L’ONG internationale Human Rights Watch, qui a présenté un rapport ce mercredi à l’Ile Maurice, qualifie de « crime contre l’humanité » le déplacement forcé des habitants de l’archipel des Chagos entre 1963 et 1973 par le Royaume Uni. Et cela pour faire la place à la base aérienne et navale américaine sur l’atoll de Diego Garcia. Des « réparations » exigées en faveur des Chagossiens
Correspondance Vel MOONIEN
Human Rights Watch (HRW) est catégorique. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont le devoir d’indemniser les générations affectées par la déportation des habitants de l’archipel des Chagos – une dépendance mauricienne située au beau milieu de l’océan Indien – entre 1963 et 1973 afin de faire de la place à une base aérienne et navale américaine sur l’atoll de Diego Garcia. Ce déplacement forcé constitue un crime contre l’humanité, estime l’organisation non-gouvernementale internationale qui a publié ce mercredi un rapport intitulé « That’s when the nightmare started », soit « C’est là que le cauchemar a commencé ».
L’ONG exige un procès contre ceux qui ont été les responsables de l’expulsion des Chagossiens. Une telle action est peu probable, certains ne sont plus de ce monde et rares survivants doivent être en fin de vie. A l’époque, le Royaume-Uni a conservé ces confettis d’îles, à la demande des Américains, lorsqu’il négociait avec l’île Maurice pour lui accorder son indépendance. Officiellement, elles étaient nécessaires pour des besoins de télécommunications. D’où la création du British Indian Ocean Territory (BIOT), soit le Territoire britannique de l’océan Indien, après que les habitants aient été expulsés vers l’île Maurice et les Seychelles.
Aucun droit de retour
Le Royaume-Uni a commis deux autres crimes contre l’humanité. Il y a d’abord le fait qu’il a sciemment refusé aux Chagossiens le droit de retour dans l’archipel malgré une décision de la plus haute instance judiciaire des Nations Unies qui a jugé illégale son occupation de l’archipel. De l’autre, tout laisse croire qu’il a persécuté les Chagossiens sur une base raciale, ceux-ci étant majoritairement des descendants d’esclaves d’origine africaine. Sur ce dernier point, HRW indique que les habitants de Chypre, des îles Malouines et des îles Sandwich ont été traités différemment par les autorités britanniques.
Alors que les Chagossiens débarqués à l’île Maurice ont obtenu des indemnités, tel n’a pas été le cas pour ceux aux Seychelles. Certains sont morts dans le dénuement le plus total. Le rapport de HRW cite des Chagossiens qui déclarent que des enfants sont morts en raison de difficultés économiques alors que des adultes ont été emportés par le chagrin d’avoir été arrachés à leurs île natales.
« Discrimination » et « racisme »
Dans un reportage vidéo présenté à l’île Maurice ce mercredi à l’occasion du lancement du rapport, un Chagossien de seconde génération a fait état de la « discrimination » et du « racisme » que les siens ont dû subir.
Lorsqu’il a finalement bénéficié d’un passeport britannique à compter de 2002, nombreux sont ses concitoyens qui ont été forcés de demeurer à l’aéroport de Gatwick une semaine durant avant de trouver un logement. Pour cet intervenant, le gouvernement britannique n’a pas suffisamment soutenu la communauté chagossienne. Le rapport, de son côté, mentionne des discriminations liés à l’accès à un logement et à un travail.
Les Chagossiens sont qualifiés dans les documents officiels de « Vendredi, » à l’image du personnage dans le livre intitulé Robinson Crusoé, une preuve additionnelle de racisme systémique envers les insulaires.
Des excuses exigées
« Le combat que nous avons mené avait sa raison d’être et ce rapport le prouve » : tels sont les propos d’Olivier Bancoult, leader du Groupe réfugiés Chagos. En novembre dernier, le Royaume-Uni avait accepté de restituer les Chagos à l’île Maurice; les négociations se poursuivent. Mais HRW réclame une garantie des Etats-Unis et du Royaume-Uni de financer le retour des Chagossiens sur leurs îles. Elle exige également des excuses du roi Charles III auprès de ce peuple actuellement éparpillé à l’île Maurice, au Royaume-Uni et aux Seychelles.
Olivier Bancoult déplore que les siens n’aient toujours pas l’autorisation de vivre dans l’archipel alors qu’il y a des Philippins, entre autres, qui habitent et travaillent sur la base militaire et navale de Diego Garcia. « C’est facile d’y ériger des maisonnettes préfabriquées. Les Chagossiens ont habité à 45 minutes de la base de Diego Garcia. Il doit y avoir moyen pour que les Chagossiens puissent retourner vivre sur l’atoll et qu’ils puissent trouver un emploi sur la base militaire », fait ressortir Olivier Bancoult. A une question de Mondafrique quant au nombre des Chagossiens qui souhaitent retourner vivre dans l’archipel, il rappelle qu’un sondage réalisé par le gouvernement britannique révélait qu’un tel souhait avait été exprimé par 99 % des membres de la communauté chagossienne.
Olivier Bancoultl a soutenu avoir obtenu l’assurance du Premier ministre mauricien Pravind Jugnauth qu’il sera partie prenante des négociations entre Londres et Port-Louis pour le retour des Chagos sous le drapeau mauricien.