L’ancienne épouse de Laurent Gbagbo porte les espoirs d’une gauche ivoirienne qui devra taire les égos de ses chefs si elle veut peser face à Alassane Ouattara, lors de l’élection présidentielle de 2025.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Simone Gbagbo affichait son sourire habituel, ce samedi 4 mai 2024, sur la vingtaine d’affiches déployées au meeting de clôture de la « Fête des libertés » qui a eu lieu, cette année, à Bondoukou, à 404 kilomètres d’Abidjan. Cette fête est une succédanée de la « Fête de la liberté » instituée au début des années 90 par le Front populaire ivoirien (FPI) pour célébrer la liberté d’expression à travers le retour de la Côte d’Ivoire au multipartisme. Pour ne pas en perdre le symbole attaché au FPI, le Mouvement des générations capables (MGC) en a élargi la base et fête, depuis deux ans, « les libertés » retrouvées en Côte d’Ivoire.
L’ex-épouse de Laurent Gbagbo est à la tête du MGC depuis sa création. Au départ simple mouvement de soutien à sa cause de femme éconduite en Mondovision par son ex-mari, de retour de la Cour pénale internationale (CPI), le mouvement s’est transformé en parti politique il y a deux ans. Le MGC offre surtout un piédestal de choix à cette femme politique de premier plan qui a toujours été une actrice clé dans le parcours politique de Laurent Gbagbo. Son appel à ne pas confondre la Cause et le porteur de la Cause lui avait cependant valu, le 2 décembre 2019, d’être écartée du pouvoir de décision au sein de la coalition des Gbagbo ou Rien (GOR) en rupture de ban avec la tendance Affi N’guessan qui refusait alors de céder le parti à l’ex-président emprisonné.
Une femme politique expérimentée
La seule façon pour Simone Gbagbo d’exister était alors de créer son propre parti politique et c’est ce qu’elle a fait en 2021 avec une partie des anciens soutiens de Laurent Gbagbo qui se sont ralliés à sa cause. Deux années plus, le MGC fait de ces « Fêtes de liberté » tournantes des occasions pour élargir sa base militante et répandre la bonne parole de sa présidente dont l’expérience politique constitue le premier atout du parti. Mais pour être un parti qui compte plus qu’aujourd’hui, le MGC devra surtout avoir ses premiers élus lors des prochaines élections. Ce qui lui permettra également de bénéficier de la subvention de l’Etat aux partis politiques et d’avoir les moyens de sa politique.
En attendant, le MGC se montre offensif sur le front politique où il a été un des deux premiers partis à s’être opposés à l’ouverture d’une procédure d’actualisation de la cartographie électorale par la Commission électorale indépendante. L’opposition dans son ensemble demande en effet l’ouverture d’un dialogue politique avec le gouvernement pour définir de nouvelles conditions nécessaires à un scrutin présidentiel transparent et crédible, et s’inquiète des graves anomalies qui existent sur la liste électorale. Un organe de lutte contre la fraude créé, il y a quelques mois, par le Parti des peuples Africains (PPA-CI), estime en effet que plus de deux millions de personnes sont indûment inscrites sur la liste électorale, soit sous forme de doublons, de personnes décédées ou d’électeurs sans parenté. L’opposition se plaint également du découpage électoral parce qu’il est largement favorable au parti au pouvoir et ne respecte aucun critère administratif cohérent.
PDCI-MGC : alliance en vue ?
A ces inquiétudes, s’ajoute l’inféodation de la Commission électorale indépendante (CEI) au parti du président, le RHDP. Le MGC estime qu’il faut sortir les partis politiques de cette commission et la rendre autonome. Mais sur ce point, chaque parti développe ses arguments. Par exemple, l’ancien président Laurent Gbagbo pense qu’il « faut faire quelque chose pour que la CEI soit indépendante » sans dire ce qu’il faut faire, mais a nommé, il y a quelques mois, un militant de son parti au sein de la CEI. C’est donc pour gommer ce type de contradictions et d’intérêts particuliers divers que le MGC a envoyé, vers la fin avril, des missi domici rencontrer ses homologues de l’opposition pour leur faire partager ses propositions et mettre en place une coalition de partis de l’opposition sur le sujet. Le retour de ces missions serait plutôt de bon augure, estiment nos informateurs.
Ce Parti dorénavant dirigé par Tidjane Thiam, l’arrière-petit-fils d’Houphouët, a été représenté à la « Fête des libertés » par Georges Ezaley, son conseiller spécial qui s’est montré plutôt entiché de « continuer à intensifier le dialogue » avec l’ex-Première dame. Simone Gbagbo semble avoir quelques atomes crochus avec le parti d’Houphouët-Boigny puisqu’elle avait soutenu ses candidats aux dernières municipales et régionales, y compris à Yopougon où Michel Gbagbo, son fils par alliance était opposé au candidat du pouvoir et à celui du PDCI.
Le trait d’union de l’opposition
Simone Gbagbo est surtout la première voix de l’opposition à appeler publiquement à l’union de la gauche après que l’ancien président Laurent Gbagbo ait rejeté une telle demande en expliquant que son problème n’est pas de réunifier la gauche mais d’envoyer son parti au pouvoir. Le 4 mai dernier, de nombreux partis de l’opposition avaient fait le voyage de Bondoukou pour se retrouver aux côtés d’elle. Il s’agit du président du Cojep, Charles Blé Goudé, des représentants du GPS, du MFA et de nombreux autres partis politiques.