Benjamin Netanyahou face à la Cour Suprême: une guerre idéologique virulente

Avec son projet de réforme du système judiciaire, Benjamin Netanyahou affronte aujourd’hui son conflit le plus emblématique. D’où « la cassure entre la gauche et la droite aussi profonde et irrémédiable qu’entre Israël et les Palestiniens », constate dans sa chronique Caroline Bright en défendant le combat du Premier ministre israélien contre la Cour Suprême. Ce point de vue tranché, voire parfois polémique, ne peut que susciter un débat que Mondafrique juge utile. 

A priori, les choses sont simples : la droite au pouvoir réclame que les capacités d’agir du Parlement cesse d’être ébréchées, rognées par les intrusions non fondés en droit de la Cour Suprême. Dans une démocratie, c’est le peuple– à travers ses élus – qui dit le droit. Mais en Israël, il faut compter avec la Cour Suprême. qui, faute de constitution, s’est arrogée progressivement le droit de retoquer les lois ou les ministres au nom. En janvier 2023, Benjamin Netanyahou a dû ainsi se séparer d’Aryeh Edery, leader du parti orthodoxe Shas, la Cour Suprême ayant jugé « déraisonnable » qu’un homme convaincu de fraude fiscale soit nommé ministre.

Israël n’ayant jamais cherché à se doter d’une constitution, la Cour Suprême a comblé le vide, non pas avec du droit, mais avec la bonne image qu’elle a d’elle-même. La Cour ne tranche pas au nom du respect dû à la lettre d’un texte constitutionnel qui n’existe pas, mais au nom du bon sens des magistrats qui la composent. Ces vingt dernières années, la Cour suprême a ainsi envahi tous les champs de la vie sociale. C’est ce caractère invasif de la magistrature suprême que la droite entend corriger en cantonnant les prérogatives des magistrats  à des zones d’expression précises.

La Cour « incontrôlable (et) irresponsable »

Une réforme de la Cour suprême est nécessaire. Comme l’écrit Andreas Tobin, rédacteur en chef de JSNews, la Cour est devenue « incontrôlable (et) irresponsable, tant ses décisions sont arbitraires et ne reposent sur rien d’autre que « sa propre conception de ce qui est « raisonnable ». Ce n’est pas le droit qui régit le comportement de la Cour suprême en Israel, mais la morale … incarnée par des juges qui votent à gauche

Le but de la gauche n’est donc pas d’accepter un débat sur « la » bonne réforme de l’appareil judiciaire, mais de protéger une « fraternité juridique » selon l’expression de Caroline Glick, journaliste et essayiste israélienne. Cette « fraternité juridique » est aujourd’hui accusée par la droite d’avoir agi, des décennies durant, de manière partisane et d’avoir statué et jugé entièrement au service des intérêts politiques et électoraux de la gauche, plutôt que d’avoir servi les intérêts de la nation.

La scission entre la gauche et la droite est donc aujourd’hui très profonde. Qu’on en juge. L’ancien vice-ministre du parti d’extrême gauche Meretz et ancien chef d’état-major adjoint de Tsahal, Yair Golan, a appelé à une insurrection civile. L’ancien chef d’état-major de Tsahal et ministre de la Défense, Moshe Yaalon, a appelé les policiers à désobéir aux ordres. Benny Gantz, ex-chef d’Etat major, a déclaré que la guerre civile serait de la faute de Netanyahu. L’ancien Premier ministre Ehud Barak a écrit dans  le Yediot Ahronot : « Quand un million de citoyens descendront dans la rue, ce gouvernement diabolique tombera ».

