En Algérie, les rebondissements quotidiens sont si nombreux qy’ils rendent paradoxalement la vie politique ennuyeuse. Ces intenses événements ne sont que l’effet d’une subite accélération de l’immobilisme. Après la curieuse « Taoufikomania » apparait une non moins bizarre « Rabrabomania ». Sur la toile, dès la mise à la retraite du patron du DRS ont proliféré des « je suis Taoufik », manifestation d’un élan de sympathie pour un général de corps d’armée ou d’antipathie pour un président. Symétriquement dès l’attaque violente du ministre de l’industrie algérien, Abdeslam Boucouareb contre le capitaine de l’industrie algérienne, Issad Rabrab, la toile ne cesse depuis de relayer des « solidarité avec l’investisseur kabyle Rabrab ». Pourtant le ministre et l’homme d’affaires en question sont voisins d’arrondissement au cœur de Paris.
Pour le moment ces ardentes solidarités avec l’investisseur incriminé n’ont pas pris la forme d’un « je suis Rabrab ». Mais au fait qui est Rabrab ? Objet de toutes les rumeurs liées à sa fulgurante fortune, qualifié de « Berlusconi algérien », Issad Rabrab parle de transparence dans un pays où l’opacité est une obligation constitutionnelle, il nie toute proximité avec les généraux. Alors qu’on dit qu’au siège de son entreprise « Cévital », trônent presqu’autant d’officiers qu’au ministère de la défense nationale. Ce n’est qu’une rumeur certes mais rien n’interdit à Rabrab de recruter des compétences dans un pays où le DRS est l’ENA. Il faut noter que les défenseurs de Rabrab mettent en avant sa qualité de kabyle, ce qui peut transforme une presque banale opposition entre un ministre et un entrepreneur en conflit régionaliste, talon d’Achille de l’Algérie.
Qui est Rabrab ?
Avec l’ouverture du champ politique algérien au début des années 90, Issad Rabrab était proche du Rassemblement Culturel et Démocratique, produit dérivé du Mouvement culturel et Berbère. Il était aussi l’un des plus généreux donateurs du club de football de la Kabylie (Jeunesse Sportive de Kabylie). Son implication tant politique qu’économique dans cette région s’était illustrée par son projet de création, pour la première fois, d’une banque privée dont le nom est un programme en soi : « la financière de Kabylie », cette banque ne verra jamais le jour. En revanche celle de Abdelmoumène Khalifa, si, avec le succès que l’on sait tant pour l’entreprise que pour le premier Golden Boy d’Algérie.
Déjà que l’équation kabyle qui colore l’affrontement très inquiétant entre l’homme d’affaires et le pouvoir en place, s’ajouterait une guerre fratricide entre oligarques. Sans oublier l’éventuel rôle de la France qui défend Renault et Peugeot en Algérie où Rabrab importe des voitures coréennes. Et si ce conflit n’était qu’un « crash test » en grandeur nature, question de vérifier la solidité de l’immobilisme algérien ?