Dans un excellent livre fort bien documenté, « les derniers jours de Muhammad », l’universitaire tunisienne Hela Ouardi explore les sources sunnites et chiites les plus anciennes et parfois les plus contradictoires afin de cerner l’mage humaine du fondateur de la religion musulmane. Au seuil de sa vie, le Prophète était cerné de toutes parts et affaibli par des rivalités de sérail exacerbées par les querelles de la succession.
La lecture de ce livre, qui n’a pas été traduit en arabe et interdit au Sénégal, est passionnante à plus d’un titre. Outre le récit de la fin tragique d’un homme puissant, au centre de multiples convoitises, la description de ces quelques mois esquisse une histoire dépassionnée de l’islam, en « ouvrant des angles morts gommés par la sacralisation afin de restituer aux personnages leur épaisseur», comme l’explique le spécialiste de l’Islam, Gilles Kepel.
Hela Ouardi éclaire l’histoire des origines de l’islam et de la formation du futur califat, en montrant la violence interne déjà à l’œuvre du vivant de Muhammad. Ces recherches permettent de mieux appréhender les grandes fractures de la communauté musulmane, encore présentes aujourd’hui. L’universitaire ouvre à une réflexion très contemporaine sur la construction d’une mémoire collective et de ses enjeux.
Des sources contradictoires
À Médine en l’année 632 et sous le soleil accablant de l’Arabie, le temps semble s’être arrêté. Le prophète de l’islam a rendu son dernier souffle. Autour de lui, ses fidèles tremblent à’idée que la fin du mode est arrivée. De quoi Muhammad est-il mort ? Pourquoi n’ a t il pas été enterré immédiatement ? Quelle a été l’attitude de ses Compagnons ? Et de sa famille ? Avait- il organisé sa succession ?
Hela Ouardi, professeur de littérature à l’université de Tunis tente d’y répondre à partir de la lecture du Coran et des sources de la Tradition musulmane, principalement l’énorme corpus des hadiths et les récits biographiques aussi bien sunnite que shiite, sources loin d’être unanimes, souvent contradictoires mais pas toujours. Sources fiables ? L’auteure y consacre un chapitre intitulé « les sources musulmanes : écrire l’histoire ou raconter des histoires ? » Elles sont postérieures de plus d’un siècle à la vie de Muhammad, pour la plupart construites dans un contexte de guerre civile afin de fonder une histoire sacralisée et consolider un pouvoir politique. Chercher à dépasser l’illusion de la vérité historique pour s’interroger sur la représentation des faits est alors la piste la plus intéressante pour aborder une « biographie impossible » des derniers jours Prophète.
Dès lors, le travail d’Hela Ouardi s’appuie sur une confrontation minutieuse des sources. « Dans mon livre, je n’invente rien. Tous les récits que je rapporte, la moindre anecdote citée, s’appuient sur plusieurs sources de la Tradition, sunnite et chiite». Quand les récits sont concordants, la probabilité d’un « horizon de vérité est plus forte ». Il est remarquable aussi de constater que l’on peut trouver dans les ouvrages de la Tradition des portraits très sévères des Compagnons ou de sa famille, même dans des ouvrages apologétiques, forme de distance par rapport à la sacralisation.
Tentatives d’assassinat
Héla Ouadi reconstitue de manière chronologique les derniers mois du Prophète de 631 à juin 632, date de sa mort, et particulièrement le « puzzle » de la dernière semaine. Cela rend le livre d’une lecture aisée, comme un roman, pour un grand public musulman ou non.
La description de ces deux dernières années est bien sombre pour Muhammad qui voit son autorité s’affaiblir à différentes échelles, notamment en raison des échecs militaires. Le livre s’ouvre sur les heures difficiles de l’expédition de Tabuk en 631, pour contrer l’empire byzantin dans l’espoir de récupérer Jérusalem. Cette expédition fait suite à celle de Mota en 629, où l’armée de Muhammad fut mise en déroute. Cet échec fut mal vécu par les croyants qui se vivaient comme les soldats invincibles d’Allah, et entama le prestige du prophète.
