Anicet Georges Dologuélé, président du parti politique l’URCA, dénonce dans un entretien avec nos confrères du site CorbeauNews qui nous ont autorisé à en faire état l’obstination et la brutalité du président Faustin Archange Touadéra dans sa volonté de faire adopter une nouvelle Constitution en Centrafrique. Extraits
Votre parti est membre du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution, BRDC, un regroupement des partis politiques de l’opposition réunis en vue de défendre la Constitution du 30 mars 2016 dont le président Touadéra ne veut plus. Après les théories et discours, il a passé à l’acte depuis le 30 mai dernier en convoquant, par décret, le corps électoral pour se prononcer sur le projet d’une nouvelle Constitution.
Selon vous Anicet Georges Dologuélé, député et ancien Premier ministre, ce processus est-il légal?
AGD : Beaucoup d’encre a coulé sur le sujet et d’éminents juristes -dont ceux de la Cour Constitutionnelle- ont démontré à suffisance que cette démarche pour imposer une nouvelle Constitution aux Centrafricains était aux antipodes de la légalité et des intérêts nationaux. Si les intentions de Faustin Archange Touadéra avaient été nobles, une démarche consensuelle aurait au minimum été tentée, sachant que l’absence du Sénat représentait un obstacle juridique insurmontable déjà identifié et clairement notifié par la Cour Constitutionnelle.
Le Président de la République (…) avance avec obstination et brutalité, obligeant l’ANE à organiser en deux mois un scrutin qui en aurait nécessité au moins 6, utilisant le papier avec entête de la Présidence de la République pour nommer le Directeur de campagne du MCU, contraignant les Présidents des Institutions républicaines à marcher sur leur indépendance pour être membres de l’équipe de campagne du MCU (…). Les locaux de l’Assemblée Nationale, deuxième Institution de la République, sont aujourd’hui transformés sans aucun état d’âme en Quartier Général de campagne du MCU. Le vote d’une étrange Loi sur la tokénisation des ressources naturelles, minières, forestières et foncières avait été imposé à marche forcée aux députés de la majorité, pour permettre notamment de débloquer les fonds nécessaires à l’organisation de ce référendum constitutionnel.
En définitive, notre pays ne nous appartient plus.
Au sujet de ce référendum constitutionnel, l’ambassadrice des Etats-Unis en Centrafrique s’est exprimée. Chacun interprète selon sa compréhension. Mais vous, député, ancien Premier ministre et président d’un parti politique de l’opposition. Comment analysez-vous sa prise de position ?
AGD : Des réactions ont été enregistrées de la part de certains grands pays et de certaines organisations comme l’Union Africaine et l’ONU. Vous noterez qu’elles sont entourées d’une telle précaution diplomatique que leur interprétation suscite des réactions contrastées. Ce qui me paraît décisif, c’est l’expression de ce que je perçois au quotidien comme le ras le bol des Centrafricains. C’est notre responsabilité de provoquer d’encourager les Centrafricains à manifester leur opposition à ce référendum.
Le projet de la nouvelle Constitution n’est pas encore rendu public. Mais selon certaines indiscrétions proches du pouvoir, une copie a été envoyée au chef de l’opposition. C’est à vous qu’il a été envoyé ?
AGD : La grande escroquerie de ce référendum (mais ces gens-là n’en sont pas à leur première escroquerie), c’est qu’on ne sait toujours pas sur quoi il va porter puisque le texte de la nouvelle Constitution, qui avait été préparé dans le plus grand secret par une commission jugée illégale par une décision de la Cour constitutionnelle, continue d’être conservé dans le coffre-fort du MCU. Vous savez, quand vous donnez un biberon à boire à un bébé, il l’avale sans savoir ce qu’il y a dedans. C’est le sort que Touadéra réserve aux centrafricains, qu’il ne trouve certainement ni suffisamment matures, ni suffisamment respectables pour leur faire lire et analyser le texte de cette nouvelle Constitution.
Durant les deux dernières élections présidentielles, vous êtes arrivé en deuxième position. Et pour le président Touadéra, ses alliés russes et sa famille politique, vous constituez une menace pour eux. Comment allez-vous allez faire pour faire échouer ce référendum ? Vous allez battre campagne pour le NON ?
