Burkina, cette nouvelle tentative de putsch qui fait diversion

Une nouvelle fois, le gouvernement burkinabè a annoncé le démantèlement d’un réseau qui complotait contre l’État depuis la Côte d’Ivoire. Assertion réelle ou diversion pour masquer les échecs sécuritaires ? Dans les deux cas, cela prouve la fragilité du pouvoir d’Ibrahim Traoré.

Le lundi 21 avril, le ministre de la Sécurité burkinabè, Mahamadou Sana, a déclaré à la télévision nationale que les services de renseignement avaient réussi à stopper net un vaste complot qui s’apprêtait à prendre d’assaut le palais présidentiel. Cette attaque aurait dû avoir lieu le 16 avril, mais grâce à la sagacité des autorités, les militaires conspirateurs ont été démasqués avant de pouvoir passer à l’acte. Mieux, ces officiers et sous-officiers auraient ourdi leur projet avec la complicité de groupes armés djihadistes…

Les épouses aux arrêts

Difficile de comptabiliser toutes les tentatives de coups d’État manqués depuis l’arrivée d’Ibrahim Traoré au pouvoir, tant elles ont été nombreuses. Mais désormais, le mode opératoire de la junte au pouvoir est connu : après chaque annonce de déstabilisation, des officiers, des sous-officiers et des soldats du rang sont mis aux arrêts ou poursuivis s’ils sont en fuite. Mais ce 21 avril, le pouvoir burkinabè a innové en emprisonnant les épouses des militaires incriminés : dix-sept femmes dorment donc en prison. Une manière peu élégante de mettre la pression sur leurs maris…

Colère dans l’armée et panique du Président

Loin de calmer la grogne qui atteint des sommets au sein de l’armée, ces arrestations de femmes ravivent les tensions. En effet, les soldats sont déjà éprouvés par les nombreuses pertes de leurs frères d’armes sur le champ de bataille, et ils doivent en prime faire face à la désorganisation des troupes avec les emprisonnements de leurs officiers. Si ce nouveau complot s’avère réel et s’il a bien été fomenté par des militaires, cela signifie que, malgré tous les efforts d’Ibrahim Traoré pour cajoler ses troupes — paiement de fortes primes, donations de matériel —, ceux-ci sont vains. Le Président paraît avoir conscience de sa fragilité, puisque la capitale Ouagadougou et tous les sites sensibles sont devenus des forteresses.

Manœuvre dilatoire ?

Le jour même de la déclaration du ministre de la Sécurité, le JNIM, groupe djihadiste dirigé par Iyad Ag Ghali, a revendiqué la prise de contrôle d’une base militaire à Lanfiéra, près de la ville de Dédougou. Ces accusations de complot sont-elles destinées à masquer ce nouvel échec sécuritaire ? Depuis l’arrivée d’Ibrahim Traoré au pouvoir, ces accusations de complot contre l’État sont courantes. Elles surgissent toujours après de graves échecs militaires, sauf que désormais, les attaques des groupes armés djihadistes sont presque quotidiennes, marquant ainsi une situation sécuritaire extrêmement dangereuse, qui fragilise le pouvoir burkinabè.

Dans ce climat de suspicion permanente, entre menaces internes et revers militaires, le régime d’Ibrahim Traoré semble pris dans une spirale où chaque annonce de complot nourrit davantage la défiance que la stabilité. Reste à savoir combien de temps encore la diversion pourra masquer la réalité d’un pouvoir de plus en plus assiégé, autant par ses ennemis que par ses propres faiblesses.