La fin de la vie du Prophète est marquée par des tentatives d’assassinat. C’est au retour de l’expédition de Tabuk vers Médine qu’a lieu une première tentative, connue sous le nom de conjuration d’al Aqaba : il s’agit de tuer Muhammad en désarçonnant son chameau dans un sentier escarpé par un jet de pierres. L’attentat échoue, bientôt suivi d’une seconde tentative au retour du pèlerinage de la Mecque. Même stratégie, même échec. Mais qui sont les conspirateurs ? Difficile d’y répondre. La Tradition shiite accuse ses Compagnons, notamment Abu Bakr et Umar, qui n’auraient pas accepté la désignation d’Ali comme successeur (hadith de l’étang de Khumm). La Tradition s’accorde sur le fait que Muhammad, par pragmatisme politique pour Héla Ouardi, n’a pas souhaité punir les coupables alors même qu’il les connaissait : impliquer et punir des très proches aurait affaibli son prestige.
Des faux prophètes en grand nombre
C’est l’époque aussi où une partie de l’Arabie refuse de reconnaître l’autorité de Muhammad à travers le mouvement des faux prophètes. Trois faux prophètes réunissent de nombreux adeptes autour d’eux et les mouvements d’apostasie se propagent dans une Arabie pas totalement islamisée au moment de la disparition de Muhammad, mouvements qui seront plus tard réprimés dans le sang par le premier calife.
C’est donc un contexte de crise politique pour le prophète, une ambiance de fin de règne que dresse Hela Ouardi à la veille de la maladie de Muhammad.Comment cerner l’homme ? Le caractère divergent des sources lui donne un visage multiforme, entre ignorances et contradictions sur ses origines, son âge, sa richesse ou la misère dans laquelle il aurait vécu, ses mariages d’amour ou de raison.Pourtant le livre, par petites touches, dessine un portrait de Muhammad, infiniment touchant car sorti de la légende pour être rendu à sa condition d’homme, avec ses qualités et ses défauts.
Un harem turbulent
Le Prophète, semble-t-il, était un bel homme, aux grands yeux noirs et aux cheveux épais, aux dents blanches, soucieux de son hygiène et de sa beauté, de constitution solide malgré de fréquentes migraines, et bon vivant.
Ce fut aussi un homme dévasté par la mort de son fils Ibrahim à 20 mois en janvier 632, fils de sa belle concubine copte et unique descendant mâle à l’époque.
Ce fut enfin un homme amoureux, à la tête d’un harem important : la tradition lui attribue de 13 à 15 mariages, tous conclus après la mort de Khadidja sa première épouse.
Le harem était turbulent, dominé par des jalousies internes et des luttes de pouvoir. Jalousie notamment entre Aisha la favorite, fille de Abu Bakr, forte personnalité, intelligente et gaie, et sa principale rivale la belle Zainab Bint Jahsh pour laquelle Muhammad eut un coup de foudre. Hafsa, fille de Umar, influente dans le harem, s’alliera avec Aisha afin de pousser les ambitions de leurs pères respectifs, les futurs premiers califes. Hela Ouardi souligne, lors de l’agonie de Muhammad, la complicité des filles avec leurs pères et les manœuvres de celles-ci pour leur assurer le pouvoir.
A ces femmes du harem, il faut ajouter sa fille chérie Fatima, épouse d’Ali, mère de 2 petits fils très aimés, Hassan et Hussayn. Muhammad s’efforcera à maintes reprises d’aplanir les difficultés du couple Fatima/Ali et les relations très conflictuelles entre Aisha et Fatima.
Aucun successeur désigné
En homme lucide, le Prophète a le pressentiment de sa fin prochaine et l’exprime devant la foule des fidèles dans son discours de l’Adieu : « Oh Dieu, ai je rempli mon message et terminé ma mission ? ». Il anticipe aussi des divisions de l’islam, comme plusieurs hadiths l’indiquent : « ce que je crains par dessus tout, c’est la rivalité qui naitra entre vous après ma mort ». p182. Il se sait aussi espionné et menacé, peut-être même par des proches.