AGD : Il y a une fébrilité au sein de ce pouvoir qui me surprend, chaque fois qu’il est question de ma modeste personne. J’ai effectivement la nationalité française depuis presque 30 ans, simplement parce que j’ai épousé une Centrafricaine née en France, de père et de mère centrafricains mais qui, par le droit du sol, était également française. Les liens du mariage m’ont naturellement permis d’acquérir cette deuxième nationalité dont je n’ai aucune raison de rougir. . J’étais déjà binational avant de devenir ministre des Finances puis Premier Ministre de mon pays. J’avais été nommé à ces hautes fonctions d’Etat par le Président Ange Félix Patassé, que personne ne pourra jamais traiter de pro-français.
J’étais toujours binational quand en 2016 Charles Malinas, alors Ambassadeur de France en Centrafrique, avait été à la manœuvre en complicité avec les autorités de Transition, dans une logique de « Tout sauf Dologuélé ». J’étais perçu comme trop indépendant d’esprit, trop déterminé à faire évoluer mon pays vers le développement, apparemment trop bien organisé pour y arriver (certains diraient trop nationaliste) et certainement plus difficile à manipuler. Alors, le choix avait été porté sur Faustin Archange Touadéra, qui paraissait plus facile à contrôler.
Oui, je suis binational, mais ce n’est pas un binational qui a vendu notre pays en menus morceaux aux étrangers.
ce n’est pas un binational qui a fait passer le nombre de groupes armés de 6 à 15 et qui a assisté, dans une indifférence des plus cyniques, au massacre de plusieurs dizaines milliers et à l’exil de près d’un million de nos compatriotes par ces groupes armés dont les chefs étaient des partenaires en affaires.
ce n’est pas un binational qui a plongé notre pays dans l’abîme ; ce n’est pas un binational qui a compromis durablement l’avenir de notre jeunesse
ce n’est pas un binational qui cherche à rester absolument au pouvoir pour brader encore et encore la souveraineté de notre pays et y occasionner plus de morts et de miséreux. j
Dans l’unique dessein d’empêcher la candidature de deux ou trois adversaires politiques à l’élection présidentielle de 2025 et en particulier celle d’un certain Anicet Dologuélé, le Président Touadéra est déterminé à instrumentaliser une nouvelle Constitution.
Selon vous, comment faire pour trouver une alternative ?
AGD : Par un communiqué de presse en date du 26 octobre 2022, l’URCA avait pris à témoin la communauté nationale et internationale sur le constat que la démocratie était devenue impossible en RCA du fait des agissements du régime en place. Tirant les conséquences de ce constat, l’URCA avait réclamé la démission de Faustin Archange Touadéra des fonctions de Président de la République centrafricaine et demandé qu’une procédure de mise en accusation pour parjure et haute trahison soit initiée à son encontre auprès de la Haute Cour de Justice. Ce Monsieur a en réalité perdu sa légitimité depuis bien longtemps et occupe illégalement un fauteuil présidentiel dont il ne veut plus jamais se séparer. D’autres ont essayé avant lui et ont quitté la scène politique par la petite porte…Wait and see !
Pendant que vous tergiversez au sein du BDRC, l’équipe de campagne référendaire du président Touadéra est à pied d’œuvre. Il faut faire quelque chose et vite pour barrer la route à ce référendum. A ce jour, deux pistes de solutions sont actuellement connues. Celle exprimée par l’ancien président de Transition Alexandre Ferdinand Nguendet exigeant la démission de Touadéra avant le 1er juillet et celle portée par l’ancien président François Bozizé, appelant à l’union des forces militaires autour de lui, à la CPC. Laquelle selon vous est réaliste à ce jour ?
AGD : Je ne permettrai pas de porter de jugement de valeur sur des solutions dont je n’ai pas la maîtrise.
Quel serait votre avenir politique si la nouvelle Constitution est votée et promulguée malgré tout ?
AGD : Ce n’est pas à Faustin Archange Touadéra de décider de mon avenir politique, même si l’éventualité de ma candidature lui donne des cauchemars, qu’il n’arrive plus à camoufler. Son entourage l’encouragerait même très fortement à m’éliminer physiquement. Mais avec tout le respect que je lui dois, ce monsieur n’a plus rien à faire à la tête de mon pays. Qu’il termine son mandat et qu’il parte ! Il a déjà fait tant de mal à des millions d’êtres humains, à des millions de nos compatriotes ! Quant à mon avenir politique, je déclare avec humilité qu’il appartient aux centrafricains et à Dieu.
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