L’arrivée de l’international algérien YoussefBelaïli au Stade Brestois provoque une ferveur pour l’Algérie jamais vu sous les latitudes bretonnes. Pour le meilleur ou pour le pire
Chronique d’Olivier Toscer
Lundi 31 janvier, le community manager du Stade Brestois 29 (SB29), actuel 13ème du classement de Ligue 1 est tombé des nues en voyant exploser les réseaux sociaux du petit club du football de la pointe du Finistère : en 24 heures, plus 368 000 abonnés à la page Facebook du SB29, quelque 132 000 nouveaux accrocs à son compte Instagram, 50 000 de plus sur le réseau Tiktok et 7 000 sur Twitter, tous ou presque venus de l’autre côté de la Méditerranée. En une seule journée, le club brestois dépassait le million de fans sur les réseaux. Pas mal pour l’équipe d’une ville de 200 000 habitants !
Les supporters historiques du club eux aussi semblaient perdre la tête : « Cherche traducteur pour créer un deuxième compte Twitter en version arabe. Important de satisfaire ma nouvelle communauté » postait un des leaders des ultras brestois sur son compte Twitter, changeant même sa bannière sur le réseau en se présentant pendant quelques jours comme « Brestois et ami du peuple algérien ». Sur les réseaux sociaux, certains se déclaraient prêts à abandonner les crêpes pour le couscous.
Youssef BelaÏli, star en Afrique
La raison de cet accès de fièvre pro-algérien totalement inédit dans la ville bretonne ? L’annonce du recrutement pour six mois à Brest de Youssef Belaïli, le très populaire milieu offensif des Fennecs, l’équipe algérienne de football. Une nouvelle qui fait l’effet d’une bombe autour du petit club finistérien qui n’avait jamais eu jusqu’ici vocation à attirer les stars du ballon rond.
Or Belaïli en est une, tout du moins en Afrique. Son palmarès le prouve : titulaire de quatre titres de champions de Tunisie et d’un titre de champion d’Algérie, deux fois vainqueur de la Ligue des Champions africaine et avec la sélection DZ champion de la CAN en 2019 et de la Coupe Arabe en 2021, « C’est une superstar en Afrique, pas seulement en Algérie, explique l’ancien joueur Anthar Yahia au Télégramme de Brest. Ce statut de star, il ne l’a pas décroché comme ça. Ce garçon a du mérite ».
Troisième meilleur buteur du championnat quatari où il jouait la saison dernière au QatarFC, Youssef Belaïli est le deuxième grand joueur algérien à se fixer dans le Finistère, après Ryad Mahrez, le joueur le plus titré de la sélection algérienne, formé, lui, à Quimper, avant d’évoluer maintenant Manchester City, un club gotha mondial. Le néo-Brestois rejoint également, Youssef Atal (Nice), Farid Boulaya (Metz) et Haris Belkebla (Brest), les trois autres joueurs de la sélection algérienne présents à la dernière coupe d’Afrique des Nations qui évoluent en Ligue.
Mais si le joueur natif d’Oran a fait exploser les compteurs des réseaux sociaux brestois avant même d’avoir foulé les pelouses françaises – il devrait jouer ses premières minutes en Ligue 1 ce dimanche 6 février pour le derby breton Rennes-Brest -, il le doit d’abord à sa propre communauté de trois millions de fans de son compte Instagram.
Problème : un footballeur influenceur n’a jamais fait gagner son équipe s’il ne transforme pas son aura numérique en ballons au fond des filets. Grégory Lorenzi, le directeur sportif brestois ne s’en cache pas : « Si sa venue peut booster l’image du club, c’est avec grand plaisir. Mais on ne va pas sauter au plafond parce que l’on a récupéré beaucoup de sympathisants, précise-t-il. L’intérêt est sportif. Le plus important c’est qu’il puisse apporter ses capacités de joueur sur le terrain ».
Un bref passage à Angers
Les quelques sceptiques (qui se comptent sur les doigts d’une main dans la cité du Ponant) se souviennent que la précédente incursion du nouveau n°24 du SB29 en France – quelques mois seulement à Angers entre 2017 et 2018 – n’avait en effet pas vraiment été couronnée de succès, avec un seul petit match en coupe de France… L’enfant chéri des Algériens sortait, il est vrai, de deux ans de suspension pour usage de cocaïne.
Dans un français hésitant, l’intéressé a assuré, en arrivant à Brest, que cette mauvaise période était maintenant derrière lui. Mais le fiasco de la team DZ lors de la dernière CAN incite à la prudence. Le club brestois ne s’y est pas trompé en signant avec lui un contrat de très courte durée (6 mois) pour un salaire évalué selon certaines sources – à quand même – 110 000 euros par mois. A ce prix-là, « Youssef s’entraine normalement, annonce Michel Der Zakarian. On verra s’il peut jouer 45 minutes, une heure ou tout le match, dimanche ».
Et après ? La direction du club n’a pas souhaité dévoiler publiquement les accords passés avec l’entourage du joueur autour d’une option pour deux ans supplémentaires. Les journalistes les mieux informés laissent entendre que Belaïli, habitué aux salaires mirobolants du Golfe se serait, d’ores et déjà montré très très gourmand pour poursuivre son aventure à la pointe de la Bretagne. Mais si d’ici là il enfile les buts permettant d’assurer le maintien du club breton en Ligue 1, personne ne lui en voudra d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs.