En 16 années passées à la tête de l’Allemagne, la Chancelière Angela Merkel aura réussi à doter son pays d’une politique africaine associant plus d’investissements, une nette augmentation de l’aide publique au développement ainsi qu’un engagement militaire et antiterroriste marqué.
Si l’on ne devait mesurer l’attachement d’un dirigeant allemand à l’Afrique qu’au seul nombre de ses voyages officiels en sur ce continent, Angela Merkel aura été, en 16 années de pouvoir, la plus africaine des chanceliers allemands, avec pas moins de quatre grandes tournées africaines. Toutes quasiment au cours de ses deux premiers mandats.
Changement de paradigme
A Berlin, Merkel n’a pas fait que rapprocher l’Allemagne de l’Afrique à travers ses tournées sur le continent. Elle a aussi tenté d’en changer la perception, faisant passer les pays africains du statut de simples consommateurs d’aide publique au développement en zone d’investissements où les entreprises allemandes peuvent encore gagner de juteuses parts de marché. Après avoir indiqué dès le sommet du G8 organisé en 2007 à Heiligendamm, en Allemagne, que l’Afrique devait être considérée sur le même pied d’égalité que les autres partenaires économiques de l’Allemagne, Angela Makel a lancé en 2017 l’initiative emblématique de sa politique africaine : « Compact Africa ».
Présentée en marge du sommet du G20 tenu en 2017 à Hambourg, « Compact Africa » repose sur l’idée qu’il y a du business à faire en Afrique et que les entreprises allemandes ont tort d’y laisser la place à la concurrence chinoise, russe ou celle venue des pays du Golfe comme l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unies et le Qatar. Cette nouvelle orientation du partenariat économique allemand avec l’Afrique devait s’accompagner, grâce à « Compact avec l’Afrique », d’un glissement des investissements allemands, surtout privés, du Maghreb, de l’Afrique australe vers le reste de l’Afrique subsaharienne. A cet effet, les douze pays africains sélectionnés (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Egypte, Ethiopie, Ghana, Guinée, Maroc, Rwanda, Sénégal, Togo et Tunisie) devaient être accompagnés par le gouvernement fédéral pour rendre leurs économies plus attractives aux hommes d’affaires allemands. La liste de ces douze premiers africains de l’Initiative « Compact avec l’Afrique » avait vocation à s’élargir, avait-on précisé côté allemand.
Militarisation de la coopération
C’est pourtant le tournant militaire qui représente le fait plus surprenant de la politique africaine d’Angela Merkel. Outre le soutien militaire à la Mission multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSCA), l’Allemagne a installé une base d’appui logistique à Niamey, au Niger, tout en fournissant près de 1000 soldats à la Mission européenne de formation et de reconstruction de l’armée malienne (EUTEM). En dépit de la dégradation du contexte sécuritaire au Sahel, le parlement allemand a autorisé cette année l’envoi de 650 soldats supplémentaires dans le cadre de l’EUTM. Fait totalement inédit, l’Allemagne a fourni ses dernières années des équipements militaires y compris du matériel létal (blindés, armes lourdes, légères) aux armées nationales des pays sahéliens. Signe de sa volonté d’aller bien au-delà de la simple coopération militaire pour prendre toute sa part dans la lutte contre le terrorisme, la Chancelière Angela Merkel a rencontré en mai 2019 à Ouagadougou les présidents des cinq pays membres du G 5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) pour les assurer de son soutien total face au défi terroriste.
En y ajoutant l’organisation en 2019 à Berlin de la conférence internationale sur la Libye et le sommet qui a réuni en 2017 Angela Merkel et 12 chefs d’Etats africains dans la capitale allemande, on prend toute la mesure de la volonté qu’a eue de la Chancelière sortante de doter son pays d’une vraie politique africaine. Reste désormais à savoir ce qu’en feront ses successeurs.