Tous contre Bongo: l’UE, le peuple et … Maixent Accrombessi

Début janvier, sept groupes parlementaires européens ont rédigé des résolutions critiquant sévèrement le pouvoir gabonais .

Lors de l’élection présidentielle entachée de fraude qui a reconduit Ali Bongo fin août 2016, les observateurs de l’Union européenne dépêchés sur place avaient fait état de nombreuses irrégularités. Les délégués de Bruxelles avaient subi des pressions dénoncées dans le rapport final de la mission d’observation. Des critiques étayées par des éléments concrets qui avaient beaucoup nui à l’image déjà ternie du président Ali Bongo.

Nouveau tâcle européen 

Or début janvier, les députés européens ont enfoncé le clou. Sept groupes parlementaires ont rédigé des résolutions critiquant sévèrement le pouvoir gabonais . Les parlementaires ont finalement résumé l’essentiel de leurs remarques dans une seule et même résolution. Adoptée à 553 votes pour, 66 contre et 20 abstentions celle-ci rappelle que « les résultats officiels de l’élection présidentielle manquent de transparence et sont extrêmement douteux ».

Dans sa résolution, le parlement européen pointe par ailleurs que de graves violations des droits de l’homme ont été commises dans le pays notamment lors des émeutes qui avaient éclaté à la suite de l’annonce des résultats le 27 août 2016. Dans la presse d’opposition gabonaise, on pointe régulièrement la découverte de charniers. Le journal « Echos du Nord » a notamment rapporté la localisation d’une fosse commune dans la localité de Mindoubé à Libreville la semaine dernière. En septembre 2016, le même journal avait affirmé qu’un groupe de militaires de la Garde Républicaine avait déterré des corps ensevelis clandestinement dans la cité « Démocratie » de la capitale gabonaise le soir du 31 août à la suite d’un assaut lancé contre le QG de Jean Ping. Une action qui, toujours selon le journal, faisait suite à l’envoi par de courriers par l’opposition et plusieurs organisations de la société civile « aux organismes internationaux pour qu’une enquête internationale soit ouverte ». « Des charniers sont découverts tous les jours » a lui-même affirmé Jean Ping lors de sa conférence de presse.

Orage social

Interrogé sur ce sujet lors de la conférence de presse qu’il vient de donner au Gabon, Jean Ping, ancien président de la commission de l’Union africaine et de l’Assemblée générale de l’ONU, a affirmé que cette résolution « reconnaît clairement que c’est moi qui ait gagné les élections. Que je suis légitime et qu’Ali est illégitime ».Concernant le dialogue national devant réunir l’essentiel de l’échiquier politique gabonais et dont le président Ali Bongo avait prévu le lancement après la CAN, l’opposant a fermement réaffirmé son intention de ne pas participer. L’opposant a déclaré également que le pays était « en ruines » et qu' »aucun investisseur ne peut se rendre au Gabon dans ces circonstances ». Il a notamment cité l’exemple de la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise Shell qui a décidé de vendre tous ses sites de production dans le pays pour conserver uniquement ses permis en haute mer non encore exploités. Le climat social est par ailleurs à l’orage. La grève des enseignants du public qui revendiquent le paiement de primes et l’amélioration des conditions de travail ne faiblit pas depuis son lancement en novembre 2016.

La tenue de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) à Libreville n’aura pas suffit à mettre fin à cette grogne. Nombreux au Gabon sont ceux qui aujourd’hui dénoncent les dépenses excessives réalisées pour l’organisation de cet évènement. Le montant exact de la facture fait aujourd’hui l’objet de débats houleux au Gabon. Dans sa conférence de presse, Jean Ping a affirmé que plus de 400 milliards de francs CFA avaient été mobilisés. Des dépenses « supérieures à toutes les dépenses cumulées dans l’éducation, la santé, le logement » a t-il affirmé ajoutant qu’un montant quasiment équivalent avait déjà été mobilisé pour l’organisation de la Coupe organisée à Libreville en 2012.

« Chasse aux sorcières »

Enfin la récente chasse aux sorcières lancée contre plusieurs personnalités proches d’Ali Bongo témoigne de la fragilité du régime. L’arrestation en janvier de l’ex conseiller personnel du président, Magloire Ngambia qui a occupé jusqu’à six ministères par le passé, et le limogeage de l’ancien ministre du Pétrole Etienne Dieudonné Ngoubou ont fait l’effet d’un coup de tonnerre dans la galaxie Bongo. Tous deux proches de l’influent Maixent Accrombessi, ex directeur de cabinet d’Ali Bongo, ils sont notamment soupçonnés de détournements de fonds publics et de malversations.

Selon plusieurs sources gabonaises, cette chasse aux sorcières pourrait viser Accrombessi lui-même. Ecarté de son poste en octobre 2016, ce dernier est soupçonné d’avoir servi de prête-nom au président pour le placement de ses fonds à l’étranger. Aujourd’hui en convalescence à Londres après avoir été frappé par un AVC en août 2016, aurait-il emporté avec lui la clé du coffre-fort ? « Accrombessi est parti avec cet argent. Il ne reviendra pas » a tranché Jean Ping à la fin de la conférence.

Voir la conférence de presse de Jean Ping 

https://www.youtube.com/watch?v=6Yf3ABbZAx4