Pour notre chroniqueur Xavier Houzel, Mondafrique aurait eu l’idée biscornue de reprendre un article de BHL dans la revue du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) dénonçant l’obscénité insupportable d’Éric Zemmour. Voici sa chronique que nous publions volontiers
La photo de l’auteur du brûlot est affichée à côté de la mienne sur le site du journal ! Cela m’évite d’avoir à le citer ; mais cela m’incite en revanche à en relever le défi. Il évoque – non sans une belle lucidité, dixit Mondafrique – le fait qu’Eric Zemmour pourrait être à la fois juif et candidat à la présidence la République Française – une matière délicate, je le concède. J’y ajouterai que BHL – puisque c’est lui qui intervient – est né en Algérie, un sujet délicat, vous me l’accorderez.
Lévy Bernard-Henry est né le 5 novembre 1948 à Béni Saf, Aïn Temouchent[i], dans l’Oranais. Son bisaïeul Joseph étant décédé à Nemours (Algérie) en 1871 et son aïeul Mardochée, marchand de suif, qui s’est marié à Mascara en 1876, ont une origine algérienne attestée[ii]. Leur dynastie doit sa citoyenneté française collective au décret du 24 octobre 1870 – la fameuse loi Crémieux[iii] – qui déclare citoyens français les israélites indigènes de l’Algérie Française. Est-ce cela le legs juif à la France ? …cet ancien et beau geste[iv] qui dessina, jadis, la lumineuse figure de l’étranger sur la terre et qui devrait nous inspirer dans notre hospitalité face aux migrants. Mais de quel geste s’agissait-il alors ? De la part de qui et envers qui[v] ? J’aime trop l’Algérie – que j’ai parcourue en long et en large – et j’ai trop de respect pour la «lumineuse figure de l’étranger sur la terre » (mais à qui pense-il ?) – pour ne pas chercher à élucider ce point.
BHL oublie deux choses : que la communauté juive indigène vivait en Algérie sous le statut discriminatoire de dhimmi et que le pays ne comptait, d’après les services de l’époque, que de 17 à 30.000 juifs ravis d’accueillir l’envahisseur pour 3 millions de musulmans (contre 34 millions aujourd’hui) attachés à leurs terres, et que « la condition posée par l’annexant aux musulmans » pour obtenir la citoyenneté française était de « renoncer ouvertement à cinq pratiques incompatibles avec le Code civil français, dont la polygamie ». Aucuns d’entre eux ne se pressèrent, parce qu’ils n’y trouvaient pas d’intérêt ! C’est aujourd’hui l’inverse, et l’Hexagone n’est plus en mesure de faire face à l’afflux d’envahisseurs au risque de changer dix fois de peuple sans qu’on s’en aperçoive.
Eric Zemmour, d’origine berbère
De son côté, Zemmour Éric, Justin, Léon, a vu le jour à Montreuil, sur le sol français, le 31 août 1958 ; il est d’origine berbère pour être précis et pittoresque. Il n’est redevable de sa citoyenneté qu’à Dieu, comme tout le monde, ce qui n’est pas pour faire offense au nom qu’il porte, tant qu’il ne s’en est pas explicitement déchargé ! Il ne doit rien à la France, à part le fait d’y être né. Pas de naturalisation, pas de renonciation au droit coutumier, pas de revendication : seuls le geste d’amour de ses parents, le jus soli et le devoir national en retour ; c’est tout, ce fut tout naturel.
Maintenant, ce qu’une candidature éventuelle de Zemmour à la présidence de la République Française implique « quant au destin de l’être juif en France », Woaoh ! n’est pas tout à fait clair dans mon esprit. Je ne vois pas le « péril en la demeure métaphysique qui abrite, depuis la nuit des temps, un peu du sens de l’humain et de la France », ni ce malheur qui ferait pleurer la synagogue sur le fronton martyrisé de Notre-Dame ! Aïe… Je pense que Claudel et le Talmud n’ont rien à voir avec ce charabia ! Certes, les bâtisseurs de cathédrales représentaient l’allégorie de l’Ecclesia et de la Synagoga (le christianisme et le judaïsme), l’une coiffée d’une couronne royale et l’autre tête nue, mais que faut-il en retenir ? Que Lévy a fait les Gaules ou que c’est le petit Liré qui fait Zemmour. Que faut-il aller chercher !