La maladie se déclenche en mai 632 et l’agonie va durer environ 15 jours. Agonie très douloureuse, Muhammad souffrant de très fortes fièvres et de terribles maux de tête. Ouardi reconstitue dans le détail, jour après jour, la dernière semaine et l’enterrement, en confrontant des sources particulièrement abondantes mais confuses et contradictoires, à commencer par les causes de la maladie : pleurésie ou empoisonnement ? Les deux thèses ont leurs incohérences et leurs partisans.
Le jeudi 4 juin 632, une semaine avant sa mort, Muhammad demande à écrire ou dicter son testament. Cette demande lui est refusée par Umar au prétexte que le livre d’Allah suffit. De ce fait, aucun successeur n’est explicitement désigné.
Le dimanche, veille de sa mort
Le vendredi, trois jours avant sa mort, Muhammad n’est plus en état de diriger la prière à la mosquée. A-t ’il ou non désigné Abu Bakr pour le remplacer ? et si oui, cette désignation vaut-elle volonté successorale ? Oui pour les sources sunnites, unanimes à affirmer que le choix de Muhammad s’est porté sur Abu Bakr, ce qui lui permettra ensuite de légitimer son accession au califat. La direction de la prière se confond alors avec la direction de la communauté, la mosquée devenant le lieu central du pouvoir.
Le dimanche, veille de sa mort, l’entourage de Muhammad veut lui administrer un remède contre la pleurésie. Il refuse, entre dans une violente colère et oblige ses proches à tester le médicament. Cet épisode montre à nouveau le niveau de méfiance de Muhammad à l’égard de son cercle le plus proche.
Le lundi, Muhammad meurt. La tradition aussi bien shiite que sunnite s’accorde sur le fait que contrairement aux usages et aux consignes de prophète, l’enterrement n’a lieu que tardivement et de nuit, en l’absence d’Abu Bakr et de Umar, les deux futurs premiers califes.
À ces absences étonnantes, l’auteur donne des pistes d’explications, alors même que la Tradition semble muette sur ce point : ce pourrait être un déni de la mort du prophète, du fait de l’attente d’une résurrection ou de la fin des temps dans une vision eschatologique ; mais Hela Ouardi suggère plutôt une manœuvre politique, donnant le temps à Abu Bakr de prendre le pouvoir en écartant Ali.
Hela Ouardi, Les derniers jours de Muhammad, Albin Michel, Paris, 2016
Hela Ouardi à « la Grande Librairie », le magazine de France 5 à Paris qui est le grand rendez-vous de l’actualité littéraire sous toutes ses formes .à Par!s
Le Récit est sans Ambages truffé de malhonnêteté intellectuelle et historique….Ce livre est un non événement…
A entendre cette Journaleuse l’slam n’aurai pas dépassé les faubourgs de Medine, et ne serai pas dans 30 ans la première religion au monde,
Toutes les religions monothéistes ont été créés par des humains pour asservir d’autres humains. Sans elles, les humains seraient libres et heureux.
J’ai lu ce livre écrit à charge :
-tout d’abord l’écrivaine tunisienne reprend des faits connus mais les déformé et les exagéré pour les conformer au discours islamophobe d’aujourd’hui.
-ensuite, elle ne cite que des références pour conforter des thèses erronées. Il est d’ailleurs étrange que l’auteure n’indique pas une référence majeur celle du grand philologue Ernest Renan.
Ce dernier avait anéanti les Évangiles et la Bible comme non authentiques, alors qu’il affirma le contraire concernant le Coran « texte authentique inattaquable ».
Il avait été excommunié par l’Eglise et interdit d’enseignement au Collège de France qu’il réintégrera plus tard en 1871.
Le fait qu’il n’est pas cité au sujet de la révélation coranique montre que le livre est malhonnête intellectuellement.