Côte d’Ivoire, un climat pesant à un mois de la présidentielle

A un mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, un calme pesant règne dans la capitale économique. Pendant que les deux camps, le parti au pouvoir et l’opposition, se préparent à s’affronter dans les urnes ou dans la rue, la population se débat avec l’incertitude.

Correspondance à Abidjan

Comme souvent, c’est un chauffeur de taxi qui résume le mieux l’état d’esprit dans lequel vit la population : « On a le cœur qui bat, on est inquiet, on ne veut pas revivre les violences de 2011, on veut la paix ».

« On a le cœur qui bat »

Cette inquiétude est visible dans les rayons des supermarchés où les produits de première nécessité comme le riz et l’huile sont dévalisés. Elle est également palpable dans les rues d’Abidjan désertées après 21h. Dans les conversations, la guerre de 2011 est omniprésente. Chacun se souvient, raconte des anecdotes et si par pudeur ces récits sont souvent relatés avec légèreté et humour, le traumatisme de cette guerre reste toujours aussi prégnant. Un militant du PPACI, le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, dont la candidature n’a pas été retenue par le Conseil constitutionnel, constate «  la tension est en train de monter », pour lui « il ne faut pas s’y tromper, nous sommes déjà entrés dans la crise préélectorale. »

En revanche, les partisans d’Alassane Ouattara se montrent confiants : « il n’y aura rien, le pays ne va pas se mélanger, l’opposition est faible et le pouvoir est bien préparé. » La majorité silencieuse oscille entre ces deux versions, chacun y va de ses prédictions et de ses scénarios et rêve d’une alternance pacifique à « la Sénégalaise »…

Chaque camp fourbit ses armes

La campagne officielle ne s’ouvrant que le 9 octobre, les murs n’affichent pas encore les portraits géants des seuls cinq candidats retenus par le Conseil Constitutionnel  et les grands meetings n’ont pas encore commencé. Cependant tous les états-majors s’activent. 

Dans le camp du pouvoir, la sérénité n’est que de façade, chez eux aussi la tension est en train de monter.  Depuis le 23 septembre, l’armée a été déployée dans tout le pays et les services de sécurité sont sur le qui-vive. Dans la capitale, les cargos de la police sont plus nombreux et sont volontairement plus visibles, notamment à Yopougon, une commune acquise à Laurent Gbagbo. Les policiers contrôlent les identités, arrêtent les personnes et relâchent la plupart d’entre elles après quelques heures au poste.

Du côté du PPACI de Laurent Gbagbo, les grandes manœuvres se préparent mais rien ne filtre des intentions de l’ancien président. Ses partisans sont suspendus à ses lèvres, ils attendent le mot d’ordre de mobilisation qui donnera le top départ. D’après des indiscrétions se seraient pour la fin de la semaine, mais qui sait ?

Tidjane Thiam, le candidat du PDCI, autre grand parti d’opposition qui n’a lui non plus pas été retenu par le Conseil constitutionnel, est loin du pays à New-York où il fait du lobbying pour rallier l’administration américaine à sa cause. Sur le terrain, la direction de ce parti veut encore croire à la diplomatie. Elle a profité de la présence à Abidjan du Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (Unowas), le Mozambicain, Leonardo Santos Simão, pour appeler les Nations Unies à mettre en œuvre une médiation urgente pour favoriser un dialogue politique inclusif. Peine perdue ?

Alors que l’absence de consensus politique laisse planer une ombre sur la stabilité du pays, les Ivoiriens restent suspendus entre le désir de paix et les craintes d’un remake de 2011.