L’élection présidentielle au Niger, dont le deuxième tour devrait avoir lieu le dimanche 20 mars, ne ressemble décidément à rien.
Compte tenu du retard constaté au premier tour des élections au Niger dans l’ouverture des bureaux de vote, des listes approximatives, de la pagaille qui a présidé aux opérations, du matériel électoral qui n’était pas arrivé à temps et des innombrables recours qui n’ont pas été jugés à ce jour, on voit clairement que le régime présidé par Mahamedou Issoufou n’a rien fait pour assurer un scrutin transparent, bien au contraire.
Après avoir annoncé, en roulant des mécaniques, un « premier tour KO », le sortant s’est offert, en se ravisant, un score de premier tour de 48,41%. Avec ce pourcentage soviétique, le message du régime est clair. Mahamadou Issoufou sera réélu dimanche.
Opérette électorale
Deux précautions valent mieux qu’une. Pour justifier la réélection d’Issoufou, autant que les adversaires soient privés de parole. Le principal opposant, Hama Amadou, aura connu, pendant cette campagne présidentielle, d’abord la prison pour une obscure affaire de trafic d’enfants et, depuis mercredi, l’hôpital américain à Paris, en raison d’une situation, dit-on, d' »extrême faiblesse ».
Dans cette mascarade générale, il sera difficile de prendre plus d’informations, le médecin personnel du candidat étant…en garde à vue. En tirant les conclusions attendues de cette farce électorale, l’opposition a annoncé qu’elle boycotterait le scrutin de dimanche, appelant les citoyens à ne pas se rendre aux urnes. Si elle est suivie d’effet, cette injonction fera définitivement perdre tout légitimité au résultat des Présidentielles.
Cette fragilité du pouvoir incapable d’organiser disons une fraude acceptable, où les droits de l’opposition sont en partie respectés, est inquiétante dans un pays menacé par le terrorisme. L’ennemi djihadiste se manifeste en effet aux portes du Niger. Le jeudi 17 mars, trois gendarmes ont été tués au cours d’une attaque attribuée à al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dans le sud-ouest du pays à proximité de la frontière avec le Burkina Faso. Le même jour, un militaire a péri dans un attentat suicide attribué à Boko Haram, à Bosso, dans la région de Diffa, dans le sud-est du pays.
Vers un troisième tour?
Sans doute mal conseillé par la boite de communication « Image 7 », qui oeuvra avec le succès que l’on sait en faveur du président tunisien Ben Ali, le président Issoufou s’est mis dans un sacré corner. Il aurait du se souvenir que depuis l’indépendance, le Niger s’est fait connaitre par une propension fâcheuse au coup d’Etat, au moins à quatre reprises.
Or face à des élections bâclées, un peuple mécontent et pauvre pourrait bien descendre dans la rue et les militaires nigériens stopper la farce électorale. Le scénario est d’autant plus plausible que le président Issoufou ne dispose d’aucune popularité au sein de son armée.
Lors du premier tour des présidentielles, le 21 février, les militaires avaient voté deux jours avant le reste des citoyens, soit le vendredi. Le résultat n’a pas pu, lui, être fraudé, car sous bonne surveillance…de l’Armée. Or les résultats du vote des casernes est plus que clair. Hama Amadou dont les connections au sein de l’armée sont nombreuses est arrivé largement en tête alors que le président Issoufou figurait en quatrième position! On comprend que si ce « troisième tour » a lieu, il ne sera pas forcément favorable au président sortant.
N’importe que chef d’Etat avisé aurait tenu compte de cet avertissement. Sauf le préident Issoufou qui persiste à croire, mais bien seul, en son étoile.