Deux groupes armés islamistes ont tué plusieurs dizaines de civils lors de trois attaques distinctes dans le nord du Burkina Faso depuis le mois de mai. Depuis le début de leur insurrection au Burkina Faso en 2016, les groupes armés islamistes ont, à plusieurs reprises, attaqué et déplacé de force des dizaines de milliers de civils. Le gouvernement cible de plus en plus les civils lors de ses opérations de contre-insurrection.
(Nairobi, le 15 septembre 2025) – Deux groupes armés islamistes ont tué plusieurs dizaines de civils au cours de trois attaques distinctes dans le nord du Burkina Faso depuis mai 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces attaques ont violé le droit international humanitaire, et sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.
Un groupe armé lié à Al-Qaïda, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou Jama’at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), a attaqué la ville de Djibo, dans la région du Sahel, le 11 mai, et le village de Youba, dans la région du Nord, le 3 août, tuant au total au moins 40 civils. L’État islamique au Sahel (EIS) a attaqué un convoi civil transportant de l’aide humanitaire vers la ville assiégée de Gorom Gorom, dans la région du Sahel, le 28 juillet, tuant au moins 9 civils.
« Les groupes armés islamistes au Burkina Faso sont responsables d’atrocités répétées contre les civils depuis 2016 », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités devraient assurer une meilleure protection de tous les civils en danger, enquêter sur les abus, y compris ceux commis par l’armée et les milices alliées, et juger les responsables lors de procès équitables. »
Depuis le début de leur insurrection au Burkina Faso en 2016, les groupes armés islamistes ont, à plusieurs reprises, attaqué et déplacé de force des dizaines de milliers de civils. Le gouvernement burkinabè, qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en 2022, cible de plus en plus les civils lors de ses opérations de contre-insurrection.
Entre mai et août 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens par téléphone avec 23 personnes, dont 14 témoins d’abus et 9 activistes de la société civile, membres du système judiciaire, chefs communautaires, journalistes et membres de milices.
Le GSIM a revendiqué l’attaque du 11 mai sur Djibo, au cours de laquelle des centaines de combattants ont envahi une base militaire, saisi des armes et tué des dizaines de soldats. Les combattants sont entrés dans plusieurs quartiers de la ville, y ont exécuté au moins 26 civils et incendié des boutiques et des centres médicaux. Selon des témoins, les combattants ont ciblé des civils appartenant à des sous-groupes de l’ethnie peule, qu’ils accusaient d’avoir rejoint ou de soutenir les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des auxiliaires civils qui assistent les forces armées dans les opérations de contre-insurrection.
« Nous avons trouvé les corps, y compris ceux d’hommes très âgés, à l’intérieur ou à l’extérieur de leurs maisons », a raconté un homme de 56 ans. « Beaucoup ont été abattus d’une balle dans la tête. »
Le 3 août, le GSIM a attaqué le village de Youba et tué 14 civils, dont une femme et quatre enfants, dont deux sont morts après que des combattants ont mis le feu à une boutique dans laquelle ils s’étaient cachés. D’après les habitants, l’attaque visait à punir la communauté parce qu’elle n’avait pas respecté les ordres du GSIM de ne pas cultiver de cultures hautes qui, selon les combattants, gênaient leurs opérations.
Dans une réponse du 15 août aux questions de Human Rights Watch, le Comité chariatique du GSIM au Burkina Faso a écrit que le GSIM « n’a jamais, et ne saurait jamais, viser intentionnellement des civils. Si certains prétendent que des exactions auraient été commises à Djibo, à Youba ou dans toute autre localité, il ne saurait s’agir que d’allégations dénuées de fondement, ou, tout au plus, d’incidents fortuits dus à des projectiles perdus, dont nous n’avons pas eu connaissance. »
Le 21 août, Human Rights Watch a adressé un courrier aux ministres de la Justice et de la Défense du Burkina Faso pour leur communiquer les conclusions de ses recherches et des questions, mais n’a reçu aucune réponse.
En juillet, l’EIS a attaqué un convoi civil escorté par des soldats et des milices burkinabè. Le convoi transportait des civils ainsi que de la nourriture et d’autres fournitures humanitaires destinées à la ville assiégée de Gorom Gorom. Des témoins et d’autres sources ont confirmé que le convoi ne transportait pas d’armes ou de matériel militaire.
« Je me souviens de la peur ressentie ce jour-là », a raconté un survivant âgé de 52 ans. « J’ai entendu de nombreux coups de feu et des cris. J’ai sauté du camion, je me suis accroupi les mains sur la tête et j’ai attendu mon sort. »
Toutes les parties au conflit armé au Burkina Faso sont soumises au droit international humanitaire, notamment à l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et au droit de la guerre coutumier. Le droit de la guerre interdit les exécutions sommaires, les attaques contre des civils et des biens à caractère civil, ainsi que le pillage, entre autres violations.