Il y a près de 60 ans, l’armée française ouvrait le feu rue d’Isly, à Alger, causant la mort de dizaines de partisans de l’Algérie française. Un massacre dont les circonstances demeurent obscures, qui a marqué le début de l’exode massif des pieds-noirs d’Algérie. Le président de la République Emmanuel Macron doit évoquer ce drame, ce mercredi à l’Elysée.Emmanuel Macron, qui recevait à l’Élysée les pieds-noirs après les Harkis, a qualifié d’ « impardonnable » la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, une semaine après les Accords d’Évian.
Il a également reconnu les effroyables massacres du 5 juillet, à Oran, où des centaines d’Européens, Français en majorité, furent pourchassés par une population ivre de sang.
Évidemment, dans le contexte électoral actuel, ces déclarations peuvent s’assimiler à une « pêche aux voix » ! Tous les Français, qu’ils soient nés en Algérie ou en métropole avant les Accords d’Évian, ont été « marqués pour toujours » par les tueries des deux camps durant ces sept années de guerre.
Un article de Joelle Hazard
Voici un rappel du contexte historique du massacre.
Les photos-souvenirs des pieds noirs à la fin de la colonisation française sont terriblement éprouvantes : insurrection et massacres, attentats et barricades, Bataille d’Alger, De Gaulle au balcon place du Forum, Accords d’Évian et Indépendance de l’Algérie.
C’est le premier novembre 1954 que la révolte algérienne a véritablement éclaté. La « Toussaint rouge » : trente attentats déclenchés simultanément dans les trois départements de l’Algérie de l’époque. Les troupes coloniales, les parachutistes et les légionnaires dégageront les villages assiégés. C’est le début de l’escalade. Les effectifs français passeront de 60 000 hommes à plus de 400.000, mais les opérations de ratissage ne parviendront pas à décourager la guérilla qui s’étend et s’organise sous le contrôle du parti du Front de Libération Nationale (FLN), avec l’appui de l’égyptien Nasser.
Les attentats se multiplient à travers le pays : une bombe déposée par les précurseurs de l’Organisation (clandestine) de l’armée secrète (OAS) éclate au cœur de la Casbah : 70 morts, tous des Musulmans. La bataille d’Alger vient de commencer. Durant un an, la Casbah, nouveau foyer du nationalisme algérien, sera l’objet de toutes les répressions.
En métropole, cinq gouvernements sont tombés. Chacun sait que la France ne viendra jamais à bout de cette guerre. Le 13 mai 1958, la foule prend d’assaut le gouvernement général. Les émeutiers réclament un gouvernement de salut public qui puisse leur garantir que l’Algérie restera leur terre. Le général Massu se voit offrir la présidence d’un Comité de salut public et le général Salan obtient de Paris les pleins pouvoirs. Deux jours plus tard, Salan lance le nom du Général de Gaulle…Le lendemain, ce dernier est de retour !
Juin 1958 : Charles de Gaulle est acclamé à Alger par une foule en délire. Son « Je vous ai compris » a galvanisé les pieds-noirs. La partie de phrase de son discours « Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c’est celle de la rénovation et de la fraternité » est ambiguë ; il faut relire la phrase entière : « …Je dis la rénovation à tous égards. Mais très justement vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c’est-à-dire par nos institutions, et c’est pourquoi me voilà. »
Un an plus tard, il parlera de l’autodétermination. Pour « beaucoup », c’est une trahison !
24 Janvier 1960 : la « semaine des barricades ». Alger s’enflamme au lendemain du limogeage du général Massu. Une fusillade avec les gendarmes fera 26 morts et 139 blessés. Pour De Gaulle, il n’est pas question de céder : « Nous sommes en train d’aider à se faire l’Algérie algérienne, c’est-à-dire une Algérie qui appartienne aux Algériens » répond-t-il. Le 1er février, les insurgés des « barricades » se rendent, avec à leur tête Pierre Lagaillarde, co-fondateur de l’OAS, droit dans ses bottes, sous les hurlements de douleur de la foule.
De Gaulle parle d’autodétermination. Aux manifestations des activistes hostiles à l’indépendance algérienne, répondent les contre-manifestations des Musulmans qui veulent négocier selon leurs conditions. Le drapeau vert du FLN flotte sur la Casbah. La répression de la révolte de cinq jours sera féroce : 92 morts et 370 blessés.
22 avril 1961 : « Un quarteron de généraux en retraite », selon l’expression même du général de Gaulle, s’empare du pouvoir à Alger. Les soldats perdus échouent dans leur tentative de putsch, car le contingent ne les suivra pas. Les généraux Salan et Jouhaud prennent le maquis et organisent l’OAS. Au baroud d’honneur, suivra une vague d’attentats et d’assassinats. Mais rien n’arrêtera la marche de l’Algérie vers l’indépendance.
Les Accords d’Évian sont signés le 18 mars 1962.
Six jours plus tard, le 26 mars, à l’appel de l’OAS, des milliers de pieds-noirs, drapeau français en tête, manifestent en direction du quartier de Bab-el-Oued, refuge de membres de l’Organisation de l’Armée Secrète, bras armé clandestin des partisans irréductibles d’une Algérie française.
L’intervention des forces de l’ordre dans ce fief activiste a déjà provoqué la mort de civils et de militaires dans le quartier. Parvenus rue d’Isly, les manifestants se retrouvent bloqués par un barrage de l’armée. Ils franchissent les premiers cordons avant de faire face aux blindés. Des coups de feu éclatent. Des corps tombent sur les trottoirs, sur les marches de la grande poste. Les images en noir et blanc de l’ORTF sont terrifiantes. C’est un feu continu qui assaille la foule. La troupe du 4erégiment de tirailleurs mitraille ces contestataires pendant 15 minutes, tirant dans le dos des fuyards. Les civils implorent les militaires gradés de faire cesser le feu : « Halte au feu mon lieutenant ! Criez je vous en supplie ! Halte au feu, de l’énergie mon Dieu ! » supplie un homme, la voix déchirée devant le massacre. Le bilan incertain sera d’au moins une cinquantaine de morts et des centaines de blessés. Les corps seront convoyés directement au cimetière, sans cérémonie…
Dans ses « Mémoires d’espoir », le général de Gaulle verra dans cette fusillade d’Isly « une émeute ne pouvant être dispersée que par le feu meurtrier des troupes ». La lutte contre l’OAS primait sur toute autre considération…
Le cri de « Halte au feu ! » et la supplication de ce civil à un gradé résonneront à jamais dans la mémoire des pieds-noirs, dans la nôtre.
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