Après sa longue plaidoirie du 9 octobre devant les différents groupes parlementaires de l’Assemblée nationale, Coulibaly Kuibiert, le président de la Commission électorale indépendante (CEI) a été sévèrement critiqué le lendemain par Koné Katinan, le président du Conseil stratégique et politique du Parti des peuples africains (PPA-CI), qui l’accuse d’être le seul responsable de la non inscription de l’ex-président Laurent Gbagbo sur la liste électorale.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
L’enfer pour Gbagbo et les siens, c’est donc Coulibaly Kuibiert, le président de la commission électorale indépendante, la fameuse CEI. Suffit de reprendre le fil de la conférence de presse donnée le 10 octobre au siège du Parti par Koné Katinan, le président du Conseil stratégique et politique du Parti des peuples africains (PPA-CI), soit 24 heures après l’exposé du président de la CEI devant les différents groupes parlementaires de l’Assemblée nationale, pour s’en convaincre.
Koné Katinan y a en effet accusé le président de la CEI d’avoir menti en expliquant que c’est parce que Gbagbo a perdu ses droits civils et politiques qu’il ne peut être inscrit sur la liste électorale, et que contrairement à ce qu’il avance, cette information ne peut pas être confirmée par le ministère de la justice qui n’aurait jamais condamné l’ex-président dans ce sens.
« Il se trouve qu’à l’occasion de chaque révision de la liste électorale, nous écrivons au ministère de la justice pour connaître la liste des personnes qui ne peuvent être inscrites sur la liste électorale. Et le ministère nous a donné une liste des personnes qui ne peuvent pas être inscrites sur la liste électorale pour avoir perdu leurs droits civils et politiques. Et le président Laurent Gbagbo fait partie de ces personnes », a sèchement répondu Coulibaly Kuibiert.
L’ordonnance d’amnistie de 2018
D’ailleurs, M. Katinan n’est pas le seul à mettre en doute les explications du président de la CEI. Le président du groupe parlementaire du PPA-CI, Hubert Oulaye, avait déjà ouvertement pointé, la veille, la responsabilité du président de la CEI en lui demandant pourquoi l’ancien président n’est toujours pas inscrit sur la liste électorale alors qu’il a été blanchi des faits de crime contre l’humanité qui lui étaient reprochés par la Cour pénale internationale, qu’il est ivoirien de père et de mère eux-mêmes ivoiriens et qu’il bénéficie d’une ordonnance d’amnistie prise par le chef de l’Etat en 2018. Mais, là aussi, le président de l’Assemblée nationale s’est à nouveau montré inflexible. Au point de personnifier, aux yeux des pro-Gbagbo, l’intransigeance du pouvoir face à la candidature de l’ex-président Laurent Gbagbo.
Né à Abidjan, le 30 mai 1966, Coulibaly Kuibiert a fait toute sa scolarité dans la capitale ivoirienne jusqu’à la Faculté de droit d’Abidjan où il obtient en 1994 une maîtrise de Droit, option judiciaire. Deux années plus tard, il entre à l’Ecole nationale d’administration d’Abidjan. A sa sortie, il travaille comme Substitut du Procureur au Tribunal de Bouaké Chargé de la voie publique et de l’Etat civile.
Natif du village de Tiéma dans la sous-préfecture de Worofla, Coulibaly Kuibiert est originaire du département de Séguéla, au nord de la Côte d’Ivoire. Son destin change lorsque sa route croise celle de Mamadou Koné à l’Université d’Abidjan où celui-ci professe avec ses talents de brillant professeur de droit. Il prend alors le jeune Kuibiert sous son aile. A l’occasion du coup d’Etat manqué qui se transforme en une rébellion armée, Koné Mamadou milite activement au sein des Forces Nouvelles de Guillaume Soro. Il est ainsi nommé ministre de la justice dans le gouvernement d’union mis en place le 4 décembre 2005 par Laurent Gbagbo pour tenter de mettre fin à la crise.
Les liens avec Ouattara
En 2006, Coulibaly Kuibiert est nommé chef de cabinet du ministre de la justice. A ce titre, il est promu directeur des audiences foraines destinées à faciliter l’accès aux documents d’identité dont les populations du nord se sentent privées. Il quitte le ministère de la justice à la fin du mandat de Koné Mamadou, le 6 décembre 2010. Coulibaly Kuibiert retourne alors à la magistrature. C’est de là qu’il est nommé en 2011 Commissaire Central à la CEI pour le compte du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Mais à l’approche des élections présidentielles de 2015, Alassane Ouattara se brouille avec le président du conseil constitutionnel d’alors, Francis Wodié qui est opposé à une révision de la constitution par référendum visant à permettre au président sortant de briguer un autre mandat à la tête du pays. Mamadou Koulibaly le remplace alors et le 24 mars 2015, Coulibaly Kuibiert est nommé Secrétaire général du Conseil constitutionnel.
Au total, la trajectoire professionnelle du président de la Commission électorale indépendante montre des liens plutôt avérés et étroits avec le régime d’Alassane Ouattara. Et c’est sous ce prisme qu’il est jugé par les partisans de Laurent Gbagbo qui ne croient à aucune de ses dénégations sur l’ex-président. Mais en même temps, n’est-il pas, comme il le dit lui-même pour mieux s’exonérer, la tête de Turc commode des opposants politiques qui ont peur d’affronter le président Ouattara ?
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