L’Australie ne s’opposera pas à l’extradition vers les Etats-Unis du fondateur de Wikileaks, faisant confiance au système judiciaire britannique. Les soutiens d’Assange contestent la décision, qualifiée de grave menace pour la liberté de la presse.
Canberra ne contestera pas l’extradition vers les Etats-Unis du fondateur de Wikileaks, Julian Assange, décidée par le tribunal de Westminster Magistrates à Londres le 20 avril. Avec cette ordonnance d’extradition, Julian Assange, ressortissant australien — qui peut néanmoins faire appel de cette décision — devrait pouvoir être jugé aux Etats-Unis pour la publication d’une série de dossiers classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan, révélant des crimes de guerre.
«Nous avons confiance dans l’indépendance et l’intégrité du système judiciaire britannique », a fait valoir Simon Birmingham, ministre australien des Finances, dans un entretien à la chaîne ABC le 21 avril, annonçant que le gouvernement australien ne ferait pas objection à la décision du tribunal londonien, même si une assistance consulaire resterait fournie à son citoyen.
S’il est condamné, Julian Assange risque jusqu’à 175 ans de prison. Il est actuellement détenu au Royaume-Uni dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, devant laquelle des manifestations de soutien ont été organisées régulièrement et dans laquelle il s’est marié avec Stella Moris en mars. À moins d’un appel, que ses avocats ont jusqu’au 18 mai pour déposer, Julian Assange sera extradé dans les 28 jours suivant la décision de la ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel de mettre en œuvre l’extradition.
«Grave menace pour la liberté de la presse», «affaire politique» : les soutiens de Julian Assange restent mobilisés
L’épouse de Julian Assange a pris la parole le 20 avril : «N’extradez pas Julian vers le pays qui a conspiré pour l’assassiner», a-t-elle lancé, très émue, en référence à des révélations du renseignement américain faisant état de projets d’élimination du journaliste. Elle a rappelé que le gouvernement britannique n’avait aucune obligation d’autoriser cette extradition. Au contraire, il devrait, selon elle, en vertu de ses obligations internationales appliquer l’article 4 du traité interdisant l’extradition pour des délits politiques. «C’est une affaire politique», a-t-elle estimé.
Parmi les autres prises de parole pour contester la décision de justice, figure celle de Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de Wikileaks. Celui-ci a jugé que l’ordonnance d’extradition, que «le tribunal a reçu l’ordre de prononcer», équivalait à prononcer «la peine de mort» pour Julian Assange, et qu’il revenait désormais au gouvernement britannique de «sauver la vie d’un homme».
Une coalition de 25 groupes de défense des droits de l’homme − dont Reporters sans Frontières et Human Rights Watch − a critiqué la décision d’extradition, la qualifiant de «grave menace pour la liberté de la presse aux États-Unis et à l’étranger». Reporters sans Frontières a lancé une nouvelle pétition pour s’opposer à l’extradition de Julian Assange, estimant que les semaines à venir seraient «cruciales» pour obtenir sa libération, également demandée par la Fédération internationale des journalistes.
L’ancien leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, a estimé que la ministre de l’Intérieur Priti Patel aurait désormais le choix entre «défendre le journalisme et la démocratie, ou condamner un homme à la perpétuité pour avoir révélé la vérité sur la guerre contre le terrorisme».
En France, Jean-Luc Mélenchon a apporté son soutien au fondateur de Wikileaks, en interpellant le gouvernement britannique sur Twitter : «Anglais, ne livrez pas Assange aux USA !», a-t-il plaidé, qualifiant l’Australien de «héros de notre liberté».
Wikileaks a également annoncé la tenue d’un «rallye» en soutien à Julian Assange, le 23 avril à Bruxelles.
L’Australien se bat depuis plus de dix ans pour éviter d’être extradé. Il a passé sept ans à l’ambassade d’Equateur à Londres pour éviter d’être livré à la Suède où il faisait l’objet d’accusations de violences sexuelles, abandonnées depuis. Il avait finalement été arrêté par la police britannique en avril 2019 et emprisonné.
En janvier 2021, la justice britannique avait initialement tranché en faveur du fondateur de WikiLeaks, sans toutefois se prononcer sur le fond de l’affaire. Invoquant un risque de suicide de Julian Assange, la juge Vanessa Baraitser avait refusé de donner son feu vert à l’extradition. Mais Washington avait remporté une victoire majeure en décembre, lorsque la Haute Cour avait annulé cette décision, estimant que les Etats-Unis avaient fourni des assurances répondant aux inquiétudes de la juge. Julian Assange avait ensuite obtenu le 24 janvier dernier l’autorisation de former un recours contre la décision de la Haute Cour devant la Cour Suprême, laquelle a refusé de s’en saisir.
*Source : Commun COMMUNE (le blog d’El Diablo)