Après les pourparlers à Doha (Qatar) entre la junte tchadienne et les différents groupes politiques ou militaires d’opposition qui ont duré cinq mois, Ndjamena a ouvert le 20 août dernier le dialogue national inclusif. De suspensions en reports et en blocus, le grand raout s’est enlisé, au grand dam de Paris.
Le Tchad est une véritable épine dans le pied de la politique africaine de la France et de l’Union africaine. En effet, depuis en avril 2021, date de la mort du Idriss Deby, Emmanuel Macron et l’UA ont adoubé une succession anticonstitutionnelle dirigée par Mahamat Déby, dit Kaka. En acceptant que la junte se maintienne au pouvoir 18 mois renouvelable une fois, manière élégante d’accorder 36 mois au fils du maréchal, Paris et Moussa Fakhi ont ouvert la boite de pandore. Il est fort délicat après cela de ne pas accepter que les militaires au pouvoir en Guinée Conakry et au Burkina Faso n’obtiennent pas les mêmes délais. Sans parler évidemment des légitimes accusations de deux poids, deux mesures qui nuisent tant à l’image de l’Hexagone sur le continent africain.
Faire passer la pilule
Pour tenter de calmer les opposants, les réfractaires au pouvoir autoritaire, pour essayer de repeindre la junte aux couleurs de la démocratie, Mahamat Idriss Déby a organisé, sous l’égide du Qatar, un dialogue avec une quarantaine de groupes rebelles armés. Après cinq mois de discussions, tout le monde a signé, sauf un, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), le plus important et représentatif de tous. Qu’importe, la première étape étant terminée, place à la seconde et au grand dialogue au titre pompeux : « Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) ». Sauf que celui-ci, qui devait débuter en mai et s’est ouvert finalement en août, est tout sauf inclusif. Les deux plus grandes formations de l’opposition, les Transformateurs de Succès Masra et la coalition Waki Tama ont refusé d’être des figurants de la pièce de théâtre.
Le farce tourne au désastre
Le 1er septembre, Succès Masra qui réclame un « dialogue du peuple » au en lieu et place d’un « monologue » du pouvoir, organise un meeting à Ndjamena qui n’a pas l’heur de plaire aux autorités. Ces dernières interdisent la manifestation pour troubles à l’ordre public, envoient des gaz lacrymogènes, arrêtent 164 partisans de l’opposant. Le lendemain, elles réitèrent et poussent encore le bouchon plus loin en organisant un siège du QG de Succès Masra, bloquant toutes entrées et toutes sorties, ne laissant parvenir ni eau, ni nourriture, ni médicaments ni visite de journalistes ou d’avocats. Après quatre jours de blocus et des négociations avec le conseiller de la présidence, Abakar Manany, le siège est levé mais pas les tensions. En attendant le « dialogue du peuple » a déjà vaincu le DNIS. Le jeune opposant a gagné en notoriété en Afrique et a reçu le soutien d’Ousmane Sonko, le prétendant sénégalais à la succession de Macky Sall. Quant à la France accusée de « sponsoriser la dictature dynastique tchadienne » son image en est encore un peu plus ternie.
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