L’arrestation de deux français en Centrafrique, un coup fourré des Russes

Le lundi 10 juin 2024, deux ressortissants possédant la double nationalité française et algérienne, Haçade Bensalem et Samir Antonio Osmaniont, ont été arrêtés par la gendarmerie centrafricaine à leur domicile de Ouango dans le 7ème arrondissement de Bangui sur l’instigation des mercenaires russes présents dans le pays et sans le feu vert du Président Touadera, alors que ce dernier tente un rapprochement avec la France

Thierry Simbi

Détenus à la Section de recherche et d’investigation, une enquête a été ouverte à la suite de la perquisition de leur domicile qui aurait permis de trouver des armes, des munitions et de grosses sommes d’argent. Cette affaire fait écho à l’arrestation du ressortissant portugais Martin Joseph Figueira, le 25 mai dernier, accusé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat.

Un « Kompromat » monté de toutes pièces

Kompromat (en russe : компромат; « matériau compromettant » en français) est un terme russe désignant des documents compromettants, le plus souvent fabriqués pour nuire à une personnalité et répandre une calomnie dans un but précis. Un Kompromat est souvent monté par un service de renseignement, puis publié dans des médias qui acceptent contre rémunération de relayer une affaire montée de toute pièce

Les photos de leurs passeports ainsi que des armes, munitions, liasses de billets ont rapidement fleuri sur les groupes Telegram de la galaxie Wagner, relayées ensuite par les médias pro russes locaux tels Lengo Songo, Njoni Sango qui ont repris en cœur le communiqué du Procureur de la République Benoit Narcisse Foukpio annonçant l’ouverture d’une enquête, une enquête justifiée selon le porte-parole du gouvernement Maxime Balalou par des « preuves accablantes. »

Une proximité avec Touadera

 Haçade Bensalem et Samir Antonio Osmani travaillaient depuis plusieurs années en République Centrafricaine (RCA) essentiellement dans le négoce et l’exportation d’or et de diamants. Bien connu de plusieurs hommes politiques locaux et du Président Touadéra lui-même, ils bénéficient jusqu’à leur arrestation d’une protection assurée par plusieurs éléments des Forces Armées Centrafricaines. Leur profil cadre mal avec l’image véhiculée par l’enquête officielle dépeignant des mercenaires venus à Bangui spécialement pour tenter un coup de force contre les autorités en place.

Les Russes à la manoeuvre

Ces arrestations interviennent dans un contexte de tensions russes à l’encontre de la France, au moment où les relations entre Paris et Bangui se réchauffent quelque peu à la suite de la réception du Président Touadéra à l’Elysée à la mi-avril dernier. Ce rapprochement – qui se traduit notamment par l’appui de Paris au financement des élections municipales chères aux autorités centrafricaines et ainsi qu’au probable rétablissement de l’aide budgétaire française à la RCA – agace les Russes dans un contexte de tensions exacerbées par le soutien français apporté crescendo à Kiev.

L’irritation de Touadera

Ces dernières arrestations ont eu lieu alors que Faustin-Archange Touadéra – qui connaissait les deux négociants franco-algériens – n’était pas en République Centrafricaine. Indisposé par leur incarcération et cette arrestation en fanfare dont il n’a même pas été informé, Touadéra œuvre depuis son retour à Bangui à une libération qui permette à toutes les parties impliquées de sortir de ce dossier, devenu gênant, sans perdre la face.