Véronique Lévy, grand témoin
Le meilleur ambassadeur de la civilisation judéo-chrétienne est finalement Véronique Lévy, la propre sœur de DHL, petite-fille d’un rabbin de l’Oranais, tombée amoureuse du Christ et qui twitte : « Je suis une ourse pour qu’on me fiche la paix, un chaton pour dormir, une anguille glissant entre les doigts des porcs, une tigresse assoiffée de sang quand on touche aux petits sans défense; une kamikaze plutôt que de me soumettre à vos prescriptions sanitaires. Pardon, JESUS. » Il y a, dans cette transgression, quelque chose d’immense.
Je reste toutefois inquiet, perplexe plutôt, car il y a surtout cette suffisance de la personne, les moyens qu’elle emploie – qui sont d’importation – et les écarts de jugement qu’elle a pu faire non seulement en Libye mais aussi en Syrie partout sur son chemin : faut-il y voir la fragilité et l’étrangeté juives inscrites en lettre de sang dans la mémoire supérieure du monsieur ou serait-ce ici la marque de mon insuffisance de sous-chien ? Peut-être aussi que je n’ai rien compris, que je manque d’altitude.
Je vole bas parce que je préfère quelqu’un qui se gave de fiches, qui est capable de se tromper mais qui sait le reconnaître – sans haine ni outrecuidance – qui fait réfléchir sans qu’on ait à prendre de pincettes, qui ne vous prend pas pour des gens d’une obscénité insupportable.
[i]https://gw.geneanet.org/pierrebenoliel?lang=en&iz=845&m=D&p=joseph&n=levy&oc=54&siblings=on¬es=on&t=T&v=6&image=on&marriage=on&full=on
[ii] Aux termes du décret du 9 octobre 1871 – connu comme l’amendement Lambrecht – n’octroyant la citoyenneté qu’aux Juifs dont l’origine algérienne est attestée
[iii] « B. no 8 – p. 109 – RÉPUBLIQUE FRANÇAISE No 136. – Décret du 24 octobre 1870 qui déclare citoyens français les Israélites indigènes de l’Algérie.
Le Gouvernement de la défense nationale décrète : Les Israélites indigènes des départements de l’Algérie sont déclarés citoyens français ; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis jusqu’à ce jour restant inviolables.Toute disposition législative, tout sénatus-consulte, décret, règlement ou ordonnances contraires, sont abolis.
Fait à Tours, le 24 octobre 1870.
Signé AD. CRÉMIEUX, L. GAMBETTA, AL. GLAIS-BIZOIN, L. FOURICHON
[iv] Le décret Crémieux a été abrogé le 18 mars 1943 par le général Giraud, qui considérait les israélites d’Algérie comme des indigènes « pratiquant une religion différente de celle de leurs voisins et pas autre chose », mais il a été rétabli le 22 octobre par le Comité français de la Libération nationale, considérant que le texte du 18 mars, n’ayant pas été suivi de textes d’application en temps voulu, état devenu caduc. Les Juifs d’Algérie sont redevenus alors des français par un simple communiqué, qui ajoutait cependant que ce rétablissement était temporaire et que le statut des Juifs serait définitivement fixé lorsque celui des indigènes musulmans le serait à son tour (source Wikipédia)
[v] Cf. « L’affaire de la « consonance israélite » du nom de famille », sur le site de Me Eolas, 18 août 2007 :
«…ces textes, qui seraient sans nul doute anticonstitutionnels aujourd’hui, ont été en vigueur et ont produit des effets de droit qui se perpétuent jusqu’à aujourd’hui, quand bien même ces textes seraient désormais abrogés.»