Le portrait d’Abdeslam Bouchouareb, le ministre algérien protégé par la France

Abdeslam Bouchouareb, l’ex-ministre de l’Industrie et des Mines entre avril 2014 et mai 2017 réfugié en France où il possède un bel appartement sur les bords de la Seine , est recherché par la justice algérienne qui l’a condamné à cent années de prison pour corruption. Or les juges français ont estimé, ce mercredi 19 mars, qu’une extradition pourrait avoir des « conséquences d’une gravité exceptionnelle » en raison de « l’état de santé et de l’âge » d’Abdeslam Bouchouareb. En fuite en France, « l’homme des Français » comme on le surnommait à Alger à l’époque de sa splendeurne sera pas extradé vers l’Algérie. La justice française a prononcé ce mercredi 19 mars un avis défavorable à l’extradition de l’ancien ministre de l’Industrie réclamé par la justice algérienne.  

Toutes les voies de recours étant épuisées, il s’agit d’un non définitif qui survient dans un contexte de fortes tensions entre l’Algérie et la France. Un refus qui va sans doute aggraver la crise ouverte entre les deux pays. Cherchez l’erreur! Le gouvernement français se juge « humilié » par l’Algérie qui ne veut pas reprendre sur son sol ses ressortissants condamnés en France. Mais la justice française dans le même temps refuse d’extrader à Alger un homme d’affaires algérien  soupçonné dans son pays des pires maversations.

Cet homme d’affaires qui rêvait de devenir Premier Ministre avec l’appui d’Emmanuel Macron, dont il fut longtemps très proche, incarne plus que quiconque le « Hibz França », ce « Parti de la France » qui en Algérie, passe souvent pour une force malfaisante et occulte dont les membres sont tenus par les biens immobiliers et les protecteurs qu’ils possèdent à Paris.

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Abdeslam Bouchouareb, l’ancien ministre de l’Industrie qui était interlocuteur régulier d’Emmanuel Macron, ministre puis chef de l’État, et auparavant de Laurent Fabius, alors minitre des Affaires Étrangères de François Hollande, est en Algérie détesté par les uns, adulé par les autres. Cet homme d’affaires et ministre ne laisse aucun algérien indifférent. Le fis de la commune d’Aïn-Mlila située dans la Wilaya (Préfecture) d’Oum-El-Bouaghi dans le pays chaoui, a grimpé les échelons à un rythme effréné. Tout a débuté par une réussite indéniable dans le secteur agro alimentaire algérien, des marchés  florissants dans une économie qui importe encore la majorité de ses produits alimentaires, notamment le blé, l’huile et le sucre.

Durant les années 80, l’ami Bouchouareb se lance dans la fabrication des chips et pommes mousselines. Classiquement, le businessman exploite les réseaux dont il dispose au sein de l’institution militaire, qui  à l’époque contrôle étroitement la distribution des marchés.

Or, coup de chance, les deux frères d’Abdeslam étaient officiers dans l’Armée. Le premier, feu le colonel Slimane Bouchouareb, était directeur central du Personnel et de la Justice Militaire (DPJM) au ministère de la Défense Nationale. Le second, feu le colonel Karim Bouchouareb, était un haut cadre de la Sécurité Militaire, l’ancêtre du DRS, sous le rêgne  du général Betchine.

Du pays chaoui aux bords de la Seine

Plusieurs fois ministres à la fin des années 90 et au début des années 20OO, Abdeslam Bouchouareb  connaîtra la gloire en 2014 au début du quatrième mandat de Bouteflika. Il est parachuté ministre de l’Industrie à partir d’avril 2014 jusqu’à mai 2017. C’est que son réseau dans le pays chaoui, une région stratégique située dans l’est algérien, va le rendre incontournable aux yeux du président Bouteflika et de son frère Saïd. Ce sera lui qui défendra les intérêts du clan présidentiel dans une région qui a fourni beaucoup de ses cadres à l’institution militaire dont la Présidence cherche à limiter les prérogatives. Après avoir surfé sur ses relations dans l’armée, Bouchouareb n’hésite pas à se retourner contre ses amis d’hier pour plaire à la Présidence algérienne.

En 2014 donc, Abdeslam Bouchouareb sera l’homme qui dirigera la nouvelle stratégie industrielle de l’Algérie. Des fonctions qui lui permettront de tisser des relations d’affaires impressionnantes au point de devenir l’interlocuteur secret des grands groupes étrangers notamment français comme Lafarge ou Renault.

