Au lendemain du jeudi noir, la tension semble être un peu retombée à Ndjamena, mais ce n’est qu’une accalmie de façade. Des coups de feu sont encore entendus sporadiquement dans certains quartiers de la capitale et des heurts persistent dans le sud du pays. A peine nommé, le nouveau gouvernement est dans une impasse.
Mahamat Idriss Déby a fait le choix de la brutalité pour contrer ceux qui contestent la prolongation de la transition et donc son maintien au pouvoir. Ce vendredi la répression continuait. Selon Tchad info, des véhicules militaires guidés par des personnes habillées en civil sur les motos sont entrées dans plusieurs concessions. Le journaliste Bertrand Sortho a été tabassé à son domicile par les forces de défense et de sécurité, alors que la veille, un autre journaliste Narcisse Oredje, a été tué au cours d’une manifestation créant l’émoi dans tout le pays. L’opposant Succès Masra est activement recherché par les autorités. Son dernier tweet date du 21 octobre à 7h 43. « Le siège national de notre parti est en train d’être saccagé par les forces de sécurité qui ont forcé l’entrée. Après avoir abattu 70 personnes, arrêté, blessé et torturé plus de 1000 autres, les voici en train de s’en prendre aux immeubles et aux documents. » Selon d’autres sources, trois membres de son parti, les Transformateurs sont mortes au cours de cette descente de police.
Le bilan macabre a augmenté d’heure en heure depuis jeudi matin et il est fort possible qu’il soit plus important encore que les 70 décès annoncés par Masra. Les informations concernant les événements survenus dans les villes du sud du pays, notamment à Doba, Koumra et Moundou situées près des frontières camerounaise et centrafricaine étant très difficile à obtenir. Dans cette dernière ville, des groupes de personnes ont profité du chaos pour se livrer à des affrontements communautaires contre les réfugiés soudanais.
Le martyr du peuple tchadien
Combien de temps, l’exception tchadienne peut-elle encore durer ? Certes la communauté internationale a réagi, la France a condamné, l’Union africaine a condamné « fermement ». Les Etats-Unis ont également condamné et se disent « profondément préoccupés par les informations faisant état de victimes et exhortons toutes les parties à désamorcer la situation et à faire preuve de retenue. » Des réactions très faibles en rapport avec la violence du pouvoir. Par ailleurs, aucune demande d’enquête internationale n’a été demandé.
Le Premier ministre Saleh Kebzabo, ancien opposant au régime Déby, qui lorsqu’il manifestait était le premier à dénoncer la répression, a justifié les agissements des forces de défense et de sécurité. Il a suspendu les partis politique d’opposition, ce qui est un comble pour un ancien opposant, et a imposé un couvre-feu.
La messe est donc dite, pour se maintenir au pouvoir, Mahamat Déby, qui n’a pas l’intelligence manœuvrière de son père, et son clan ont fait clairement le choix de la dérive autoritaire pour se maintenir au pouvoir. Mais c’est une voie sans issue pour le peuple tchadien et pour eux-mêmes. Des divergences de vues commencent à naître entre les modérés et les radicaux prêts à tout au sein même de l’exécutif. D’autant qu’il existe aussi des clans au sein de la famille Déby comme au sein d’une armée très communautaire.
Si la répression et le nombre de victimes peuvent avoir raison de l’ardeur des manifestants, cela ne peut durer qu’un temps. Le régime prend le risque d’imploser de l’intérieur.
Au Tchad comme dans le reste de l’Afrique, un deuxième coup d’Etat contre les auteurs d’un premier coup d’État est si vite arrivé!
Le tchadien Succès Masra: oui au dialogue, mais avec le peuple