Les proches de Laurent Gbagbo tentent de traduire dans les faits l’appel à l’Union lancé par l’ancien chef d’état le 14 juillet dernier. Ainsi le président exécutif du Parti des peuples africains (PPA-CI), Sébastien Dano Djédjé, a promis de rencontrer l’ancien chef des patriotes Charles Blé Goudé. Le parti de Guillaume Soro a quant à lui répondu favorablement à l’appel de Gbagbo.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
« Je vais vous le dire : je vais rencontrer le président Charles Blé Goudé mercredi, comme ça ce sera une question en moins », a dit Sébastien Dano Djédjé, lors de la conférence de presse qu’il a animée, le mardi 13 août 2024, sur le bilan de l’appel à l’union lancé par Gbagbo à Bonoua, à 55 km d’Abidjan, pour annoncer la visite du PPA-CI au siège du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) présidé par l’ancien président des jeunes patriotes.
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, tous les deux poursuivis pour crimes avant d’être acquittés en 2020 par la CPI, ne se sont pas rencontrés depuis qu’ils ont quitté les cellules de la prison de ladite cour. Et alors que le second se plaignait d’être évité par celui qu’il continue d’appeler son père, Laurent Gbagbo l’avait sévèrement tancé au grand meeting dit de la renaissance qui rassemblait des milliers de personnes dans la ville d’Agboville, en expliquant qu’« il raconte partout qu’il préparait pour moi en prison mais il a oublié de dire qui donnait l’argent de la popote ». Avant d’ajouter : « C’est Nady Bamba (que l’ex-président vient de marier officiellement) qui donnait l’argent de la popote ».
L’ancien président s’était même gardé de prononcer le nom de son jeune co-géôlier, se contentant de le désigner par le pronom personnel « il » qui indiquait le niveau exécrable des relations des deux hommes puisque Blé Goudé avait également demandé la médiation de la chefferie traditionnelle sans que celle-ci ne puisse fléchir la position de Laurent Gbagbo.
Tous contre Alassane Ouattara
Le 14 juillet 2024, l’ancien président avait lancé un appel à l’union de tous les Ivoiriens qui ne veulent plus qu’Alassane Ouattara garde le pouvoir à l’issue de l’élection présidentielle de 2025. Laurent Gbagbo avait cependant mis de surprenants garde-fous en rappelant que les intéressés devaient être sincères et qu’il ne fallait pas que certains croient qu’ils pouvaient se rapprocher de lui pour le rouler ensuite dans la farine. Puis le lendemain, un communiqué du Parti des peuples africains (PPA-CI) désignait le président exécutif, Sébastien Dano Djédjé comme l’unique personne autorisée à rencontrer les partis politiques ou personnes intéressés par l’appel.
Mais Dano Djédjé, ancien ministre de la réconciliation sous la présidence de Gbagbo, décidait finalement d’aller lui-même à la rencontre des partis politiques pour leur parler dudit appel. Au total, 28 partis politiques et 2 plateformes de la société civile ont répondu favorablement à l’appel de Gbagbo, a affirmé le président exécutif du PPA-CI au cours de sa conférence de presse. Mais parmi les personnes citées, très peu sont réellement connues étant des opposants, le pays ayant une centaine de partis politiques qui fonctionnent à peine, à part le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Tidjane Thiam, le Front populaire ivoirien (FPI) de Pascal Affi N’guessan et le Mouvement des générations capables (MGC) de Simone Gbagbo que Dano Djédjé dit avoir aussi rencontré.
Mais si aucun de ces partis politiques connus visités par le PPA-CI n’a produit de communiqué pour faire connaître sa position sur le sujet, Générations peuples solidaires (GPS), le parti de Guillaume Soro, a d’ores et déjà répondu favorablement à l’appel de Gbagbo. L’ancien chef des rebelles de Bouaké et ancien Premier ministre de Gbagbo puis de Ouattara est en effet inéligible à l’instar de Gbagbo en raison de sa condamnation par contumace pour atteinte à la sûreté de l’Etat. D’ailleurs, depuis plusieurs années, Guillaume Soro est forcé de fuir un mandat d’arrêt international qui le tient éloigné de son pays.
Les projecteurs tournés vers Gbagbo
Cela dit, la conférence de presse de Sébastien Dano Djédjé intervient quelques jours après l’autre conférence du collectif de partis d’opposition qui a mis en lumière les défaillances du processus de révision de la liste électorale, ainsi que le leadership de Simone Gbagbo, l’ancienne épouse de Laurent Gbagbo. La sortie du PPA-CI pourrait donc avoir pour objectif de faire oublier cette sortie politique majeure pendant laquelle Simone Gbagbo avait revêtu la tunique de chef de l’opposition en demandant au nom de tous un dialogue ouvert et inclusif avec le gouvernement avant l’élection présidentielle de 2025.
Même si le PPA-CI est officiellement partie prenante de cette coalition et donc de ses objectifs, l’ancien président tente, par-delà son parti politique, de rassembler une large coalition capable d’obliger le président Alassane Ouattara à le réinscrire sur la liste électorale pour être à nouveau éligible à l’élection présidentielle de 2025. Et, dans ce cas, il n’est plus utile de bannir Blé Goudé.