Wagner : il court, il court, le furet… Une dépêche de l’agence Reuters du 13 septembre 2021 qui a mis le feu aux poudres, annonçait que le Mali et la société militaire privée Wagner était sur le point de signer un accord. Depuis cette date, on assiste à une campagne totalement irrationnelle. Pas un jour ne passe sans qu’une nouvelle information ne les signale ici ou là sans pour autant apporter de preuve tangible.
Le dernier message de Iyad Ghali, le chef du principal groupe djinadiste malien (ou JNIM) date du 18 août 2021, jour de la fête de l’Achoura. Dans cet audio de 18 minutes, il mettait en garde ses ennemis : la France, les pays occidentaux et, pour la première fois, il mentionnait également la Russie, qui ont passé un accord avec la junte militaire. Une preuve de plus, s’il en fallait une, que le patron du JNIM est très informé des bruits de couloirs à l’intérieur du palais de Koulouba.
Longtemps personne ne voulait prêter attention à l’arrivée des mercenaires de Poutine au Mali, pas plus la France qui avait fait une ligne jaune à ne pas franchir que la junte militaire qui ne souhaitait pas provoquer « l’allié » français. Ce n’est qu’après la dépêche de Reuters que la « chasse » à la présence de Wagner a été lancée. C’est à peine forcer le trait que de dire qu’il suffit qu’un grand blond baraqué débarque à l’aéroport de Bamako pour déclencher un branle-bas de combat du côté de l’ambassade de France et des services qui lui sont attachés !
Les officiels ne sont pas les seuls, toute la presse traque « des blancs » qui auraient été aperçus au centre du Mali à Mopti, à Sévaré, Bandiagara ou encore au Nord, à Tombouctou, aux côtés des forces armées maliennes pour en déduire que Wagner serait déjà déployée. C’est un peu vite oublier que cette société militaire privée (SMP) recrute au sein de diverses nationalités, dont des Syriens, des Libyens, possiblement des Algériens, selon certaines sources, et pourquoi pas des Centrafricains qu’elle a formés. Autant de mercenaires capables de se fondre dans la mosaïque malienne sans attirer les regards. Si Wagner souhaite entretenir le flou sur sa présence, elle aurait tort de déployer sur le terrain malien des grands blonds avec des rangers noires !
L’arbre qui cache la forêt
Cette chasse aux blancs apparaît donc totalement surréaliste sauf à donner raison aux autorités maliennes qui ne cessent de répéter qu’elles n’ont signé aucun contrat avec cette SMP et que seuls des instructeurs russes sont présents dans le cadre d’un partenariat d’Etat à Etat. « Les blancs » sont bien présents, comme l’a confirmé une source officielle malienne à RFI : « Ça s’appelle le service après-vente. Nous avions acquis du matériel militaire auprès de la Russie et des instructeurs russes sont à Tombouctou pour former nos troupes. Où est le problème ? » Ironie de l’histoire, il a suffi de moins d’un mois après le départ de Barkhane de ce camp pour que des militaires russes s’y installent… A qui la faute ?
Mais au fond, qu’est-ce qui pose le problème le plus sérieux pour la France et ses partenaires occidentaux ? La présence d’une SMP comme il en existe de nombreuses sur tous les théâtres de conflit, fût-elle proche du Kremlin, ou celle d’une réelle implication de l’armée russe dans le Sahel ?
À force de crier au loup…
A trop se focaliser sur Wagner, la France n’a non seulement rien vu venir mais a, sans aucun doute, contribuer à en faire un problème géopolitique en montant trop haut, trop fort au créneau sur ce sujet et en traçant des lignes rouges. En septembre, Florence Parly déclarait : « On ne va pas pouvoir cohabiter avec des mercenaires » ; au même moment Jean-Yves Le Drian menaçait de retirer les troupes françaises en annonçant tambour battant que Wagner « serait incompatible avec la présence internationale. » Puis devant l’absence de réaction de la junte au pouvoir, en décembre l’Elysée sortait l’artillerie lourde, en demandant à l’Union européenne de sanctionner l’entreprise Wagner. Quelques jours plus tard, quinze Etats européens signaient un communiqué condamnant le déploiement en cours de cette SMP russe. Autant de déclarations, de sanctions, qui ont, sans aucun doute, pousser Moscou à s’impliquer davantage qu’elle n’avait prévue de le faire. Malgré le nombre de sujets cruciaux sur le feu du Kremlin, Ukraine, Kazakhstan, Otan, la visite de Sergueï Lavrov à Bamako en janvier semble toujours d’actualité. La série l’Ours au Mali n’est pas finie…