre Ousmane Sonko a souligné que la Compagnie nationale Air Sénégal a bénéficié depuis 2018, d’un soutien financier important de l’État du Sénégal à hauteur de 276 millions d’euros (181 milliards FCFA). Cependant il précise que la société fait aujourd’hui face à une dette dépassant 180 millions d’euros (118 milliards FCFA), après avoir enregistré des pertes successives de 135,6 millions d’euros (89 milliards FCFA) en 2022 et 86,8 millions d’euros (57 milliards FCFA) en 2023. Ces exercices, a-t-il expliqué ont été marqués par des défaillances managériales et des décisions qui nécessitent des investigations, notamment avec plus de 152 millions d’euros (100 milliards FCFA) dépensés en locations d’avions.
Le plan d’actions de relance de la compagnie, initié en 2022, n’a finalement été réalisé qu’à hauteur de 5%. Avec cette dette, la société américaine de leasing d’avions, Carlyle Aviation, avait saisi la justice et obtenu une décision de justice américaine autorisant la saisie de quatre de ses appareils.
Face à la crise, le Gouvernement a décrété l’apurement des dettes d’exploitation d’Air Sénégal envers les créanciers, au plus tard en fin juin 2025. Un audit approfondi qui sera mené ainsi qu’une reconstitution des fonds propres
Dans l’objectif de relancer la compagnie Air Sénégal, l’État pense sérieusement à ouvrir le capital au secteur privé. C’est une décision qui s’impose selon le spécialiste, Ciré Gaydel Lô. « L’idée d ‘ouverture du capital d’une compagnie aérienne nationale comme Air Sénégal à des investisseurs privés ou à des partenaires techniques doit être envisagée avec la plus grande prudence et dans une logique stratégique à long terme. Il s’agit non seulement d’une question de souveraineté, mais aussi de positionnement économique régional et international ».