Les autres « gros poissons » de la Séléka devraient aussi faire l’objet d’enquêtes prioritaires de la Cour
Lewis Mudge
Le procès de Mahamat Saïd Abdel Kani, ancien commandant de la Séléka en République centrafricaine, s’est ouvert aujourd’hui devant la Cour pénale internationale (CPI). Saïd est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont beaucoup auraient été commis à l’Office central de répression du banditisme (OCRB) dans la capitale Bangui, entre avril et novembre 2013.
En avril 2013, Bangui était une zone de guerre. La ville avait été saisie moins d’un mois auparavant par une coalition de groupes rebelles connue sous le nom de Séléka, dans le but de renverser le gouvernement du président de l’époque, François Bozizé.
Après avoir pris le pouvoir, la Séléka s’est lancée dans une vague de meurtres à travers le pays, pillant, tuant et violant les habitants sur son passage. Je me souviens de m’être entretenu avec deux sœurs qui avaient été violées par des combattants de la Séléka dans leur maison le 25 mars 2013. L’une d’entre elles, enceinte de huit mois, a perdu son bébé le lendemain. J’ai rencontré des hommes qui ont survécu à des exécutions de masse par pure chance et des habitants du quartier Boy-Rabe de Bangui, où des dizaines de civils, dont des femmes et des enfants, ont été tués par des combattants de la Séléka lors d’une attaque en avril 2013.
Près de dix ans plus tard, aucun dirigeant de haut rang de la Séléka n’a été tenu responsable de ces abus. Saïd rejoint plusieurs commandants de la milice anti-balaka – les adversaires de la Séléka – qui seront également jugés par la CPI. Le mois dernier, la Cour a rendu public un mandat d’arrêt à l’encontre de Noureddine Adam, l’ancien numéro 2 de la Séléka, auquel Saïd était « directement subordonné » selon la CPI. Il s’agit d’une avancée positive. Adam supervisait les combattants de la Séléka et Human Rights Watch a documenté comment des soldats placés sous son commandement se sont probablement livrés à des atrocités à Bangui et dans les environs de la capitale. Après avoir fui la capitale, Adam a pris la tête d’autres groupes armés, donnant un triste exemple de la façon dont les dirigeants qui commettent des abus et bénéficient de l’impunité continuent de commettre des crimes.
Le procès de Saïd devrait être le début de l’établissement des responsabilités pour les crimes commis par ce groupe qui a tant ravagé la République centrafricaine. Le Soudan, où se cacherait Adam, devrait le livrer dans les meilleurs délais à la CPI, qui devrait continuer à enquêter sur d’autres « gros poissons » – comme on les appelle à Bangui – de la Séléka.