Le Bleu du Caftan, le dernier film de la réalisatrice belgo-marocaine Maryam Touzani dont la sortie a été reportée au Maroc met en scène avec pudeur et justesse la question de l’homosexualité au Maroc et dans les sociétés musulmanes
Christian Labrande
L’homosexualité condamnée par la loi marocaine reste une question brulante sur les rives de la Méditerranée. Le nouveau report de la sortie du film de Maryam Touzani au Maroc témoigne de ce malaise.
Comme son premier film Adam qui racontait l’histoire d’une émancipation féminine et d’un retour à la vie dans le huis clos d’une pâtisserie, la réalisatrice opte pour l’esthétique d’un lieu unique. Le Bleu du Caftan se passe principalement dans l’atelier d’un « Maalem »,un maître en matière d’artisanat. Notre Halim est tailleur, mais surtout surtout un fin connaisseur de ces broderies qui ornent avec raffinement les caftans des grandes dames de la ville portuaire.
Un jour, Halim embauche un jeune apprenti du nom de Youssef. Au premier regard, le voici aimanté par la sombre beauté du jeune homme. Mina qui assiste son époux Halim dans sa petite échoppe, perçoit ce trouble en même temps que nous les spectateurs. La beauté du film de Touzani, tient au fait que la naissance de cet amour homosexuel rend place dans un climat raffiné. On se souvient du 19ème siècle et des orientalistes européens troublés par l’appel d’une sensualité. Certains cadrages, les choix de lumières, rappellent les peintures orientalistes d’artistes comme Benjamin Constant
La volupté des tissus
La passion montante entre le maître et son apprenti se nourrit de la volupté des tissus, le raffinement des broderies . Le Bleu du Caftan ’est celui d’un tissu choisi par une riche et exigeante grande bourgeoise pour une parure ce qui va devenir le grand œuvre de Halim. Celui-ci est un des derniers dépositaires d’un art de la broderie en fil doré dont il transmet les secrets au jeune Youssef. C’est une autre riches thématique du film de Maryam Touzani, le déclin de traditions artisanales confrontées à l’industrialisation.
Tout au long du film, ce fil à broder va devenir le conducteur d’une action qui tourne au drame. Car Mina couve une grave maladie et sait sa fin proche. L’actrice belge Lubna Azabal en livre une poignante incarnation. Celle d’une femme dans un premier temps jalouse à l’idée de voir son mari lui échapper mais dont le tempérament extraverti et généreux contraste avec celui de son mari engoncé dans le carcan des conventions et allant satisfaire ses pulsions sexuelles par de furtives étreintes au harem.
Même si ce n’est pas le thème principal du film, la question de la place de la femme dans le moule patriarcal est abordée notamment dans cette scène truculente du café, la seule du film échappant au huit clos. Seule spectatrice féminine d’une retransmission d’un match de foot de l’équipe nationale, Mina laisse exploser sa joie de voir l’équipe adverse inscrire un beau but. Laissant l’audience masculine médusée.
« N’aie pas peur d’aimer».
Son ascension morale la conduira, proche de la fin, à pleinement accepter le choix de Halim, lui murmurant ce dernier pathétique message: :« N’aie pas peur d’aimer ».
Le film de Maryam Touzani avait été très bien accueilli à la semaine de la Critique du dernier festival de Cannes, accueil excellent de même dans plusieurs grands festivals européens. En attendant sa sortie sur l’autre rive de la Méditerranée…
Le Bleu du caftan. 2022 .Coproduction belgo franco marocaine Réalisation : Maryam Touzani . Avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui