L’ancien président de l’Assemblée nationale, qui était en errance dans plusieurs pays depuis qu’il fait face à un mandat international émis par les autorités ivoiriennes, est arrivé à Niamey le samedi 11 novembre, en provenance de la Turquie. Mais il doit maintenant faire connaître ses intentions à Abidjan.
Un article de Z. Bati Abouè
Si Guillaume Soro s’est autant montré élogieux à l’endroit d’Abdourahamane Tiani qui l’a reçu sans grands fastes au Palais présidentiel, le lundi dernier, en présence du général Salifou Mody, c’est parce qu’il ne pouvait plus vivre à Istanbul, en Turquie, où il avait pris ses quartiers pour fuir le mandat d’arrêt international émis par les autorités ivoiriennes pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». L’ancien premier ministre de Côte d’Ivoire aurait en effet échappé, le 3 novembre, à une tentative d’arrestation montée par le pouvoir ivoirien. Ce dernier aurait fait débarquer à l’aéroport international de Turquie le procureur ivoirien et une escouade d’officiers de police judiciaire, a estimé Touré Moussa, un proche de monsieur Soro, sans en apporter les preuves.
« L’Afrique, ma terre ancestrale »
Mais alors que les autorités ivoiriennes n’avaient toujours pas réagi à ces accusations, Guillaume Soro annonçait, deux jours après, son intention de mettre « fin à mon exil parce qu’il m’est pénible de vivre loin de ma terre ancestrale et natale d’Afrique », a-t-il indiqué, en dénonçant une traque du régime d’Alassane Ouattara « jusqu’aux confins du continent asiatique ».
L’arrivée de Guillaume Soro au Niger n’a toutefois pas livré tous ses secrets. Le 3 août dernier, son épouse, Sylvie Tagro, qui séjourne à Abidjan depuis juillet pour rester au chevet de sa mère malade, avait rendu une visite de compassion à la veuve d’Henri Konan Bédié à Daoukro. L’ancien président du PDCI a toujours été un soutien politique de premier plan pour Guillaume Soro. D’abord contre Laurent Gbagbo, durant son règne, puis contre Alassane Ouattara avec qui l’ex-chef des rebelles ivoiriens est en rupture de ban depuis 2019. Quant à l’épouse de Soro, elle a une relation filiale avec Henriette Konan Bédié, une veuve de 85 ans qui venait de fêter soixante années de vie conjugale avec Bédié.
Dans le milieu du plus vieux parti de Côte d’Ivoire, on ne trouve pas impensable que, malgré le deuil, madame Bédié ait pu actionner certaines de ses relations avec le régime de Ouattara pour plaider la cause de Guillaume Soro apparu très amaigri lors de sa déclaration. L’ancien président de l’Assemblée nationale traîne une hernie discale opérée il y a plusieurs années et son état semble s’être aggravé par ses diverses pérégrinations dans le monde.
Une partie de sa déclaration de fin d’exil volontaire semble d’ailleurs corroborer cette fatigue physique qu’on lit sur son visage. « Je n’irai pas plus loin dans mon exil, je refuse d’être fugitif », a d’ailleurs expliqué Soro tout en niant les accusations portées contre lui par le régime d’Alassane Ouattara.
Encadré. Pourquoi le Niger ?
S’il est en disgrâce dans de nombreuses capitales occidentales et africaines, Guillaume Soro aurait bien pu s’installer au Mali et au Burkina Faso, deux pays limitrophes de la Côte d’Ivoire qui sont en conflit larvé avec les autorités abidjanaises. Mais il a choisi Niamey et un régime militaire que le président ivoirien menace de représailles pour le renversement de Mohamed Bazoum, l’ancien président nigérien retenu en captivité dans son palais.
Sur les réseaux sociaux, le clan des blogueurs de Soro relaie le traitement inhumain dont l’ex-Premier ministre est l’objet de la part du régime et tente de faire croire qu’il ne se rendre pas aux autorités ivoiriennes. Mais Guillaume Soro n’a visiblement plus le choix. La plupart de ses relais dans l’appareil militaire d’Alassane Ouattara ont été retournés comme des tartes et son cercle politique est soit en prison ou a fait allégeance au pouvoir ivoirien pour bénéficier de subsides en retour.