Un 65eme anniversaire calamiteux de l’indépendance en Centrafrique

Le pouvoir en place, incarné par le président Faustin-Archange Touadéra, est accusé par une large frange de la société civile d’avoir détourné les institutions au profit d’un clan, tout en laissant le peuple s’enfoncer dans la précarité. Le 13 août 2025 marquait l’anniversaire de cette proclamation d’indépendance contrastant entre les idéaux d’alors et la réalité actuelle.

Le 13 août 1960, la Centrafrique accédait à l’indépendance dans l’élan des décolonisations africaines. Barthélemy Boganda, père fondateur, rêvait d’un pays libre, uni, solidaire et juste. Aujourd’hui, ce rêve semble enseveli sous les décombres d’un régime épuisé, opaque et déconnecté.

Selon le PNUD, seulement 14,8 % de la population a accès à l’électricité, avec des délestages constants même à Bangui, et une quasi-absence de réseau dans les zones rurales. L’accès à l’eau potable reste tout aussi critique : plus de 60 % des habitants du pays vivant en milieu urbain n’ont pas de source fiable, et près de 80 % en milieu rural dépendent de puits non sécurisés ou de rivières contaminées. Les routes, en grande majorité non bitumées, sont impraticables pendant la saison des pluies, isolant les régions et bloquant les échanges commerciaux. Ce manque d’infrastructures de base plombe l’économie, limite les investissements, et creuse la pauvreté.

En 2025, la Centrafrique est confrontée à une inflation persistante, le coût de la vie a triplé en dix ans, alors que les salaires des fonctionnaires sont restés figés, notamment ceux des enseignants, qui touchent en moyenne 30 000 FCFA par mois. Le manioc, aliment de base, se vend désormais à plus de 35 000 FCFA le sac, soit plus que le revenu mensuel d’un enseignant vacataire. Le carburant, introuvable dans les stations, se négocie à plus de 1 500 FCFA le litre sur le marché noir, paralysant les transports et faisant grimper les prix des biens essentiels. Cette inflation, combinée à l’absence de revalorisation salariale et à la spéculation non régulée, plombe l’économie informelle, réduit le pouvoir d’achat, et aggrave la pauvreté, qui touche plus de 70 % de la population. Le régime Touadéra, incapable de contrôler les prix ou de protéger les revenus, laisse les Centrafricains s’enfoncer dans la précarité.

Le bilan sanitaire est lui aussi catastrophique. Les infrastructures existantes s’effondrent, et les populations rurales sont livrées à elles-mêmes. Un médecin pour 17 000 habitants en moyenne, et jusqu’à un pour 75 000 dans certaines régions comme Rafaï ou Obo.  Seulement 35 médecins formés par an, alors qu’il en faudrait au moins 1 500 pour atteindre un niveau acceptable de couverture médicale. 16,7 % des donneurs de sang testés positifs à Bangui, sans politique de dépistage ou de prévention à l’échelle nationale. Tout est centralisé à Bangui, laissant les provinces dans un état d’abandon sanitaire total. Aucun plan national de lutte contre les épidémies, aucune campagne massive de sensibilisation, et une formation médicale quasi inexistante.

Sous le régime du président Faustin-Archange Touadéra, l’éducation en République centrafricaine connaît aussi une dégradation alarmante. Malgré les antécédents académiques du chef de l’État et de son entourage, le secteur est marqué par l’inaction, la précarité et l’abandon. Les faits sont accablants : aucune construction significative de nouvelles salles de classe depuis des années, des grèves réprimées, des salaires impayés, et une absence totale de planification. Les infrastructures sont extrêmement vétustes, comme au lycée Boganda, où une explosion a coûté la vie à 29 élèves en juin 2025. Les chiffres confirment l’effondrement : plus de 50 % des enfants abandonnent l’école avant la fin du cycle primaire. Dans les zones rurales, la moitié des élèves du secondaire quittent le système avant la fin de l’année scolaire…

Bangui, une capitale à deux vitesses 

 La situation à Bangui est le reflet d’un effondrement généralisé des conditions de vie. Selon l’Institut Centrafricain des Statistiques (ICASEES), plus de 70 % des ménages vivent dans la pauvreté, et près de 70 % de la population survit avec moins de 2,15 dollars par jour. L’accès aux services de base est catastrophique : 90 % des habitants n’ont pas d’électricité, l’eau potable reste incertaine, et l’état des routes rendent les déplacements périlleux.

L’économie informelle, dernier filet de survie, ne suffit plus à combler le gouffre entre les revenus et les dépenses. La classe moyenne s’effondre, la précarité devient la norme. Fixé officiellement à 10 500 FCFA, le prix du sac de ciment atteint en réalité jusqu’à 14 500 FCFA à Bangui. Cette flambée, due à une spéculation sauvage et à l’inaction des autorités, paralyse les chantiers, bloque l’accès au logement et met des milliers de maçons au chômage. La cimenterie de Nzila, censée produire localement 400 tonnes par jour, est abandonnée depuis 2013, à 73 % d’avancement.

Aucun plan de relance, aucune volonté politique. Résultat : la construction devient un luxe, les loyers explosent, et les quartiers informels s’étendent. Pendant que les familles rêvent d’un toit, le gouvernement reste immobile, et la pauvreté s’enracine. Et la sécurité se dégrade jusque dans la capitale où les braquages se multiplient dans les quartiers populaires de Bangui, facilités par l’absence totale d’éclairage public. Le régime Touadéra abandonne la majorité des citoyens centrafricains à leur triste sort.  

Touadera, le Président des pauvres

Touadéra qui n’hésitait pas à se présenter en 2016 comme le « président des pauvres », semble aujourd’hui plus préoccupé par son confort personnel que par le sort de ses concitoyens. Son récent malaise, suivi d’une évacuation médicale discrète à l’étranger via un jet privé a ravivé les critiques sur l’indécence du train de vie présidentiel. Pendant que le peuple maigrit, le de taille de ce Président s’est inexorablement élargi. Et malgré un bilan calamiteux économique et social calamiteux, il réclame un nouveau mandat, dans un climat de désinformation et de verrouillage institutionnel. À l’occasion de cet anniversaire, nombreux sont ceux qui dénoncent la confiscation de l’indépendance par une poignée qui ne gouverne plus, mais sert uniquement ses intérêts personnels.