Abdessalem Bouchouareb croit tellement en l’avenir de l’Algérie qu’il a décidé de devenir résident en… France et cela depuis 1997! Ministre en Algérie et propriétaire à Paris d’un bel appartement sur les bords de la Seine, tel est le destin schizophrénique de ce Rastignac, tel qu’il a été révélé par les journalistes français Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet dans leur livre “Paris Alger, une histoire passionnelle”.

« Le ministre requin » 

Après 2014, le quatrième mandat de Bouteflika révèle la voracité illimitée d’Abdesslam Bouchouareb. Ainsi le « ministre requin » comme l’appellent de nombreux observateurs, a semé un véritable désordre dans le très délicat secteur des mines en Algérie. En effet, Bouchouareb a exercé un fort lobbying auprès des Bouteflika et leurs conseillers pour rattacher le secteur des mines à son portefeuille ministériel, à savoir celui de l’Industrie et de la Promotion des investissements, afin que son influence soit grandissante au sein du gouvernement. Naguère, les mines étaient gérées par le ministère de l’Energie.

Il aura fallu après la réélection de Bouteflika attendre près de six mois pour qu’un organigramme clair situe les prérogatives de la direction des mines au ministère d’Abdesslam Bouchouareb. Dans les wilayas (Préfectures), les directions des mines relèvent toujours de l’énergie et non pas de l’industrie. En l’absence de directives précises, ces fonctionnaires demeurent paralysés et de nombreux dossiers d’investissement en suspens.

La loi du cllentélisme.

Abdeslam Boychouareb est fidèle aux siens. offre à sa famille un boulevard pour développer leurs affaires. Le BTP, la charpente métallique, le commerce de gros des matériaux de construction, l’importation des produits alimentaires: autant de secteurs surveillés de près par un ministre de l’Industrie devenu un des hommes les plus riches en Algérie.

Ses amis ne furent pas oubliés non plus. En Algérie, les frères Abdenour et Azzedine Souakri font beaucoup parler d’eux dans les affaires. Présents dans le secteur des matériaux de construction depuis des années, ils avaient fait une entrée fracassante dans la cour des grands en obtenant un méga-projet en partenariat avec le très influent groupe français Lafarge bien introduit dans les cercles du pouvoir algérien. Avec ce dernier,  ils ont réalisé une importante cimenterie à Djemora dans la wilaya de Biskra. Le secret de cette réussite aura été leur proximité avec Abdesslam Bouchouareb, largement l’artisan de ce partenariat avec le groupe français. C’est lui qui avait activé ses réseaux à Paris pour imposer ses amis les Souakri. Il avait également usé de son influence auprès des banques algériennes pour qu’elles financent une bonne partie de ce projet qui a nécessité un investissement dépassant les 300 millions d’euros.

Des réseaux virevoltants

Avant la fin du rêgne de feu le Président Bouteflika,le flamboyant ministre avait commencé à s’attirer les foudres de plusieurs autres hauts responsables de l’Etat algérien. Trop riche, trop puissant, trop influent….A Alger, les business florissants de son fils, de sa fille et de son épouse dérangent agacent. Au sein du clan présidentiel, le ministre de l’Industrie ne faisait plus l’unanimité. « Abdeslam est têtu et prend des décisions sans vérifier leur conformité avec l’arsenal juridique, explique-t-on chez les proches de la Présidence. Ce qui a créé des situations très inconfortables pour tout le gouvernement. L’ancien Premier ministre Sellal l’avait rappelé à l’ordre à maintes reprises. Mais, lui, il avait fait le malin et défié son autorité en laissant entendre que son seul patron est Bouteflika ».

Puissant et craint hier notamment en raison de ses réseaux à Paris, où il bénéficie de la nationalité française, l’ancien ministre est recherché depuis des années par la justice de son propre pays. Ce sont ses amis français qui lui avaient conseillé, voici quelques années, de quitter Paris pour Beyrouth afin de ne pas mettre la diplomatie française dans l’embarras en cas de demande d’extradition. Ce qu’il avait fait avant de revenir en France où la justice finalement a refusé, ce mercredi 19 mars, de l’extrader vers son pays malgré un dossier très accablant

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