« La fin de la conversation »

Comme le fait remarquer Jonathan Tobin, rédacteur en chef de Jewish News Syndicate, « qualifier le gouvernement de « moralement corrompu » ajoute-t-il, ou de « criminel, n’est pas une façon de débattre sur une question litigieuse, (…). C’est la fin de toute conversation. »

Dans le conflit qu’elle a engagé avec la droite, la gauche israélienne ne cherche pas à faire valoir ses arguments, mais à faire plier l’adversaire. Et comme elle est minoritaire, elle fait du bruit. Elle mobilise des dizaines de milliers de manifestants dans la rue et elle hystérise le débat médiatique en abusant de sa surreprésentation dans les médias. Les journalistes de gauche, les magistrats de gauche et les hommes et femmes politiques de gauche font ainsi monter une clameur assourdissante sur le « racisme », la « corruption », le « despotisme »… de la coalition Netanyahu. Ces accusations ne laissent place à aucun débat, sont sans rapport avec la réalité. C’est le principe même de la propagande.

Une cacophone bruyante, assourdissante

Tous les jours en Israël, la presse de gauche se déchaîne et balance des grenades à jets continus pour imposer son narratif sur « la mort de la démocratie ». Et quand Netanyahou n’est pas traité d’imbécile ou de corrompu, il est menacé d’une sécession de l’armée, d’une récession économique, du départ des « cerveaux », ou d’une révolte du secteur de la high tech sous des cieux plus accueillants.

Benjamin Netayahu a survécu à bien des épreuves et survivra sans nul doute à celle-ci. D’autant plus facilement qu’ il n’est  visé qu’en apparence. En faisant étalage de tous les signes de la colère la plus noire, la gauche a surtout entrepris d’attirer l’attention du grand frère démocrate américain. Andreas Tobin, rédacteur en chef de JNS News, ne s’y est pas trompé. « Pourquoi sont-ils (les partis  et médias de gauche) si déterminés à attiser la colère de l’administration Biden et de la communauté juive américaine envers le nouveau gouvernement israélien » se demande Tobin avec lucidité ?

Le New York Times vent debout 

Quand le New York Times publie en Une un appel à « sauver Israël » de lui-même, la manœuvre est claire : la gauche israélienne fait alliance avec la gauche médiatique occidentale pour dénoncer la « dérive » d’Israël. « Israël, une démocratie devenue illusoire », écrit « Le Monde » le 30 décembre 2022 et qui « fait la part belle aux suprémacistes juifs ». « Le gouvernement d’extrême droite en Israël, « une épreuve pour la démocratie » écrit France 24. Le New York Times du 17 décembre, a affirmé lui que « la démocratie israélienne est en danger » et que « les partis ultrareligieux et ultranationalistes (…) mettent en danger l’idéal d’un État juif et démocratique ».

L’appel au « grand frère » étranger n’est pas une stratégie originale. Yasser Arafat avait la même. Faisant semblant de négocier directement avec Israël, préservant les apparences du « dialogue ». Yasser Arafat (et Mahmoud Abbas après lui) n’ont eu de cesse d’internationaliser le conflit israélo-palestinien, d’en appeler à l’Union européenne, à l’ONU, aux différentes cours de justice internationales et surtout aux Etats Unis. Depuis quarante ans, l’ensemble des institutions internationales a été sommé par les Palestiniens d’intervenir contre Israël en Israël. Et l’ONU et les cours de justice internationales ne se sont pas gênés pour obtempérer.

La gauche juive israélienne n’agit pas différemment des Palestiniens. Discuter avec Netanyahu, amender le projet de loi, rentrer dans un débat raisonnable avec la droite n’est pas pour la gauche un objectif. La bonne image que la gauche a d’elle-même l’empêche de négocier avec la droite, tout comme les Palestiniens refusent de négocier avec Israël depuis cinquante ans. La gauche morale est si imbue de sa légitimité qu’elle refuse de se commettre avec des « nazis », des « racistes », des « fascistes » tout comme les Palestiniens répugnent à reconnaître le moindre droit à d’anciens dhimmis.

La société israélienne confrontée à la montée des périls (Iran, Cisjordanie…) est désormais fracturée.