Le passeport africain unique que l’Union Africaine devrait lancer bientôt ne sera offert qu’aux chefs d’Etat, aux chefs de gouvernements et aux ministres des Affaires Etrangères. Le milliard de citoyens africains ordinaires devra attendre encore.
Sur les 197 pays officiellement titulaires d’un fauteuil à l’ONU, plus d’un quart sont africains, soit 54 pays. Ce qui fait que le continent africain est celui qui possède le plus de pays (47 en Asie, 45 en Europe, 35 en Amérique et 14 en Océanie), auxquels il faut encore en ajouter 4 non reconnus : la République sahraouie, l’Azawad des Touaregs, le pays de Pount en Somalie, déjà mentionné dans les textes de l’Egypte antique, et le Somaliland.
Pour cette raison, l’Union africaine (UA) a enfin annoncé qu’elle devrait lancer le passeport du continent africain lors du prochain sommet de l’organisation panafricaine prévu en juillet prochain à Kigali, au Rwanda. Les premiers bénéficiaires en seront les chefs d’Etat et de gouvernement, les ministres des Affaires étrangères et les représentants permanents des Etats membres de l’UA. Ces passeports uniques leur seront remis lors du 27e Sommet de l’UA prévu du 10 au 18 juillet dans la capitale rwandaise, a précisé l’organisation panafricaine par la voix de sa présidente de la Commission de l’Union Africaine, Nkosazana Dlamini Zuma. Une centaine de passeports de couleur bleue seront ainsi remis le mois prochain. Sur 1 milliard d’habitants, soit 0,0000001% de la population du continent.
La course aux visa
Contrairement à ce que l’on croit, ce ne sont pas les Etats-Unis qui détiennent le passeport le plus ouvert au monde mais l’Allemagne et la Suède avec la possibilité de visiter 157 pays sans visa. Selon Passeport Index, les Américains n’arrivent qu’en 4ème position, ex aequo avec Singapour, le Luxembourg et le Portugal, devancés par les Belges, les Sud Coréens, les Suisses et les Français. Les pays africains, eux, arrivent très loin derrière. C’est l’Afrique du Sud qui trône en première position du continent, mais seulement au 43ème rang avec 90 pays sans visa, suivie du Botswana et du Lesotho, 67ème au classement. Derrière, on trouve le Malawi et le Kenya, suivis par l’Afrique du Nord avec la Tunisie (61), le Maroc (58), Mauritanie (54), Niger (52), Egypte (51), Algérie (48) et Libye (37).
Si le Sud Soudan, dernier né des pays africains se place déjà à la 88ème place mondiale devant le vieux Soudan, l’Ethiopie et la Somalie, les 3 derniers passeports au monde ne sont pas africains, il s’agit de ceux de l’Irak, du Pakistan et de l’Afghanistan, trois pays troublés, avec la Syrie, qui depuis la guerre, se retrouve à la peu enviable 89ème place.
Objectif 2063
Le sort des Africains, contraints aux migrations clandestines, va-t-il changer ? Possible. En interne, la commissaire de l’UA chargée des affaires politiques, Dr Aisha Abdullahi, a déclaré que l’Afrique pourrait bientôt devenir sans frontières et le plan pour un seul passeport africain est en cours. L’année dernière en 2015, un agenda 2063 a été mis en place avec plusieurs mesures, dont le passeport africain, projet qui doit être mis en œuvre dans les 10 premières années de cet agenda de l’UA, soit au plus tard en 2025. Un peu plus tôt pour la BAD, Banque Africaine de Développement, qui annonce que « la vision de l’UA est compensée par un appel à l’action d’introduire un passeport africain et d’abolir l’obligation de visa pour tous les citoyens africains dans tous les pays africains d’ici 2018″.
C’est encore loin mais en attendant ce fameux sésame, tout ressortissant africain aura bientôt le droit d’entrer et résider dans un pays africain pendant 30 jours et sans visa. Sauf que pour l’instant, le passeport du Soudan ne permet d’aller que dans 36 pays sans visa, et il est clair qu’il vaut mieux avoir un passeport du Vatican, un micro-état de 1000 habitants mais dont le passeport permet de visiter 128 pays sans visa.
Circulation perturbée
30 millions de kilomètres carrés, soit 10 fois plus que l’Europe et juste un peu moins que l’Asie. Entre Alger, nord de l’Afrique, et Le Cap, cité-mère d’Afrique du Sud au bout du sud de l’Afrique, il y a plus de 10.000 kilomètres, soit deux fois plus que la distance Paris-New York. Et de Dakar, sur l’Atlantique, à Bossasso au pays du Pount somalien, il y a aussi 10.000 kilomètres, soit plus que la distance Londres-Tokyo. Ce qui pose des problèmes de circulation. A titre d’exemple, un Algérien peut aujourd’hui aller à Cuba, Haïti et en Equateur sans visa, de même qu’en Jordanie, Syrie, Yémen, en Malaisie et à Hong Kong, et même au Kosovo européen. Mais pour aller au Sénégal, Kenya, au Nigeria ou en Côte d’Ivoire et évidemment en Europe ou en Amérique, il lui faudra un visa, même s’il en est exempté pour la Guinée, le Bénin et le Mali, ainsi que pour l’ensemble Tunisie, Maroc, Mauritanie, Libye et Egypte, soient les pays du Grand Maghreb élargi.
Autre exemple, un Sénégalais peut aller sans visa dans les pays de la CEDEAO (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sierra Leone, Togo) mais il lui faudra un visa pour les pays d’Afrique du Nord, sauf pour le Maroc. Un Kenyan est moins bien loti, il lui faudra des visas un peu partout, sauf au Malawi, Botswana, Malawi et Zambie. On est encore loin du passeport européen et même andin, qui ouvre aux 11 pays de la communauté andine le droit de circuler librement à travers l’Amérique du Sud. Que de chemin non parcouru depuis la vallée du rift africain, où l’homo sapiens a, de là, conquit toute la planète en quelques milliers d’années et à pied. Sans autre barrière que celle des redoutables félins, seuls douaniers de l’époque.
L’Union Africaine, a tôt fait d’envisager comme partout, que le développement passe d’abord par l’économie, et d’une façon générale au niveau mondial, les accords de libre-échange de marchandises sont toujours plus nombreux que ceux de la libre circulation des personnes. Ce qui arrivera certainement à l’Afrique, où les barrières douanières devraient tomber assez rapidement avec la ZLEC, cette zone de libre-échange continentale projetée déjà en juillet 2012 par l’Union Africaine, et qui devrait voir le jour l’année prochaine, en 2017.