Au Gabon et face à l’épidémie de coups d’état qui secoue l’Afrique, Ali Bongo tient fermement l’armée. Au prix de quelques ajustements et autres mises à la retraite.
Tout est parti le lundi 17 janvier 2022 de la décoration décernée par l’ambassadeur de France au Gabon, Alexis Lamek, au chef d’état-major des forces armées gabonaise, le Général Yves Ditengou, qui devait prendre une retraite prochaine.
Ce jour-là, le chef d’état-major de l’armée gabonaise est élevé au grade de commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur. L’ambassadeur de France au Gabon dans son discours déclare : « La France a souhaité honorer un soldat qui a véritablement voué sa vie au service de son pays » avant d’ajouter « Si le général de division Yves Ditengou se voit remettre les insignes de commandeur de la Légion d’honneur, c’est non seulement parce qu’il a apporté au sein des forces armées gabonaises son savoir-faire mûri dans les écoles françaises, mais aussi pour son parcours exemplaire d’officier ».
L’éloge venu de Paris sème le trouble. Le haut gradé n’est-il pas en train de préparer un mauvais coup avec l’aide de la France?
Réchauffement franco-gabonais
Le général Yves Ditengou, formé à l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan et à l’Ecole de Guerre de Paris, ne veut pas prêter au moindre procès d’intention en rendant hommage au chef de l’exécutif gabonais : «C’est le président de la République, chef de l’Etat et chef suprême des forces de défense et de sécurité qui est honoré. C’est lui qui m’a fait confiance en me confiant le commandement des forces armées à qui je renouvelle ici ma loyauté, ma fidélité et mon entier dévouement».
Pour sa part, la presse pro pouvoir y voit « la volonté de rapprochement entre Paris et Libreville » et un baron du pouvoir gabonais loue le «Réchauffement des relations franco-gabonaises ».
Vent de panique
Mais l’euphorie dans le camp du pouvoir est de courte durée. En effet, conformément à l’ambiance de suspicion généralisée qui règne au sein du pouvoir, la question du message politique est très vite posée.
Selon un officier de la garde républicaine qui a pris part à une réunion au sommet : « La question de l’agenda caché de la France qui a décidé d’honorer un général issu d’une ethnie majoritaire du sud [les Punu, ndlr] s’est très vite posée. D’aucuns y ont vu une volonté de lui donner une stature. Avec cette épidémie de coups d’État certes en Afrique de l’Ouest, on n’a pas voulu prendre de risque bien que de toutes les façons Yves devait quitter son poste car admis en 2e section [retraite active, ndlr]. Il est quand même officier de cavalerie, certains ont eu peur de le voir débouler dans Libreville à la tête d’une colonne de chars. Il fallait agir vite ».
Le général Yves Ditengou adresse un courrier à Ali Bongo: « A ma grande surprise, je viens d’être relevé de mes fonctions par note de service. »
Et ça n’a pas traîné. Le 02 février 2022, une « note de service » signée par Michael Moussa Adamo, Ministre de la défense du Gabon et ami d’Ali Bongo (il est également membre « du conseil de transition » prévu pour gérer l’après-Ali Bongo !) vire Le chef d’état-major admis en 2eme section.
Surpris, le général adresse un courrier à Ali Bongo qui l’a nommé : « À ma grande surprise, je viens d’être relevé de mes fonctions par note de service citée supra du ministre de la Défense qui confie l’intérim à mon adjoint chargé des opérations » et demande l’intervention du chef de l’exécutif gabonais : « Aussi, ai-je l’honneur de vous demander très respectueux Excellence, la conduite à tenir ».
Serment d’allégeance
Mais Ali Bongo ne répondra pas à son chef d’état-major et n’en voudra pas à son ministre de la Défense d’avoir usurpé ses prérogatives. Le 12 février 2022, Ali Bongo en personne présidera la cérémonie de passation de service entre le Général Yves Ditengou et son successeur le général de division Jean Martin Ossima Ndong, 55 ans, pilote de formation, formé à l’École de l’Aviation de Chasse de Tours et à École militaire de l’air de Salon en Provence en France.
Totalisant 750 heures de vol sur 8 types d’avions, le promu a – Entre autres – promis «loyauté et fidélité au chef de l’Etat » …L’épilogue de cette histoire a eu pour théâtre une des salles du somptueux palais présidentiel gabonais. Le 14 février 2022, Ali Bongo a reçu (ou plutôt convoqué) les chefs de corps entrants et sortants.
C’est l’amiral Gabriel Mally Hodjoua, qui revenant sur « l’affaire Ditengou » sans la nommer a présenté ses excuses à Ali Bongo : « Nous militaires, nous ne sommes pas parfaits, mais avons l’obligation d’être disciplinés, c’est pourquoi Excellence, je vous présente respectueusement nos excuses » non sans le garantir de leur « loyauté » et de leur « fidélité » …
Grand seigneur, Ali Bongo a accordé son « pardon » à ses généraux, les a félicités et leur a dit qu’il saura compter sur eux « à l’avenir, c’est-à-dire demain, après-demain et le surlendemain ».
Pour rappel, les « élections présidentielles » devraient se tenir au Gabon en août 2023…
Très bon article. Continuez de nous informer.
Sacré boulot Mondafrique ! Personne ne maîtrise autant les dossiers du Gabon que vous!
Du travail de fond! Des sources fiables!
Bravo !