Alors que des présidentielles se tiennent aujourd’hui vendredi 8 avril à Djibouti, des Djiboutiennes réfugiées en France dénoncent les exactions de l’armée contre les femmes de l’ethnie Afar.
C’est dans un modeste local au rez-de-chaussée d’un immeuble d’Arcueil en banlieue parisienne qu’une dizaine de Djiboutiennes en tenues traditionnelles reçoivent les journalistes. Certaines dorment sur des lits, épuisées par la grève de la faim qu’elles ont entamé le 25 mars pour protester contre l’impunité des viols des femmes Afar par l’armée djiboutienne.
Petite enclave peuplé de 900 000 habitants dans la Corne de l’Afrique, Djibouti est le théâtre, depuis la guerre civile de 1992-1994, de l’affrontement de deux tribus, les Afars et les Issas.
Les viols, « un non-sujet » à Djibouti
La responsable gréviste du comité des femmes djiboutiennes, accepte de répondre aux questions. Avec humour, elle s’amuse des élections présidentielles qu’elle considère comme une « mascarade pour amuser les chancelleries occidentales ».
Depuis 1993, d’après les grévistes 246 femmes Afar ont été violées par l’armée djiboutienne dans le Nord et le Sud du Pays. Le viol est utilisé « comme une arme de guerre pour détruire l’identité de ces femmes qui en gardent des séquelles à vie et qui ont du mal à se reconstruire » affirme-t-elle. Elle insiste sur la cruauté sans limite des soldats qui vont jusqu’à commettre ces viols devant les familles des victimes.
La plupart de ces viols sont commis à quelque lieux des bases militaires étrangères (française, américaine, japonaise, chinoise). Les forces d’intervention présentes sur le territoire djiboutien ferment les yeux devant ces crimes odieux depuis des années. Et pour cause. Djibouti est considéré par les chancelleries occidentales « comme un allié face au terrorisme ».
La France, alliée du président Guelleh
Selon le dernier rapport de l’association « Survie », « Ensemble contre la Françafrique » paru le 4 avril 2016, « depuis l’indépendance en 1977, la France n’a jamais quitté Djibouti ». De fait, Paris y maintient sa principale base militaire permanente d’Afrique. Depuis 1977, la dictature djiboutienne s’appuie sur le soutien de la France qui lui apporte une caution internationale, en dépit des pires exactions et fraudes électorales.
Pour faire bonne figure, l’actuel président Ismael Omar Gelleh a nommé des femmes ministres au gouvernement. Un écran de fumée pour cacher la réalité de la condition féminine dans son pays. Ces mêmes femmes ministres ne parlent jamais des viols qui est un « sujet tabou » explique l gréviste.
Le président Gelleh se représente pour un quatrième mandat après avoir modifié la Constitution. Face aux résistances son gouvernement autoritaire n’hésite pas user de la torture et d’arrestations arbitraires pour faire taire toute opposition démocratique et pacifique. Opposants politiques, syndicalistes et journalistes sont systématiquement réprimés.
Les elections, une mascarade
En février 2011, quelque semaines avant les élections présidentielles, deux personnes avaient trouvé la mort lors d’un rassemblement pacifique. Deux ans plus tard, huit autres perdaient la vie à la suite d’une manifestation de protestations contre les résultats des élections législatives, ponctuées par plus de 900 arrestations. Le 20 novembre 2015, plusieurs journalistes et militants ont été arrêtés lors d’un meeting organisé par l’USN la principale force d’opposition au président Gelleh.
Les grévistes djiboutiennes n’attendent rien de ces élections dont « le résultat sera sans surprise » selon la responsable. Elles espèrent malgré tout profiter de l’occasion pour sensibiliser le gouvernement français afin qu’il clarifie sa position vis à vis de la dictature djiboutienne, que les viols des femmes Afar soient reconnus comme crimes de guerre et les criminels jugés.